Évolution des populations en master MEEF
de 2019 à 2024
La formation initiale des enseignants poursuit sa mue : après le passage des ÉSPÉ aux INSPÉ, les nouvelles maquettes de formation initiale mettent en musique la nouvelle organisation de la formation (un concours en fin de master plutôt qu’au milieu à l’heure actuelle) et vont se mettre en place à la rentrée de septembre 2021. Commencera alors une longue période de transition. Pour mieux saisir les difficultés de la mise en place, Louise Nyssen nous a préparé un schéma ci-dessous reprenant les différentes situations dans lesquelles pourront se retrouver nos futurs collègues. Bienvenue dans le métier !
Louise Nyssen
© APMEP Mars 2021
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La formation des enseignants est à nouveau en pleine réforme. Pour devenir enseignant avec le statut de fonctionnaire, il faut réussir un concours puis, à l’issue d’une année de stage, être titularisé. Depuis 2010, s’ajoute l’obligation d’avoir un master et l’articulation entre le processus de titularisation et le master est un des enjeux des réformes successives.
La réglementation n’impose pas un master en particulier mais en 2010, des masters dédiés à la formation des enseignants1 ont été créés. En 2013, ils sont devenus des masters MEEF (Métier de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) et ils subissent aujourd’hui une nouvelle réforme : actuellement, l’inscription au concours est soumise à la possibilité de justifier la validation d’un diplôme de niveau M12 (MEEF ou non) au 1 septembre de la rentrée qui suit3. À partir de la session 2022, l’inscription au concours sera soumise à la possibilité de justifier la validation d’un diplôme de niveau M24 (MEEF ou non) au 1 septembre de la rentrée qui suit5. Ainsi, pour le moment, l’année du stage est aussi l’année du M2, si bien qu’il faut combiner le résultat de la titularisation avec celui du M2. Dans la nouvelle version, l’année du stage suivra celle du M2.
Fin 2019, à l’ÉSPÉ du Languedoc-Roussillon, nous nous demandions comme beaucoup de collègues comment gérer la transition, ce qui m’a amenée à établir ce diagramme. Il est en principe valable pour toutes les disciplines. Mais j’ai surtout en tête le modèle de la mention second degré, en particulier pour les étudiants qui présentent le CAPES de mathématiques et je me concentrerai parfois sur leur situation.
Le diagramme appelle quelques commentaires ou explications.
Tout est-il devenu soudainement très compliqué ?
Non, la situation était déjà compliquée avant. Mais j’ai choisi de me concentrer sur la période de transition, ne considérant que le cas d’étudiants qui entrent en M1 MEEF à partir de septembre 2019.
Les issues de la titularisation
À l’issue de l’année de stage, un fonctionnaire stagiaire peut être titularisé, renouvelé, prolongé ou licencié. S’il est titularisé, il entame sa première année comme titulaire, appelée aussi année T1. S’il est renouvelé ou prolongé, il recommence ou termine sa formation et son stage. C’est un processus qui ne change pas avec la réforme.
Les cases et les parcours
Les cases ne correspondent pas nécessairement à des parcours de master au sens administratif du terme. Ni les moyens des universités ni les flux d’étudiants ne le permettent. Les cases décrivent la situation des étudiants en fonction du diplôme validé (M1 ou M2) et du fait qu’ils ont ou non réussi le concours. Ils bénéficient des aménagements classiques (par exemple, les redoublants ne refont pas les unités d’enseignement qu’ils ont validées) et éventuellement de ceux que nous arrivons à organiser en plus.
Certaines cases correspondent en effet à un nombre d’étudiants très faible. Par exemple :
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la case «M2 étudiant» de l’année 2020-2021 : jusqu’à présent, en mathématiques, les étudiants ont généralement plus de mal à valider le M1 qu’à obtenir le concours. Il y a donc très peu d’étudiants dans cette situation.
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les cases «M2 stagiaire mi-temps» : cette case apparaît tous les ans mais elle devrait se vider d’ici 2023-2024. Le dernier concours en M1 est celui de 2021, la cohorte correspondante occupera la case «M2 stagiaire mi-temps» en 2021-2022. Les années suivantes, les étudiants dans cette situation seront ceux qui ont eu un an de retard après avoir réussi le concours 2021 (report de stage, défaut de M2 ou de titularisation) voire deux puis trois : ils vont devenir rares.
