La coupe du monde de rugby
Les problèmes de Papy Michel
La prochaine coupe du monde de rugby étant prévue pour l’automne 2019, nous allons apporter notre modeste contribution à l’amélioration des techniques des joueurs !
Michel Soufflet
© APMEP Septembre 2019
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La transformation au rugby
Un essai ayant été marqué à la distance \(a\) du premier poteau et à la distance \(b\) du deuxième, le joueur chargé de la transformation peut, tout en restant sur une perpendiculaire à la ligne de but, se placer à une distance \(x\) de son choix pour taper son « coup de pied » entre les poteaux.
Où doit-il se placer pour que l’angle \(\varphi\) de tir soit maximal ? On suppose qu’il n’y a pas de vent au moment du tir1.
Ce problème a été l’objectif de l’exercice 4 du sujet métropole 20162 (en TS). La fonction tangente n’étant pas au programme de Terminale S, les élèves sont amenés à prouver la stricte croissance de la fonction tangente et on leur fournit la formule d’addition pour \(\tan(\alpha-\beta)\).
Le problème revient à chercher le maximum de la fonction \(\varphi\) lorsque \(x\) varie de \(0\) à \(+\infty\).
L’angle \(\varphi\) est bien sûr compris entre \(0\) et \(\dfrac{\pi}{2}\) lorsque \(x\) varie entre \(0\) et \(+\infty\) et la fonction tangente est croissante sur cet intervalle \([0;\dfrac{\pi}{2}[\cdotp\)
Préliminaires…
La formule \(\tan(\alpha-\beta) = \dfrac{\tan(\alpha)-\tan(\beta)}{1+\tan(\alpha)\times\tan(\beta)\mathstrut}\) n’est plus dans les programmes de Terminale mais la démonstration peut se faire en classe avec l’aide de l’enseignant. Une bonne occasion de réviser le produit scalaire vu en 1 S ainsi que les formules de trigonométrie du programme (nécessaires pour déterminer le module et argument du produit de deux complexes).
On place sur le cercle trigonométrique de centre \(\mathsf{O}\) un point \(\mathsf{A}\) tel que \(\overrightarrow{\mathsf{OA}}\) fasse un angle \(\alpha\) avec l’axe des abscisses et un point \(\mathsf{B}\) tel que \(\overrightarrow{\mathsf{OA}}\) fasse un angle \(\beta\) avec ce même axe. En écrivant de deux façons différentes le produit scalaire des vecteurs \(\overrightarrow{\mathsf{OA}}\) et \(\overrightarrow{\mathsf{OB}}\), nous obtenons : \(\cos(\alpha-\beta)=\cos(\alpha)\cos(\beta)+\sin(\alpha)\sin(\beta)\).
En utilisant la parité de la fonction cosinus et l’imparité de la fonction sinus, on trouve :
\(\cos(\alpha+\beta)=\cos(\alpha)\cos(\beta)-\sin(\alpha)\sin(\beta)\)
or, \(\sin(\alpha)=\cos\left(\dfrac{\pi}{2}-\alpha\right)\)
et donc \(\sin(\alpha-\beta)=\cos\left(\dfrac{\pi}{2}-(\alpha-\beta)\right)\)
d’où : \(\sin(\alpha-\beta)=\cos\left(\beta+\left(\dfrac{\pi}{2}-\alpha\right)\right)\)
\(\sin(\alpha-\beta)=\sin(\alpha)\cos(\beta)-\cos(\alpha)\sin(\beta).\)
Nous en déduisons :
\(\tan(\alpha-\beta){=}\dfrac{\sin(\alpha-\beta)}{\cos(\alpha-\beta)}{=}
\dfrac{\sin(\alpha)\cos(\beta)-\cos(\alpha)\sin(\beta)}{\cos(\alpha)\cos(\beta)+\sin(\alpha)\sin(\beta)}\cdotp\)
Et en divisant numérateur et dénominateur par \(\cos(\alpha)\cos(\beta)\), on retrouve la formule.
Étude de \(\tan\circ\varphi\)
Au lieu d’étudier la fonction \(\varphi\), nous allons étudier \(x\longmapsto\tan(\varphi(x))\) puisque ces deux fonctions ont le même sens de variation sur \([0;+\infty[\) d’après le théorème qui gère le sens de variation de la composée de deux fonctions.
La formule peut s’appliquer directement : \[\tan(\varphi(x))=\dfrac{\dfrac{b}{x}-\dfrac{a}{x}}{1+\dfrac{ab}{x^2}}
=\dfrac{bx-ax}{x^2+ab}\cdotp\] Il nous faut donc étudier le sens de variation de la fonction \(f\) définie par \(f(x)= \dfrac{bx-ax\mathstrut }{x^2+ab}\) sur \([0;+\infty[\).
Cette fonction est dérivable et
\(f’ ;(x)=\dfrac{(b-a)(ab-x^2)}{(x^2+ab)^2}\cdotp\)
Puisque \(a< ;b\), \(f’ ;(x)\) a le même signe que \(ab-x^2\) et \(f\) admet un maximum lorsque \(x=\sqrt{ab}\).
