ÉloquenSciences

Allier éloquence et sciences pour aider les jeunes à développer leurs compétences dans la communication orale, est-ce un challenge qui motiverait les apprenants ? Les élèves utilisent leurs apprentissages en sciences et en mathématiques pour raisonner le plus souvent à l’écrit. Le concours d’éloquence scientifique, ÉloquenSciences, créé par Houria Lafrance est un nouveau challenge qui les pousse à se dépasser, à sortir de leur zone de confort, afin d’exposer leurs raisonnements à l’oral par une démarche scientifique et de confronter leurs idées à travers des débats.

Houria Lafrance

© APMEP Juin 2021

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Depuis 2018, l’association Les Maths En Scène propose ce concours aux élèves de collège, de lycée et d’enseignement supérieur jusqu’à la licence. Il est parrainé par la mathématicienne Jasmin Rayssi, maîtresse de conférences, membre junior de l’Institut Universitaire de France et par le mathématicien Étienne Ghys, directeur de recherches CNRS, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences.

Objectifs et organisation du concours

ÉloquenSciences allie art de la parole et recherche scientifique à travers un travail de réflexion sur des questions scientifiques auxquelles il faut répondre. Le candidat choisit sa question dans une liste fournie par le comité d’organisation. Par exemple, «le hasard existe-t-il ?» ou «l’ordinateur est-il plus efficace que l’humain ?».
Le concours permet aux candidats :

• d’échanger avec un scientifique afin de préparer un discours scientifique argumenté ; chaque candidat est suivi par un référent scientifique qui l’aide à construire son raisonnement et son discours.

• de rencontrer un intervenant en théâtre pour affiner la gestuelle et préparer le discours oral.

• de développer leur éloquence en cultivant leur esprit critique, et en stimulant leur curiosité intellectuelle et scientifique. Ce dispositif les prépare aussi aux futures épreuves orales qu’ils rencontreront au cours de leurs cursus scolaires et universitaires.

Le candidat va réfléchir aux réponses à apporter à sa question en consultant régulièrement son référent scientifique, pour confronter ses réflexions à des arguments scientifiques et sociétaux, et pour exposer ses doutes. Il élabore son argumentation avec son référent et éventuellement son enseignant. Il apprend ainsi à communiquer à l’oral dans une démarche constructive et scientifique. Une séance de formation théâtrale complète sa préparation pour travailler la posture, la mise en scène et le placement de la voix.

Le concours se divise en deux temps importants : le premier tour (qualification) en mars lors de la semaine des mathématiques et la finale en juin. Lors du premier tour de qualification, les candidats doivent présenter un discours argumentatif, devant un jury qui évalue leur démarche scientifique et leur éloquence. Les exposés se font sans trace écrite ni diaporama, sur une durée de cinq minutes maximum. Le jury est invité à poser des questions bienveillantes pour échanger ou compléter l’analyse des candidats.

La finale a lieu sous forme d’une battle entre les candidats retenus. Ils sont regroupés par binôme autour d’une question imposée par le jury qui propose des réponses de type oui/non. Les candidats préparent les arguments des deux positions. Ils découvrent celle qu’ils défendront par tirage au sort.

Nous proposons un prix collège, un prix lycée et un prix universitaire. Le jury est constitué de six personnes, des scientifiques, des avocats ou des journalistes. Il est renouvelé de quelques personnes d’une année à l’autre. Il évalue à partir d’une grille la capacité du candidat à mobiliser les techniques oratoires pour laisser une trace pérenne dans l’esprit de son public tout en utilisant une argumentation scientifique de qualité.

Voici quelques exemples de sujets répartis en six catégories, proposés par l’association Les Maths En Scène :

Média, apprentissage, société & actualité

• Existe-t-il un lien entre la recherche et la logique ?

• La médiation scientifique est-elle nécessaire ?

• Une étude récente montre que les élèves français sont parmi les moins bons en mathématiques parmi tous les autres pays. Pourquoi, selon vous ? Est-ce important ?

