Favoriser l’apprentissage de la géométrie
par la manipulation à l’école maternelle

Comme cela avait été promis dans l’article Construction de connaissances spatiales en cycle 1 (n° 537), nos collègues belges nous livrent quelques nouvelles Math & Manips consacrées à une approche précoce des formes géométriques et de la notion de symétrie axiale.

M.-F. Guissard, V. Henry, P. Lambrecht, P. Van Geet &  S. Vansimpsen

© APMEP Mars 2021

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Introduction

Dans la recherche intitulée « Math & Manips, des manipulations pour favoriser la construction des apprentissages », une équipe du CREM1 s’est efforcée de proposer des activités où la manipulation est susceptible de favoriser l’installation de concepts mathématiques fondamentaux.

Le présent article décrit quelques-unes des activités destinées aux élèves de l’école maternelle sur le thème de la géométrie. Par un travail sur des assemblages de cartes et des empreintes, les ateliers décrits dans cet article amènent les enfants à repérer des symétries dans des figures et à reconnaître, assembler et comparer des formes géométriques simples.

Les compétences visées par cette séquence sont de reconnaître des figures qui présentent une symétrie d’axe vertical, de retrouver l’image d’une figure par symétrie axiale, et d’identifier différentes formes géométriques par l’analyse informelle de leurs caractéristiques.

Symétrie

L’objectif est de reconstituer des figures géométriques en respectant une symétrie axiale.

Figure 1.

À partir d’un jeu de cartes « solo » comportant une seule forme d’une seule couleur (la figure 1 montre une paire de ce jeu), l’enseignant reconstitue sur la table toutes les paires symétriques. La figure 2 montre la fiche qui permet de réaliser le jeu complet de cartes.

Il laisse aux élèves un temps d’observation et puis leur demande pourquoi il a placé les cartes par deux de cette manière.

L’objectif est de permettre aux élèves de se familiariser avec les cartes symétriques.

L’enseignant peut, dans un premier temps, proposer aux enfants de parler de « cartes amies » pour désigner les paires symétriques.

Figure 2.

Devant les élèves, l’enseignant reprend une carte de chaque paire et reconstitue des paires dont certaines sont symétriques et d’autres pas. Il demande d’indiquer les paires symétriques et de justifier pourquoi les autres ne le sont pas ; il récupère au fur et à mesure les paires non symétriques. Ensuite, après avoir reconstitué les paires symétriques, il prend une carte de chaque paire, parfois celle de gauche, parfois celle de droite. Il mélange les cartes collectées et les dispose en une pile devant les élèves puis donne la consigne :
« Prends la première carte de la pile et place-la à côté de sa carte amie pour reconstituer les formes que nous venons d’observer ».

Les élèves réalisent un assemblage chacun à leur tour. Une fois qu’ils sont capables de reconstituer des paires symétriques, l’enseignant intègre huit paires de cartes « solo » de l’autre couleur. Il dispose sur la table une carte de chacune des seize paires et empile les cartes restantes. Il donne alors la consigne suivante :
« Prends la première carte de la pile et place-la à côté de sa carte amie pour reconstituer des formes d’une seule couleur ».

Figure 3.

L’enseignant peut réaliser la même activité plusieurs fois tout au long de l’année en la complexifiant grâce à des cartes « duo » (deux formes) d’une couleur ou de deux couleurs. La figure 3 présente différents types de cartes, avec des paires symétriques et d’autres non symétriques.

Échos des classes

La perception de la symétrie d’une figure est déjà très présente intuitivement chez les élèves. Ils arrivent d’emblée à reconnaître des paires symétriques et des paires qui ne le sont pas. La difficulté de l’activité réside principalement dans l’identification de la carte symétrique.

Empreintes

Avant de commencer l’activité, l’enseignant explique ce qu’est une empreinte. Il peut en faire la démonstration en enduisant de peinture une face plane d’une boîte et en l’appliquant sur une feuille de papier. Par la suite, il montre qu’on peut obtenir le même effet en contournant cette face de la boîte et en coloriant l’intérieur de la forme ainsi tracée. Ce sont les surfaces ainsi obtenues que nous appelons « empreintes » dans cette activité.