Concours validé, concours perdu
Sous certaines conditions, les lauréats du concours peuvent bénéficier d’un report de stage pendant un an. Pour le moment, c’est le cas lorsqu’ils ne font pas leur stage pour défaut de master : un candidat qui ne valide pas son M1 mais qui est reçu au concours est obligé de finir son M1 mais pas de repasser le concours. S’il valide son M1 l’année d’après, il pourra entrer en M2 comme fonctionnaire stagiaire.
J’ai fait l’hypothèse que cette règle perdurera : un étudiant de M2 qui ne validerait pas le M2 mais réussirait le concours pourrait être nommé fonctionnaire stagiaire un an plus tard, sans repasser le concours, à condition d’avoir terminé son M2.
C’est pourquoi le diagramme fait apparaître des cases «M1 concours validé» ou «M2 concours validé», puis des flèches «concours perdu».
Jusqu’à présent, dans les M1 de la mention second degré, il n’y a généralement pas assez d’étudiants pour créer un parcours spécifique aux lauréats du concours. Tout en étant éventuellement dispensés de certaines unités d’enseignement, ils suivent les mêmes cours que les autres étudiants de M1. La dynamique du groupe peut les entraîner à repasser le concours. Cette dynamique pourrait changer dans la nouvelle version : le M2 sera très chargé puisqu’il faudra préparer le concours, faire un stage et rédiger un mémoire. Les étudiants lauréats du concours qui doivent terminer leur M2 pourraient décider de garder leur énergie pour le stage et le mémoire.
M2 et DU à profusion
Le dispositif qui s’achève, comme le nouveau, génère de multiples modalités de M2 qui s’accumulent pendant la période de transition.
Dans la version qui se termine en juin 2021, il y a un M2 pour les fonctionnaires stagiaires, un M2 pour les étudiants et un DU (diplôme universitaire).
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Le M2 pour les fonctionnaires stagiaires accueille les étudiants qui ont validé le M1 et le concours. Ils font un stage en responsabilité à mi-temps, et sont rémunérés.
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Le M2 pour les étudiants accueille les étudiants qui ne sont pas lauréats du concours et qui ont réussi le M1. Ils ne sont pas fonctionnaires stagiaires. Ils font un stage de pratique accompagnée, mais préparent à nouveau le concours.
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Les lauréats du concours qui ont déjà un M2 MEEF (parce qu’ils sont en renouvellement, par exemple) ne peuvent pas se réinscrire en M2 MEEF. On a donc créé à leur intention un DU (diplôme universitaire). Ils sont fonctionnaires stagiaires et suivent un parcours de formation, adapté dans la mesure du possible, qui prend largement appui sur le M2. Les détails de mise en œuvre, quoique cadrés par un arrêté national, dépendent des disciplines et des académies.
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Les lauréats du concours qui ont déjà un M2 autre que MEEF (en mathématique, nous voyons par exemple arriver beaucoup d’ingénieurs en reconversion) ont la possibilité de s’inscrire en M2 MEEF ou en DU. Là encore, les détails de mise en œuvre dépendent des disciplines et des académies.
Dans la nouvelle version qui débutera en 2021/2022, il y a seulement un M2 mais les stages proposés vont beaucoup différentier les populations :
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le stage en responsabilité à tiers temps, rémunéré en tant que contractuel, dont le nombre de berceaux6 par discipline est fixé par le rectorat7 ,
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les stages de pratique accompagnés dans l’éducation nationale,
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les stages en dehors de l’éducation nationale, envisagés par l’arrêté master, et qui pour l’instant nous laissent perplexes.
Les étudiants ne sont fonctionnaires stagiaires dans aucun de ces cas. Les bénéficiaires du premier type de stage auront l’avantage d’une rémunération et d’une expérience de la responsabilité, mais ils auront beaucoup plus de travail que les autres dans une année qui s’annonce déjà chargée avec le mémoire et le concours. Nous ne savons pas encore si un tel stage constituera une aide ou un obstacle à la réussite au concours.
