Des puzzles en cycle 1
Publié dans la revue Losanges, cet article propose des Math & Manips autour de puzzles de formes géométriques, à partir de la Moyenne Section. Une utilisation en élémentaire est aussi envisageable, notamment avec des élèves en difficulté avec la notion d’aire. À vous de jouer !
Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht, Patricia Van Geet,
Sylvie Vansimpsen & Isabelle Wettendorff
© APMEP Mars 2020
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Introduction
La séquence d’apprentissage présentée dans cet article est destinée aux enfants de l’école maternelle. Elle fait partie d’un ensemble d’activités qui s’intéresse à la symétrie et aux formes géométriques simples. Par un travail sur des assemblages de cartes, des empreintes et des puzzles, les enfants sont amenés à repérer des symétries dans des figures et à reconnaître, assembler et comparer des carrés, triangles, rectangles, disques, …
Chaque séquence d’apprentissage, qui met en avant l’aspect mathématique des concepts abordés, est organisée en plusieurs ateliers de difficultés diverses qui visent des apprentissages différents. Cette présentation est conçue pour permettre à l’enseignant de moduler les activités en fonction de l’âge des enfants et de leur niveau.
Dans chaque manipulation, nous avons estimé essentiel de retrouver les caractéristiques suivantes :
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l’enfant est amené à faire des choix et à les justifier avant de manipuler ;
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les activités sollicitent différents modes de transmission de l’information (oral, visuel, gestuel, …) et impliquent donc des transferts d’un mode à l’autre ;
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l’ensemble des manipulations s’appuie sur un matériel facilement réalisable et réutilisable à différents niveaux.
La description complète des activités figure dans la publication intitulée « Math & Manips, des manipulations pour favoriser la construction des apprentissages en mathématiques »[1]. Le matériel spécifique à photocopier et à découper est disponible en annexe de cette publication téléchargeable gratuitement sur le site du CREM .
Puzzles de poissons
Les activités sont menées à partir de cartes représentant des poissons et de formes géométriques qui permettent de les paver.
Les poissons ont des corps carrés, placés tantôt sur un côté, tantôt sur une pointe. On parlera de cartes « poisson-côté » lorsque le carré est placé de manière à ce que les bords du corps soient parallèles aux bords de la carte, et de cartes « poisson-pointe » lorsque le carré est placé sur sa pointe.
Nous avons choisi de paver deux carrés identiques mais placés différemment sur une carte car les pavages qui en résultent montrent par exemple aux élèves qu’un rectangle n’est pas toujours positionné verticalement ou horizontalement. Le fait que l’élève soit confronté, dès son jeune âge, à l’image d’un carré sur pointe, l’amène à le reconnaître quelle que soit sa position et à ne pas confondre, plus tard, un carré sur pointe et un losange.
Les assemblages possibles sont les mêmes pour les deux types de cartes. Cependant, les pièces fournies à l’élève pour paver un poisson-côté ou un poisson-pointe sont choisies pour l’obliger à placer certaines pièces dans des positions qui ne lui sont pas familières.
Le matériel
Pour chaque type de cartes, on distingue :
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des cartes « contour » qui reprennent uniquement le contour du poisson ;
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des cartes « pièces » sur lesquelles les contours des pièces et un œil sont dessinés ;
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des cartes « œil » sur lesquelles seul l’œil du poisson est dessiné.
Ces différentes cartes sont illustrées en figure 1.
Seuls les puzzles des cartes « contour » sont traités ici ; pour les variantes avec l’œil, nous renvoyons à [1].
Le matériel est conçu de telle sorte que la queue du poisson soit un triangle rectangle isocèle dont l’hypoténuse est de même mesure que la longueur des côtés du carré qui forme le corps. Ainsi, ce n’est pas toujours en plaçant l’angle droit d’un triangle dans un coin du carré que l’on trouve une solution.
La figure 2 montre l’ensemble des pièces nécessaires à chaque élève pour réaliser l’ensemble des puzzles de cette activité.
Comme l’enseignant travaille généralement avec quatre ou cinq enfants à la fois, des feuilles de gabarits (une page complète de carrés, une de rectangles, …) ont été prévues pour rationaliser la confection du matériel. L’enseignant qui le souhaite peut obtenir les différentes pièces nécessaires en imprimant ces gabarits sur des feuilles de couleurs différentes.
Le but de cette activité est d’observer les différentes caractéristiques des figures et de les comparer par superposition afin que l’assemblage des pièces des puzzles ne se fasse pas uniquement par essais et erreurs.
