M@ths en-vie

M@ths en-vie, vous connaissez ? Un beau projet initié par Carole Cortay et Christophe Gilger, qui a pour objectif de montrer aux élèves des cycles 1 à 4 que les mathématiques sont bien ancrées dans la vie réelle ! Les auteurs proposent diverses activités, notamment au travers de photographies, pour lesquelles un traitement mathématique est nécessaire. N’hésitez pas à parcourir le site.

Carole Cortay et Christophe Gilger

© APMEP Mars 2019

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Présentation générale du dispositif

M@ths en–vie est un projet interdisciplinaire en français et mathématiques avec utilisation d’outils et ressources numériques. Il vise à améliorer les compétences des élèves en mathématiques et notamment en résolution de problèmes en prenant appui sur des photos numériques ou des ressources en ligne.

Il repose sur deux objectifs principaux :

  • développer la perception des élèves sur les objets mathématiques qui les entourent ;
  • ancrer les mathématiques au réel afin d’améliorer la compréhension en résolution de problèmes.

L’intégration des outils numériques dans la démarche pédagogique se fait sur deux plans :

  • production, recherche et utilisation de supports numériques réels ( photos et ressources en ligne ) ;
  • utilisation d’outils numériques pour produire, échanger, coopérer et mutualiser.

Toutes les activités proposées dans M@ths en–vie tournent autour de photos numériques prises dans l’environnement quotidien des élèves. Un simple appareil photo dans la classe peut permettre de se lancer dans les différentes activités.

En exerçant les élèves à repérer des situations réelles pouvant faire l’objet d’un investissement mathématique, ils se créent un répertoire de représentations qu’ils pourront ensuite mobiliser dans des situations similaires.

À travers les photographies réalisées par les élèves et utilisées dans le cadre de ce dispositif :

  • ils construisent l’intérêt d’apprendre les mathématiques parce que cette discipline s’inscrit dans leur réalité de tous les jours ;
  • ils mettent du sens derrière chaque donnée et mettent alors en œuvre des procédures de résolution cohérentes ;
  • ils construisent des ordres de grandeurs et exercent un regard critique sur les solutions de leurs problèmes.

L’utilisation de la photo permet alors de construire ce temps intermédiaire entre une situation vécue, réelle et la construction d’une représentation abstraite visée par l’exercice scolaire.

M@ths en–vie s’inscrit évidemment pleinement dans les nouveaux programmes de 2015 ( actualisés en 2018 pour les cycles 2 à 4 ). Bien qu’ayant une dominante mathématique, ce dispositif permet de balayer d’autres disciplines et notamment de travailler de nombreuses compétences liées à la maîtrise de la langue écrite et orale. Il permet aussi de développer des compétences liées au numérique: usage d’un appareil photo ou de tablettes numériques lors de «sorties mathématiques», d’outils collaboratifs tel Padlet1 pour construire des énoncés de problèmes à partir de photos prises par les élèves, d’un blog ou d’un site d’école pour publier les problèmes, de réseaux sociaux ( Twitter, Edutwit2… ) pour participer à des projets collaboratifs entre classes …

Riches et diverses, les activités autour des photographies peuvent être déclinées pour tous les niveaux et mises en œuvre dans la classe avec des modalités variées , comme le montrent les exemples suivants.

« Sortie mathématique » autour des formes en cycle 1

Le principe

Il s’agit, dans la classe, dans l’école ou dans le quartier, de prélever des éléments mathématiques qui serviront de supports à la conception de problèmes. Cette sortie permet :

  • d’aiguiser le regard des élèves sur le monde mathématique qui les entoure ;
  • de se constituer des bibliothèques de photos appartenant à l’environnement proche des élèves afin de faire vivre les différentes activités.

Même si un panel d’images est proposé sur le site afin de donner des pistes et des idées aux collègues intéressés, il est important de comprendre que le projet repose avant tout sur une démarche : celle d’engager les élèves dans une observation fine de leur environnement afin d’y débusquer les notions mathématiques présentes dans le quotidien. La photo permet de garder une trace de cette observation et de la mettre en mémoire pour s’y référer par la suite lors de différentes activités. Il est indispensable de faire vivre aux élèves cette expérience de collecte. Des photos apportées par l’enseignant ne rempliraient pas ce rôle de lien entre une réalité vécue et l’abstraction recherchée.

Point de vigilance : la photographie n’est pas toujours fidèle à la réalité !

Des distorsions risquent d’apparaître sur la photo selon l’angle de prise de vue. Le contrôle des perspectives ne sera pas forcément possible dans les situations réelles. Par exemple, les lignes verticales d’une tour auront tendance à converger et les propriétés géométriques fixées par les photos ne pourront pas forcément être vérifiées. C’est un obstacle qu’il faudra surmonter ou anticiper afin de ne pas déstabiliser les élèves.

Un exemple de scénario pédagogique en cycle 1 sur les formes géométriques

Objectifs mathématiques

  • reconnaître et savoir nommer quelques formes et solides;
  • construire des connaissances et des repères sur quelques formes;
  • décrire des objets et leurs caractéristiques.