Biologie & médecine

• Sommes-nous déterminés uniquement par nos gènes ?

• Le hasard a-t-il sa place en biologie ?

• Qu’est ce qui caractérise le vivant ?

Environnement & climat

• L’Humain pourrait-il contrôler le climat ?

• Le système climatique terrestre est-il stable ?

• La science peut-elle nuire à l’environnement ?

Mathématiques

• Les mathématiques sont-elles une invention humaine ?

• Un théorème peut-il être démontré de deux manières vraiment différentes ?

• «Faire des mathématiques, c’est donner le même nom à des choses différentes» disait Poincaré. Que voulait-il dire ?

Informatique & numérique

• Peut-on résoudre tous les problèmes avec un ordinateur ?

• L’internet des objets va-t-il compromettre notre vie privée ?

• Est-il vain de vouloir contrôler notre empreinte numérique ?

Spatial

• À quoi sert la station spatiale internationale ?

• Que nous apporte la recherche scientifique effectuée dans la station spatiale internationale ?

• Quels sont les dangers de ne pas inclure les filles et les femmes dans les développements sur l’Intelligence Artificielle (IA) ?

Les questions sont réactualisées chaque année par le conseil scientifique de l’association et validées par la marraine et le parrain du concours.

Quelques témoignages de référents scientifiques, d’enseignants et de candidats

Marraine du concours : Jasmine Rayssi (maîtresse de conférences, mathématicienne de l’Institut mathématique de Toulouse)

Marrainer ce concours est une occasion exceptionnelle de partager mon amour pour les sciences avec les jeunes. C’est un honneur, une responsabilité et une source de grande émotion. Je suis à chaque fois épatée par la participation des élèves, leur production et leur enthousiasme et j’en sors enrichie humainement et motivée dans mon travail. Cette année en particulier, la finale en distanciel a été une difficulté supplémentaire que les élèves ont su affronter avec une maturité hors commun.

Ce concours permet aux jeunes d’interagir avec des scientifiques et avec d’autres élèves sur des sujets scientifiques et sociétaux. Il contribue à mettre en place un vrai partenariat et un réel partage de connaissances et de points de vue qui sont très enrichissants et motivants.

Référents scientifiques & membres du jury

Pascal Lafourcade (enseignant-chercheur au LIMOS, Université Clermont-Auvergne)
ÉloquenSciences est une initiative originale qui allie sciences et lettres. Elle permet de faire réfléchir un jeune sur un sujet, de construire son esprit critique et d’organiser sa pensée afin de lui permettre de défendre son point de vue en public ! Être référent scientifique me permet d’apporter mon expertise sur mes domaines de compétences afin d’aider les jeunes à trier le vrai du faux dans leurs apprentissages. Voir l’énergie, la curiosité et la motivation des jeunes à construire leur pensée est une expérience extraordinaire ! Cela redonne espoir en la jeunesse ! Ce concours permet aux participants d’approfondir un sujet, de peser le pour et le contre, de former son esprit critique et de mener des recherches documentaires avec l’aide d’un mentor pour éviter de tomber dans les pièges de l’effet «Google est mon ami» et d’identifier les informations pertinentes parmi la masse des données qui sont de nos jours accessibles sur l’internet.

Arnaud Chéritat (mathématicien de l’Institut Mathématiques de Toulouse, directeur de recherche au CNRS)
Il est inhabituel d’associer science et éloquence. J’ai été référent scientifique de plusieurs élèves et c’était un exercice intéressant. J’ai pu donner des pistes et valider des arguments. Cela m’a poussé à réfléchir à quelques questions de société et de science. Ce concours développe une confiance en soi et une méthodologie scientifique (recherche bibliographique/internet) sur un sujet donné suivi d’une réflexion. Cet exercice est utile à tout citoyen pour s’exercer à la communication et au débat d’un point de vue scientifique.