Conclusion
Le meilleur choix pour \(x\) est la moyenne géométrique de \(a\) et de \(b\), \(G=\sqrt{ab}\).
On vérifie facilement que ce nombre est inférieur à la moyenne arithmétique \(A=\dfrac{a+b}{2}\) car \(A^2-G^2=\dfrac{a^2+b^2-2ab}{4}=
\dfrac{(a-b)^2}{4}\) et donc \(A^2-G^2> ; 0\), d’où \(A> G\) (ou égal lorsque \(a=b\)) puisque ces deux nombres sont positifs.
En pratique, il faut se placer à une distance légèrement inférieure à \(\dfrac{a+b}{2}\) qui correspond au milieu du but.
Remarques
Sur le terrain
Bien sûr vous ne verrez probablement pas le joueur mesurer les distances \(a\) et \(b\) et prendre sa calculette pour calculer leur moyenne géométrique ! Il fera comme ses maîtres qui ont appris par tâtonnements successifs et, avec l’expérience, choisira une position qui sera proche de ce que prévoit la théorie. Le joueur débutant apprend, en regardant les anciens, c’est une bonne méthode, sans doute la plus ancienne mais découvrir la position idéale par le calcul lui donnera le sentiment de dépasser le maître, satisfaction irremplaçable !
Le sujet de baccalauréat
On peut généraliser le sujet proposé au baccalauréat 2016, l’utiliser comme application numérique du problème précédent ou le prendre comme point de départ, ce choix appartenant au professeur suivant l’époque de l’année et le niveau de sa classe. Rappelons que la plupart des exercices d’annales peuvent donner lieu à une bonne formation mathématique si on va au fond des choses.
Avec GeoGebra3
En prenant les notations de la figure 1, on peut vérifier que faire varier le paramètre « \(a\) » ou la variable « \(x\) » en traçant le cercle (de centre \(\mathsf{O}\)) circonscrit au triangle \(\mathsf{ABT}\) permet de faire des conjectures. Ce cercle coupe la droite \(\mathsf{(ET)}\) en deux points \(\mathsf{T}\) et \(\mathsf{T}’\), ces deux points étant confondus lorsque la droite \(\mathsf{(ET)}\) est tangente au cercle.
Pour cette position de \(\mathsf{T}\), on a, en utilisant ce qu’on appelait « la puissance d’un point par rapport à un cercle » : \(\mathsf{ET}^2=\mathsf{EA}.\mathsf{EB}\) (cqfd).
En considérant la moitié du triangle isocèle \(\mathsf{OAB}\), on peut même en déduire l’angle \(\varphi\) qui est alors égal à la moitié de l’angle au centre \(\widehat{\mathsf{AOB}}\) et sa tangente vaut donc : \(\dfrac{b-a}{2\sqrt{ab}}\cdotp\)
Avec un piquet et un cordeau
Ce résultat permet également une construction du point \(\mathsf{T}\) au compas ou, sur le terrain, à l’aide d’un piquet et d’un cordeau :
Le point \(\mathsf{A}\) étant au pied du premier poteau et \(\mathsf{B}\) au pied du second, on trace la perpendiculaire \((D_1)\) à \(\mathsf{(AB)}\) passant par \(\mathsf{E}\) ainsi que la perpendiculaire \((D_2)\) à \(\mathsf{(AB)}\) passant par \(\mathsf{A}\).
Le demi-cercle de diamètre \(\mathsf{[BE]}\) rencontre \((D_2)\) en un point que l’on appelle \(\mathsf{C}\), le demi-cercle de centre \(\mathsf{E}\) et de rayon \(\mathsf{EC}\) rencontre \((D_1)\) en \(\mathsf{T}\).
Dans le triangle \(\mathsf{BCE}\) rectangle en \(\mathsf{C}\), \(\mathsf{(CA)}\) est une hauteur et on a, en calculant de deux façons le cosinus de l’angle de sommet \(\mathsf{E}\) : \(\mathsf{EC}^2=\mathsf{EA}.\mathsf{EB}=ab\) donc également \(\mathsf{ET}^2=ab\) (cqfd).
À se demander pourquoi tout ceci n’est pas tracé sur le terrain !
Cela rappellera quelques souvenirs à ceux qui ont passé le bac « math élém » avant 1968 et qui, faute de logiciel, construisaient ce cercle avec compas, papier et crayon. Ne soyons pas nostalgiques, l’approche dynamique avec Geogebra permet de visualiser toutes ces conjectures très simplement, et permet sûrement à un plus grand nombre d’élèves de rentrer dans le problème posé. Il n’est toutefois pas inutile de rappeler sur un exemple comment procédaient nos ancêtres sans logiciel, juste avec une règle et un compas !
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Michel Soufflet est un ancien président de l’APMEP et animateur IREM.