Nous travaillons uniquement avec les empreintes de faces planes, l’objet ne peut ainsi ni glisser ni rouler lorsqu’on trace le contour d’une face. Par exemple, les seules empreintes d’un cylindre prises en considération seront des disques. Remarquons que des empreintes assez différentes, non planes, sont obtenues en enfonçant des objets dans du sable par exemple. Ces dernières ne font pas l’objet de cette activité.

Figure 4.

L’activité nécessite un ensemble de boîtes, au moins deux boîtes de plus que le nombre d’élèves du groupe, et si possible deux boîtes différentes ayant une empreinte commune. Par exemple : prismes droits à bases triangulaires, à bases hexagonales ou octogonales, à bases carrées, pyramides, boîtes cylindriques, boîtes à base ovale. Un échantillon de dix boîtes permet de nombreuses comparaisons intéressantes.

Empreintes libres

Il s’agit de faire découvrir aux élèves différentes formes obtenues par des empreintes de boîtes.

L’enseignant dépose les boîtes en vrac sur la table, afin qu’elles ne soient pas toutes présentées dans une position habituelle. Il choisit une boîte et réalise sur une feuille l’empreinte d’une de ses faces en la contournant à l’aide d’un feutre et en coloriant l’intérieur de son tracé. Il insiste sur le fait que l’empreinte d’une face correspond à toute la surface colorée et non à son contour. L’enseignant distribue quelques feuilles et un feutre à chaque élève puis donne la consigne suivante :
« Choisis une boîte et dessine des empreintes ».

Les élèves devraient dessiner plusieurs empreintes en plaçant leur boîte de différentes manières sur leur feuille. Par exemple, une boîte en forme de prisme droit à bases triangulaires peut donner des empreintes triangulaires et des empreintes rectangulaires. Si nécessaire, l’enseignant encourage l’élève à dessiner plus qu’une seule empreinte, dans la mesure du possible, sans pour autant lui demander de les dessiner toutes.

Si un élève dessine deux empreintes identiques, c’est l’occasion de faire remarquer que les faces correspondantes de la boîte sont identiques. Cette première manipulation a pour but de familiariser l’élève avec la notion d’empreinte et non de trouver toutes les empreintes possibles d’une même boîte.

Association

Figure 5.

L’étape suivante consiste à associer des faces planes de boîtes à des formes géométriques à partir de leurs empreintes.

L’enseignant place sur la table des grandes feuilles sur lesquelles sont dessinées les empreintes de toutes les faces des boîtes présentées aux élèves. Il donne la consigne suivante :
« Choisis une boîte puis retrouve ses différentes empreintes ».

À tour de rôle, chaque élève choisit une boîte, regarde une de ses faces et cherche l’empreinte qui lui correspond. Il dépose alors la boîte sur cette empreinte. Si l’association est correcte, la boîte se positionne exactement sur l’empreinte.

La vérification est faite par le groupe puis l’élève poursuit en choisissant une autre face de la même boîte. Lorsque l’élève, aidé par le groupe, a trouvé toutes les empreintes possibles de sa boîte, la boîte est retirée de la table.

La démarche inverse est travaillée également. L’enseignant montre une empreinte dessinée et donne la consigne :
« Montre la face d’une boîte qui correspond à cette empreinte et vérifie ton choix ».

L’élève choisit une boîte et montre une face du solide qui correspond à l’empreinte. L’élève vérifie son choix en déposant la face de la boîte choisie sur l’empreinte. La boîte est ensuite remise avec les autres boîtes. Puis, c’est l’élève qui a trouvé une boîte correcte qui désigne une empreinte pour le suivant.

Si l’échantillon de boîtes le permet, l’enseignant peut faire trouver aux élèves deux boîtes ayant une face qui donne la même empreinte. Ces deux faces sont alors identiques, on peut les « coller » l’une contre l’autre.

