Des maths en promenade

Donner du sens à l’apprentissage des mathématiques, tel est le souhait de l’auteur.
Aussi, avec ses élèves à besoins particuliers, il explore la cour ou les alentours de l’école afin de trouver matière à créer des problèmes mathématiques.

Ulysse Retailleau

© APMEP Juin 2023

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J’ai grandi en aimant les maths mais j’ai pris conscience, dès le collège, que ce n’était pas le cas de la plupart de mes camarades. En devenant enseignant, je me suis aperçu que de nombreux élèves avaient des difficultés à mettre du sens lors de l’apprentissage des mathématiques. J’ai donc commencé à me poser la question du chemin à emprunter pour rendre les mathématiques plus concrètes.

 Pendant ma formation à l’ESPÉ, j’ai eu la chance de rencontrer des enseignants pratiquant les balades mathématiques. Elles ont pour objectifs de faire sortir les mathématiques du cadre des quatre murs de la classe et de faire prendre conscience aux élèves de la présence des mathématiques dans l’environnement quotidien.

 J’ai aussi découvert le site M@ths en-vie   et sa démarche basée sur la photographie au service de la résolution de problèmes¹. Celle-ci correspond à ce que je souhaite mettre en place dans ma pratique enseignante. Je cite leur site : « M@ths en-vie, c’est une façon originale d’aborder les mathématiques : motivante, concrète et en lien avec le quotidien des élèves. C’est également une démarche s’appuyant sur une méthode explicite et structurée de la résolution de problèmes en accord avec les dernières instructions officielles […] » .

Promenade dans la cour

 Cette année, je débute dans le monde de l’école inclusive grâce à mon poste de coordonnateur d’un dispositif ULIS-école. Le dispositif accueille douze élèves de sept à onze ans, qui sont inclus du CP au CM2. Leurs niveaux scolaires sont très hétérogènes (de Moyenne Section à CE2), ce qui demande une adaptation et une différenciation permanentes mais laisse aussi la liberté d’explorer de nombreux outils.

 Depuis la rentrée de septembre, je m’efforce d’ancrer au maximum les activités mathématiques dans leur quotidien. J’ai notamment commencé l’année par une sortie mathématique dans la cour. Au préalable, j’ai demandé aux élèves d’exprimer en classe leurs idées sur ce que sont, pour eux, les mathématiques. Les premières réponses de mes élèves ont été : des nombres, des chiffres et des calculs. Les formes géométriques ne sont venues que dans un deuxième temps. Ceci m’a interrogé sur le fait que ces élèves n’ont peut-être pas pensé à associer géométrie et mathématiques. Nous sommes ensuite sortis dans la cour de l’école avec une tablette numérique par groupe de quatre élèves. La consigne donnée était de prendre en photo ce qui semblait mathématique pour eux.

 Les adultes référents de chaque groupe (un enseignant et deux AESH ²) étaient chargés de demander pourquoi ils prenaient tel ou tel élément en photo. Cette tâche de justification est essentielle mais a été difficile pour certains élèves. L’étayage des adultes (c’est-à-dire les interactions d’assistance) a cependant permis aux enfants de rester focalisés sur l’objectif demandé.

Figure 1. Quelques photos prises par les élèves.

De retour en classe

 La séance suivante a été consacrée à un tri de l’ensemble des photos, toujours par groupe de quatre élèves et sans critères explicites de classement donnés par l’enseignant. Il est intéressant de constater que tous les groupes ont trié les images en deux catégories : les images où des nombres sont présents et celles où des formes sont présentes.

 Lors des semaines suivantes, certaines de ces photos ont été utilisées pour des séances de résolution de problèmes avec les plus grands (âge CM1-CM2 et niveau scolaire CE1-CE2). Les temps de recherche ont été effectués collectivement (vidéo-projection de la photo et d’une question associée). Parmi toutes les photos prises, j’en ai donc choisi quelques-unes pour proposer des problèmes.

En quelle année a été planté cet arbre ?
Combien de temps était-ce après la Révolution française ?
Quel âge cet arbre a-t-il ?

À partir de quelle heure un élève peut-il venir à la garderie ?

Pendant combien de temps un élève peut-il venir à la garderie ?

Quelles formes observes-tu ?
Combien ont-elles de côtés et de sommets ?³.

 Le fait d’utiliser leurs propres photos a permis aux élèves de s’investir davantage dans l’activité. Ils ont réalisé que des mathématiques pouvaient être présentes dans leur environnement proche, mais aussi nécessaires pour décrire le monde et résoudre des problèmes. Cependant, la résolution de problèmes est une tâche complexe pour eux et certaines questions proposées ont nécessité un guidage important de ma part.

Et après ?

 Lors des sorties ultérieures, les élèves ont continué à repérer des éléments mathématiques. Ces autres balades ont aussi été l’occasion de travailler d’autres compétences mathématiques avec toujours pour intention de faire du lien avec leur quotidien. Nous avons, par exemple, pu aborder les notions de distances et de repérage en préparant nos itinéraires sur l’internet, ou la multiplication en préparant une liste d’ingrédients à aller acheter sur le marché du village.

 Grâce à ces activités, je pense que les élèves du dispositif se sont appropriés, à leur échelle, certaines notions mathématiques et qu’ils ont pris un peu confiance en leur capacité à résoudre des problèmes.

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Ulysse Retailleau est professeur des écoles, coordonnateur en ULIS-école à Longué-Jumelles dans l’académie de Nantes.