But de l’activité

Repérer et photographier tout ce qui a une forme ronde et valider collectivement les photos des élèves.

Consigne élève

« Cherchez un objet qui a une forme ronde et prenez–le en photo. Vous serez par groupe de trois élèves. »

Critères de réussite

  • Pour l’enseignant : l’élève a trouvé des objets ronds.
  • Pour l’élève : je suis capable de valider ma photo en référence avec un objet témoin.

Modalités d’organisation
Deux séances:

  • Séance 1 ( 15 à 30 min ; groupes de deux ou trois ) : les élèves prennent des photos. Au départ, on explore un espace connu tel que la classe. Puis on étend le périmètre à l’école et au quartier.
  • Séance 2 ( grand groupe, ou atelier pour favoriser la parole de tous ) : on visionne les photos; on les valide ou non. Le rejet d’une photo doit être justifié par les élèves.

Aide / Différenciation

Si l’élève a du mal à reconnaître les formes rondes, on peut passer par le toucher, le geste ou le corps: reconnaître par le toucher, décrire un cercle avec le corps, faire un rond avec le bras, faire un rond dans un bac à sable …

Interdisciplinarité

Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions:

  • vocabulaire spécifique: rond, cercle, anneau, boule, …
  • échanges entre pairs lors de la prise de vue ;
  • justification orale dans le groupe.

Conseils pratiques

  • Privilégier les tablettes, plus faciles à prendre en main par les petits ( cadrage ).
  • Si la classe ne dispose que d’un appareil, l’activité reste bien entendu possible : l’élève qui veut prendre une photo justifie son choix oralement auprès de l’enseignant qui le valide en direct.
  • Utiliser un vidéoprojecteur pour la validation collective.
Pour aller plus loin…
  • Décliner cette activité pour les carrés, les rectangles, les lignes courbes, les lignes droites, les spirales, les ponts … Suivre la progression de la classe en graphisme.
  • Créer un imagier de formes géométriques et/ou réaliser une affiche où le lexique est illustré par une photo.

Résolution de problèmes en cycle 2

Le principe
  • L’enseignant crée des problèmes à partir des photos prises par lui-même ou par les élèves.
  • Le support numérique proposé n’est pas une simple illustration : il contient un ou des éléments mathématiques qu’il est nécessaire de prélever pour pouvoir résoudre le problème.

Travailler à partir de photos de la vie quotidienne des élèves va leur permettre de se constituer des répertoires de situations. En effet, parfois, certains n’entrent pas dans la tâche car ils ne se représentent pas le problème. En parallèle on pourra travailler avec les élèves sur la modélisation des différents problèmes. Il s’agira cette fois–ci d’élaborer des modèles de problèmes avec leur résolution associée auxquels l’élève pourra faire référence pour résoudre son problème. On initiera collectivement les élèves dans cette démarche avant qu’elle puisse être appropriée en autonomie. On s’appuiera sur la classification de Vergnaud qui propose une typologie des problèmes additifs, soustractifs, multiplicatifs et de division.

Un retour d’expérience

Nous avons soumis deux problèmes à 179 élèves de neuf classes différentes de CP, CE1 ( en très grande majorité ) et CE2, au sein de quatre écoles avec des profils très divers.

Problème 1 :

Problème 2 :

Les deux problèmes ont été réalisés par les élèves dans la même séance et dans cet ordre.

Dans le problème 1, classique, les deux données sont présentes dans l’énoncé et la photo n’est qu’une simple illustration du problème, n’apportant aucune information ou représentation.

Dans le problème 2, une seule donnée nécessaire à la résolution du problème est présente dans l’énoncé, mais la photo permet d’apporter la donnée manquante et offre une représentation de la situation ( œufs organisés et dénombrables ).

Sur les 179 élèves concernés par cette évaluation, 160 ont mis en œuvre une démarche de résolution correcte pour les deux problèmes ( multiplication, addition réitérée, schématisation et comptage des unités, sur–comptage … ), soit 89 % de réussite.

Sur les 19 élèves n’ayant pas réussi ou réalisé le premier problème, on a pu remarquer que, dans le deuxième problème, leur démarche a été soutenue par la photo:

  • 13 ont entamé une procédure de résolution correcte ( schématisation des quatre boîtes d’œufs puis comptage, utilisation de l’addition réitérée et même de la multiplication ) ;
  • 2 ont donné comme réponse 6 et se sont, semble-t-il, contentés de compter le nombre d’œufs dans la boîte ( problème de lecture ou de compréhension de consigne ? ).
  • Pour 4 élèves, les procédures des deux problèmes n’ont pu être interprétées.

Le faible échantillon de cette expérimentation ne nous permet pas de conclure avec certitude de l’efficacité réelle de l’aide apportée par la photo. Cependant, 13 élèves ont réussi à se représenter concrètement la situation, à donner du sens à ce qu’ils faisaient et à mettre en œuvre une démarche de résolution correcte sur le second problème.