Ressemblance

Pour terminer, on demande aux enfants d’associer la face d’une boîte à une figure géométrique, quelles que soient ses dimensions.

L’enseignant dispose sur la table les différentes boîtes, des gommettes et les quatre formes de couleur représentant un carré, un triangle équilatéral, un rectangle et un disque, puis donne les consignes suivantes :
« Choisis une boîte et montre une de ses faces. Si possible, identifie cette face à l’une des figures géométriques proposées. Prends une gommette de même couleur que la figure et applique-la sur la face indiquée ».

Chacun à son tour, un élève montre une face et repère la figure correspondante parmi les formes se trouvant sur la table. De ce fait, il apprend à observer la forme d’une figure indépendamment de ses mesures, et indépendamment du solide. Lorsqu’il a placé une gommette sur une face identifiée, il replace la boîte sur la table. Si l’élève montre une face plane qui ne correspond à aucune figure de référence, il ne met pas de gommette et explique pourquoi. L’élève suivant choisit une face, sur la même boîte ou sur une autre, et fait le même exercice.

Deux faces avec des gommettes de même couleur sont associées à une même figure, mais ne sont pas pour autant superposables. Une boîte parallélépipédique ayant six gommettes de la même couleur sera soit un cube (composé de faces carrées identiques) soit un parallélépipède rectangle (composé de paires de rectangles identiques).

Notons pour l’enseignant que, si les faces carrées ou circulaires sont bien semblables2 à la figure de référence, il n’en est pas de même pour les rectangles qui, eux, peuvent être très différents : il y a des rectangles « très allongés » et des rectangles « presque carrés ». Il est important de montrer aux élèves que les faces rectangulaires d’une même boîte peuvent être très différentes bien qu’elles soient identifiées par une gommette de même couleur.

L’activité peut également se faire en sens inverse à savoir, choisir une figure géométrique et chercher une face de boîte qui lui correspond.

Échos des classes

Lorsque les élèves participent à deux activités successivement, ils reprennent systématiquement la boîte choisie lors de la première activité pour réaliser la deuxième. L’enseignant peut intervenir en encourageant chacun à prendre une boîte différente.

Conclusion

La mise au point de telles activités d’apprentissage consacrées à une approche précoce des formes géométriques, y compris la notion de symétrie orthogonale, nous a convaincues davantage de l’importance de prendre le temps de mettre en place ces différentes notions avec les jeunes enfants. Les expériences menées dans les classes de tout petits n’ont fait que renforcer cette conviction.

La séquence d’apprentissage décrite dans cet article est complétée par l’activité « Puzzles de formes géométriques » qui s’intéresse à la reconnaissance de formes géométriques placées dans des positions inhabituelles, ainsi qu’aux équivalences d’aires. Cette dernière activité a été publiée dans le numéro 535 d’Au fil des maths.

Rappelons que l’ensemble des manipulations s’appuie sur un matériel facilement réalisable et réutilisable à différents niveaux. Ce matériel est disponible sur le site du CREM.

Références

  1. Marie-France Guissard et al. Math & Manips. Des manipulations pour favoriser la construction des apprentissages en mathématiques. Nivelles : CREM, 2014.

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Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht, Patricia Van Geet et Sylvie Vansimpsen ont constitué un groupe de chercheurs au CREM (Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) à Nivelles, en Belgique.


  1. Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques, à Nivelles en Belgique.

  2. Deux figures sont semblables si l’une est l’agrandissement ou la réduction de l’autre. Les angles correspondants sont alors égaux et le rapport des longueurs correspondantes est constant. Par exemple, un dessin à l’échelle est semblable à l’original.

Pour citer cet article : Guissard M.-F., Henry V., Lambrecht P., Van Geet P. et Vansimpsen S., « Favoriser l’apprentissage de la géométrie par la manipulation à l’école maternelle », in APMEP Au fil des maths. N° 539. 20 mars 2021, https://afdm.apmep.fr/rubriques/eleves/favoriser-lapprentissage-de-la-geometrie-par-la-manipulation-a-lecole-maternelle/.