Les pièces géométriques sont conçues de manière à ce que l’élève puisse assembler deux petits triangles pour former un triangle moyen ou un carré, comme l’illustre la figure 3.
Puzzles libres
Puzzle « poisson-côté »
Chaque élève reçoit trois cartes contours poisson-côté et une enveloppe contenant les trois grands triangles, quatre triangles moyens, trois carrés et quatre petits triangles. Le nombre de pièces permet de recouvrir exactement les trois poissons. L’enseignant invite les élèves à observer les pièces qu’ils ont reçues dans l’enveloppe. L’observation de ces figures permet de voir que chacune d’elles possède au moins un angle droit et que certaines ont des côtés de même longueur.
L’enseignant donne la consigne de recouvrir entièrement les trois poissons en utilisant les formes reçues. Il précise aux élèves que les pièces ne peuvent ni se superposer ni sortir du contour du poisson comme à la figure 4 et que, de ce fait, il est parfois nécessaire de modifier l’emplacement des pièces comme à la figure 5. Le dépassement du contour ne sera peut-être pas perceptible par tous les élèves d’autant plus que certaines pièces sont petites. L’enseignant y sera donc attentif.
Le remplissage s’effectue librement et les combinaisons de pièces sont multiples. La queue, par exemple, peut être constituée d’un triangle moyen ou de deux petits triangles (figure 6).
Si un élève n’a plus de triangle moyen pour recouvrir la queue mais qu’il lui reste des petits triangles, le premier réflexe est de superposer l’angle droit du petit triangle sur l’angle droit de la queue du poisson (figure 7). Avec cette configuration, il n’est pas possible de terminer le recouvrement avec les pièces proposées. L’élève doit alors penser à recouvrir la queue en assemblant les petits triangles comme dans la figure 6.
Certains élèves se retrouveront peut-être dans une situation semblable à celle de la figure 8, laquelle nécessite l’exploitation des équivalences pour réarranger les pièces au sein du dernier poisson, comme le montre la figure 9.
Il peut aussi arriver qu’un élève ne puisse pas terminer l’exercice car les pièces qui lui restent ne lui permettent pas de paver entièrement le dernier poisson, comme dans la figure 10.
Il est important que l’enseignant s’accorde avec l’élève sur l’impossibilité de terminer le travail en conservant les puzzles déjà finalisés. Il encourage alors l’élève à débloquer la situation en échangeant des pièces avec les poissons déjà complétés, ce qui implique une déconstruction partielle du travail déjà accompli. Dans notre exemple en figure 10, une solution consiste à rassembler deux grands triangles dans le corps d’un même poisson et les trois carrés avec deux petits triangles dans le corps d’un autre. On obtient ainsi les puzzles de la figure 11.
Lorsque tous les poissons ont été pavés, chaque enfant garde les cartes poisson-côté, range toutes ses pièces dans l’enveloppe et la rend à l’enseignant.
Puzzle « poisson-pointe »
L’enseignant distribue à chaque élève trois cartes contour poisson-pointe. Il observe avec eux les ressemblances et différences entre les deux types de cartes puis ramasse les cartes poisson-côté.
Il distribue les enveloppes correspondant aux cartes poisson-pointe qui contiennent les trois rectangles, six triangles moyens, un carré et quatre petits triangles. Il donne une consigne identique à la précédente.
Comme pour les cartes poisson-côté, plusieurs assemblages sont possibles, un échange de pièces est parfois un passage obligé pour paver les trois poissons et la nécessité d’assembler de petits triangles peut apparaître plusieurs fois (voir figures 12 et 13.
Figure 13 ↩
Quelques stratégies des enfants
Tous les élèves n’utilisent pas la même stratégie pour construire les poissons. Certains commencent par placer toutes les queues, d’autres recouvrent un poisson à la fois, d’autres encore placent des pièces sur chaque poisson sans logique apparente.
Dans la majorité des cas, les élèves placent d’abord les grandes pièces – rectangles ou grands triangles – et placent les angles droits des pièces dans les coins du carré qui forme le corps du poisson.
Lorsqu’un élève a placé les trois grands triangles, dont deux sur un même poisson, une remarque souvent émise est qu’il manque des pièces, ce qui sous-entend qu’il n’y a plus de grand triangle pour couvrir entièrement un deuxième poisson. Cette situation incite l’enfant à chercher parmi les pièces qui lui restent de quoi remplacer la pièce manquante.