Nous notons donc que :

  • la grande majorité des élèves en difficulté ou en échec sur le premier problème a entamé une procédure de résolution correcte pour le deuxième ;
  • les élèves ayant ajouté les deux données ( 4 et 5 ) sur le premier problème, n’ont pas reproduit cette erreur sur le deuxième ;
  • la représentation proposée sur le deuxième problème a amené les élèves qui n’avaient pas fait ou pas su se représenter la situation à réaliser un schéma correct.

Si l’utilisation de la photographie n’est pas nécessaire pour tous, elle a néanmoins permis d’engager tous les élèves et notamment les plus en difficulté dans une réflexion mathématique.

Création de problèmes par les élèves en cycle 3

Le principe
  • L’élève ( ou l’enseignant ) choisit un support numérique ( photo, page web… ) avec un ( ou des ) élément( s ) mathématique( s ).
  • L’élève rédige un problème à partir de ce support.
  • Le problème est proposé à d’autres élèves de la classe.
Un retour d’expérience en CM1/CM2

Classe hétérogène de 29 CM : 16 CM1 et 13 CM2.

Ci-dessous, les étapes que l’enseignante ( M Sandrine Chabault ) s’est fixées pour mettre en place le dispositif.

1°) Première période

Le travail s’est déroulé sur six à sept séances. À partir d’une photo choisie dans la banque de photos, l’enseignante a demandé aux élèves d’inventer seul( e ) ou en binôme, un problème avec la contrainte suivante: on doit utiliser la photo pour pouvoir résoudre le problème.

Un exemple :

« Je suis parti d’une altitude de  2237 mètres. Quel dénivelé ai-je effectué une fois arrivé au col ? »

Lors de la mise en commun, les élèves ont déterminé les productions qui devaient être écartées puis ont dégagé plusieurs critères afin de définir ce qu’était un énoncé de problème « dans l’esprit M@ths en–vie » :

  • il faut que l’énoncé soit en rapport avec la photographie ;
  • on ne doit pas pouvoir résoudre le problème si on ne voit pas la photo ;
  • l’énoncé du problème doit nous amener à résoudre un problème mathématique, à faire une ou des opérations ;
  • l’énoncé doit avoir du sens et être cohérent.

2°) Période suivante :

Lors de deux séances, les élèves ont ensuite essayé de chercher au sein de l’école des situations pouvant donner lieu à un problème mathématique. Ils ont alors fait une « sortie mathématique », pris des photos qu’ils ont déposées sur des ordinateurs de l’école. Ils ont ensuite inventé des problèmes, et se sont aperçus qu’une même photo pouvait donner lieu à plusieurs énoncés.

Un travail spécifique en français sur la construction d’une question et l’explicitation d’un énoncé a été nécessaire pour surmonter les difficultés repérées.

S’est ensuivie une discussion sur le niveau de classe auquel les problèmes pouvaient correspondre. Ils ont été proposés à toutes les classes de l’école, de la MS au CM2 en fonction de leur difficulté.

Voici un exemple de problème à destination des MS/GS :

« Le petit train a autant de roues d’un côté que de l’autre. Combien en a-t-il au total ?»

 

Les points positifs
      • la motivation des élèves dans la création de leurs problèmes et leur résolution ;
      • des élèves moins complexés face aux problèmes proposés et entrant davantage dans la résolution à la suite du projet ;
      • l’émulation dans les autres classes et le lien avec toute l’équipe.

Conclusion

D’autres usages de la photographie sont possibles et décrits sur le site M@ths en–vie : n’hésitez pas à aller les découvrir… Une mallette, à destination des formateurs, est disponible pour faire connaître le dispositif lors d’animations pédagogiques ( format de deux à trois heures ). Elle comprend une trame de l’animation avec le matériel utilisé pour faire vivre des activités aux participants. N’hésitez pas à nous la demander !

Référence

  1. C. Cortay et C. Gilger. L’ouvrage pédagogique M@ths en-vie, accompagné de trois logiciels La photographie au service de la résolution de problèmes. 89 €. Commande.

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Carole Cortay est conseillère pédagogique dans le 1 er degré. Christophe Gilger est Enseignant Référent pour les Usages du Numérique (E-RUN) et Professeur des Écoles Maître Formateur en mathématiques (PÉMF). Ils travaillent tous deux dans la circonscription de Saint-Gervais / Pays du Mont-Blanc (Haute-Savoie, académie de Grenoble) pilotée par Philippe Roederer, Inspecteur de l’Éducation Nationale (IEN).


La Société Mathématique de France (SMF) a récompensé cette opération pédagogique innovante dans le domaine des mathématiques en lui décernant, en juin 2018, le prix Jacqueline Ferrand.


  1. Padlet est un outil collaboratif en ligne qui permet de créer et de partager des murs virtuels.
  2. Edutwit est un «mini twitter» spécialement dédié aux écoles primaires.
Pour citer cet article : Cortay C. et Gilger C., « M@ths en–vie », in APMEP Au fil des maths. N° 531. 3 avril 2019, https://afdm.apmep.fr/rubriques/eleves/mths-en-vie/.