Julie Batut (maîtresse de conférences, chercheuse au Centre de Biologie Intégrative)
Participer à Éloquensciences est une aventure enrichissante, émouvante et passionnante. Ce concours est une opportunité pour chaque participant, qu’il soit élève ou référent scientifique, de nous faire rêver sur les Sciences, de nous élever ; c’est un réel petit bonheur scientifique et humain. Être référente scientifique me permet d’interagir avec des élèves sur des sujets scientifiques et sociétaux. Une relation se crée et au fil des questions-réponses, une démarche scientifique émerge. Nous mettons en place un vrai partenariat et un réel partage de connaissances et de point de vue qui sont très enrichissants et motivants. Être membre de jury est un honneur, une responsabilité et une source de grande émotion. Écouter ce que les élèves arrivent à produire est impressionnant et même fascinant, certains nous éblouissent par leur éloquence, leur clarté, leur raisonnement et leur réactivité. J’apprécie également énormément les échanges entre les membres du jury.

Jean-Baptiste Aubin (maître de conférences à l’Institut Camille Jordan)
Participer à ÉloquenSciences est une très bonne occasion de faire travailler son esprit critique ! En qualité de référent scientifique j’ai pu rencontrer des jeunes qui se posent plein de questions. En effet, ce concours leur offre la possibilité de rencontrer des chercheurs/chercheuses en se posant des questions pour structurer une réflexion scientifique argumentée afin de la présenter devant d’autres…

Référent théâtre

Vincent Dufour (comédien et metteur en scène)
J’ai eu le plaisir d’être référent théâtre du concours Éloquensciences afin de conseiller les candidats.
C’est toujours une aventure de constituer de manière éphémère des groupes de travail pour s’adonner à une pratique théâtrale qui réclame honnêteté et générosité, qui fait vivre dans un espace-temps, pourtant réduit, un moment fort et constructeur.
Avec chacun des groupes nous avons réfléchi, étudié, décortiqué les moindres faits et gestes qui racontent malgré nous notre état d’être quand de multiples regards posés sur nous se font sentir.
Ces temps d’expérimentation, d’amusement et de rigueur, ont permis à chacun de travailler sur sa posture, la maîtrise de sa gestuelle, de la projection de la voix et du souffle. Dans l’exercice d’une prise de parole en public, la difficulté est toujours de trouver le chemin intérieur qui laisse jaillir intensité et authenticité pour exposer, voire défendre, son propos.

J’ai fait de belles rencontres, de belles découvertes et les élèves aussi me semble-t-il. De ce que j’ai entrevu, des chemins se sont révélés, des métamorphoses devraient être en cours…

Enseignants

Virginie Valette (professeure de mathématiques en lycée)
C’est avec un grand plaisir que pour la deuxième année j’ai proposé à mes élèves de participer au concours ÉloquenSciences. Je trouve en effet que cela dynamise l’image des sciences, en permettant à des jeunes de se poser des questions scientifiques et de les illustrer par un exposé oral, concis et vivant. Quel plaisir d’entendre des jeunes bien s’exprimer et s’enthousiasmer pour un sujet scientifique ! Je trouve le principe des battles finales très bien pour développer la capacité à réagir à vif, à argumenter en fonction d’un point de vue qui vient d’être exposé. Il n’y a pas qu’en droit que l’on a besoin de savoir s’exprimer ou d’argumenter. Dans leur future carrière scientifique, ils devront exposer lors de conférences, expliciter un projet, argumenter pour décrocher un marché… et je trouve que ce concours leur permet de développer cette capacité. Ils éviteront peut-être les erreurs de certains de leurs aînés pour qui parfois faire un exposé lors d’une conférence consiste à lire leurs diapositives.

D’un point de vue professionnel, avec la mise en place du grand oral, EloquenSciences me permet de mieux préparer les élèves à cette épreuve. Je compte même convier mes élèves de spécialité à suivre la première phase du concours pour qu’ils voient ce qu’on peut faire en trois minutes sur un sujet scientifique à l’oral.