Puzzles avec contrainte
Le moins de pièces
L’enseignant forme des groupes de deux élèves et distribue à chaque groupe une carte contour de chaque type et une enveloppe contenant les pièces géométriques de la figure 2 dont on a retiré un carré (les trois grands triangles, les trois rectangles, les dix triangles moyens, trois carrés et les huit petits triangles). Les consignes sont données successivement et chaque groupe d’élèves les enchaîne en repartant des pavages obtenus à l’étape précédente et validés par l’enseignant.
La première consigne est de recouvrir les poissons avec le moins de pièces possible.
Les élèves sont amenés à découvrir, par la manipulation, qu’en utilisant de grandes pièces, ils en utiliseront moins. Commencer par placer un grand triangle ou un rectangle est donc une bonne stratégie.
L’intérêt de cette activité est aussi de travailler les équivalences et la comparaison des surfaces (sans la nommer). Si un pavage du corps du poisson contient deux triangles moyens, il est aussi possible d’obtenir un pavage en remplaçant ces deux triangles par un grand triangle, moyennant parfois une réorganisation des pièces.
Un poisson peut être pavé avec seulement trois pièces : deux grands triangles et un triangle moyen ou deux rectangles et un triangle moyen (figure 14). La composition de l’enveloppe implique que les deux assemblages apparaissent.
Figure 14 ↩
Après avoir vérifié les puzzles de chaque groupe, l’enseignant demande s’il est possible de recouvrir les poissons avec quatre pièces en n’en remplaçant qu’une dans chaque puzzle.
Comme l’objectif est d’exploiter l’équivalence des surfaces de certaines pièces ou de certains assemblages, l’enfant est convié à réfléchir à une façon de répondre à la question à partir de ce qu’il a déjà pour obtenir un puzzle avec une pièce de plus. L’enseignant veille à ce que les élèves n’échangent qu’une seule pièce par poisson.
Si le niveau des élèves le permet, il poursuit avec la consigne de recouvrir les poissons avec cinq pièces en n’en remplaçant qu’une dans chaque poisson.
La stratégie développée par les élèves au point précédent devra éventuellement être adaptée en fonction des pièces encore disponibles. Par exemple, l’enfant qui aura remplacé un rectangle par deux carrés ne pourra le faire qu’une seule fois car il ne disposera plus que d’un seul carré.
Le plus de pièces
Dans cette deuxième partie, chaque élève travaille individuellement. Il reçoit une carte, poisson-côté ou poisson-pointe, et une enveloppe. L’enseignant demande de recouvrir le poisson avec le maximum de pièces et pose la question du nombre de pièces nécessaires.
L’élève recouvre son poisson en commençant par les plus petites pièces s’il a compris que plus les pièces sont petites, plus elles seront nombreuses. Il place alors un maximum de petits triangles. Quand il n’en a plus, il cherche autre chose. En fonction de la position de ses triangles, il doit ajouter un carré ou un triangle moyen comme l’illustre la figure 15, en réorganisant éventuellement ses pièces.
Figure 15 ↩
L’élève peut aussi recouvrir le poisson de manière aléatoire puis échanger, peut-être à plusieurs reprises, une grande pièce avec deux plus petites.
Régulièrement, les enfants expriment qu’ils ont besoin des pièces les plus grandes pour paver un poisson avec un minimum de pièces et des pièces les plus petites pour le paver avec un maximum de pièces.
Le plus de couleurs
L’enseignant termine avec la consigne de recouvrir le poisson avec le maximum de couleurs différentes. L’élève devrait se munir d’une pièce de chaque couleur, soit cinq pièces. En plaçant le grand triangle, il réalise qu’il ne lui est plus possible de placer le rectangle et inversement. Une de ces deux pièces ne pourra donc pas être placée et le poisson sera ainsi recouvert par des pièces de quatre couleurs différentes au maximum comme le montre la figure 16.
Figure 16 ↩
Conclusion
Tout au long de ces activités, les enfants se familiarisent avec des formes géométriques simples et apprennent à les identifier par l’analyse informelle de leurs caractéristiques. Ils s’habituent à observer ces formes dans des positions diverses. Progressivement, ils sont amenés à prendre conscience de l’équivalence de surfaces obtenues par différents assemblages de formes. Ils commencent ainsi à se forger de manière ludique les premières images mentales qui leur permettront de construire peu à peu la notion de la conservation de l’aire par découpages et assemblages.
Référence
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CREM. Maths & manips, des manipulations pour favoriser la construction des apprentissages en mathématiques. Sous la direction de M-F. Guissard etr V. Henry. Nivelles. CREM 2017.↩
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Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht, Patricia Van Geet, Sylvie Vansimpsen et Isabelle Wettendorff ont constitué un groupe de chercheurs au CREM (Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) à Nivelles, en Belgique
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