Alexandre Bernad (professeur de mathématiques en collège)
Ce concours est intéressant pour les élèves dans le but de les préparer à l’oral du brevet mais pas seulement. Il est indispensable de nos jours de savoir s’exprimer et d’échanger devant plusieurs personnes, d’utiliser un vocabulaire correct, précis et varié, d’exprimer son point de vue et de savoir le justifier. Mes élèves se sont uniquement préparés avec l’aide de leur parrain et peut être leur famille (ils n’ont pas souhaité faire un oral blanc). Ils étaient ravis de pouvoir mettre les pieds dans une université scientifique, de visiter les laboratoires et de se confronter à d’autres candidats. Cette expérience est une plus-value pour leur futur CV. Personnellement, cela fait toujours plaisir d’avoir un de ses élèves qui gagne le concours.

Candidats

Maxime Joubert, finaliste 2020 prix lycée
ÉloquenSciences, ça paraît bête de le dire, mais ça m’a aidé à être plus à l’aise à l’oral devant un très grand nombre de personnes (parce qu’entre faire un exposé à sa classe et parler devant cinquante personnes que tu ne connais pas…). Mais avant tout, cela m’a apporté quelque chose qu’on ne remarque pas souvent. En fait ça m’a appris à faire des recherches sur un sujet qui m’est totalement inconnu, de poser des questions auprès de mes proches ou de ma marraine, de structurer ces informations pour les mettre à l’oral. Aussi j’ai fait un exercice que je n’avais jamais fait: une battle.

Pour finir, mon étape préférée, ce fut le dernier oral, celui à thème libre. C’était très intéressant car on a vraiment dû se creuser les méninges, et ça développe vraiment les capacités de recherches d’informations, et surtout la débrouillardise car personnellement, j’ai choisi un sujet pas facile facile. À la question : «Doit-on le proposer à tous les élèves ?» Bien sûr que oui Mais attention, on ne doit pas non plus le proposer aux élèves qui n’ont pas conscience du type d’épreuve que c’est. Se retrouver face à cinquante personnes, ça peut être déstabilisant…

Inès Belmaaziz, collégienne en Troisième
J’ai participé au concours l’an dernier. C’était génial! C’était une belle expérience. Les sujets pris par les candidats étaient très intéressants. Cela m’a permis d’apprendre beaucoup en les écoutant. Lors de mon passage, j’étais un peu stressée mais le jury et le public sont bienveillants. La préparation avec notre référente scientifique nous permet de maîtriser nos arguments. Cette expérience m’a permis d’avoir une idée de ce que c’était que l’art oratoire. Pour la préparation des sujets, j’étais bien guidée lors de mes échanges avec mon référent.

Conclusion

Les deux premières éditions du concours ÉloquenSciences ont rencontré un franc succès. C’est une aventure humaine et scientifique exceptionnelle. Chacun en ressort enrichi par des rencontres. Chaque candidat reçoit une attestation de participation qui pourra être mise en avant dans son parcours. Les discours seront publiés chaque année dans une brochure afin de partager leur travail si intense tout au long de la préparation.

Liens vers deux vidéos

La finale 2020 s’est déroulée en ligne. La question était «Les mathématiques sont-elles un langage ?». Justine défendait le «non» et Titouan le «oui» : .

Après le premier tour 2019, des candidats ont pu présenter leur prestation lors de la soirée du festival Les maths dans tous leurs états devant le grand public avec notamment la présence d’Étienne Ghys. Selie, élève de Troisième, finaliste 2019 avait choisi la question : «Est-ce qu’on découvre les maths ou est-ce qu’on les invente ?» : .

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Houria Lafrance est enseignante en mathématiques, fondatrice et présidente de l’association Les Maths En Scène. Elle fédère des chercheurs, des enseignants à travers les dispositifs, des événements et la création d’outils pédagogiques de l’association Les Maths En Scène pour la diffusion de la culture des mathématiques pour toutes et pour tous.