Enfin, il faudra bien s’occuper des étudiants qui auront réussi leur M2 MEEF et raté le concours. Administrativement, ils ne pourront pas se ré-inscrire en M2 MEEF. Les universités mettront sans doute en place des dispositifs de préparation au concours.
L’année de fonctionnaire-stagiaire
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe sur les M2 et les DU, dans le dispositif actuel, tous les lauréats du concours, qu’ils soient passés par un M1 MEEF ou non, font leur année de stage en M2 MEEF ou dans le DU associé. Ils reçoivent une formation importante et ils enseignent à mi-temps.
Concernant la formation des stagiaires à partir de 2022, on ne peut parler qu’au conditionnel car les discussions sont encore en cours. Mais il semble que les lauréats du concours seront traités différemment, suivant qu’ils sont issus d’un master MEEF ou pas. Les premiers enseigneraient à plein temps alors que les seconds pourraient n’enseigner qu’à mi-temps et suivre une formation assurée par les INSPÉ. Cette formation ressemblera-t-elle à la formation des fonctionnaires stagiaires dans le dispositif actuel ? La difficulté pour les INSPÉ, serait d’arriver à maintenir une offre variée adaptée à tant de publics différents. Il faudrait aussi avoir une idée de la proportion de chaque type de lauréats après 2022. Les informations manquent pour le moment.
Le choix de ne plus passer par un master MEEF ?
Dans certaines disciplines (en particulier en mathématiques), il y une proportion conséquente de lauréats du concours qui ne sont pas passés par un master MEEF. Comment leur nombre va-t-il évoluer ? En repoussant l’année du concours, la réforme pourrait avoir pour effet d’encourager les étudiants à passer par d’autres voies.
Les étudiants en formation initiale qui envisagent de devenir enseignant accepteront-ils autant de s’engager pour deux ans si l’issue est incertaine ? Ils préféreront peut-être, si cela est possible, faire un autre master et passer le concours en candidat libre. Nous ne savons pas encore si leurs chances de réussite seront raisonnables. Mais si elles le sont, cela pourrait détourner ce public des masters MEEF.
Nous nous demandons également comment accueillir désormais les personnes en reconversion professionnelle. Elles ne disposent généralement que d’une année pour se former, le master dure deux ans et l’organisation pédagogique des masters sera difficilement compatible avec une entrée directement en M2. Allons-nous décourager ces étudiants et donc perdre de bons candidats au concours ? Trouveront-ils ailleurs des formations adaptées à leur projet ?
Conclusion
Si le schéma fait apparaître la complexité de la période de transition, ce n’est pas la seule difficulté soulevée par cette réforme. La nouvelle organisation permet de mettre en place une formation cohérente sur les deux années de master, mêlant formation disciplinaire et professionnelle. Mais nous redoutons pour les étudiants une deuxième année de master extrêmement chargée. Dans le cas où il n’y aurait pas assez de stages rémunérés pour tous les étudiants de M2, nous redoutons également les inégalités de traitement qui fragiliseraient comme toujours, les étudiants les plus socialement défavorisés.
Or, dans les INSPÉ, les équipes conçoivent leurs maquettes à marche forcée pour respecter les délais imposés et peinent à trouver des solutions, sur le long terme comme pour les années de transition.
À de rares exceptions près, les INSPÉ mettent en œuvre cette année le M1 dans l’ancienne version, avec quelques aménagements pour préparer le changement. Ils basculeront en même temps le M1 et le M2 dans la nouvelle version à la rentrée 2021. L’année 2021-2022 s’annonce donc très compliquée avec un nombre records de populations différentes à accueillir en M2 ou DU, sans que nous ayons une idée de leur répartition : combien seront lauréats de la session 2021 et combien feront le M2 dans sa nouvelle version ? Parmi ceux-là combien bénéficieront d’un stage rémunéré à tiers temps ? Faut-il mener de front l’ancienne et la nouvelle maquette ou se contenter d’aménager la nouvelle, à la marge ?
Quand je montre mon schéma à des collègues, certains s’en détournent aussitôt, d’autres me disent que quand nous aurons atteint le bas, ce qui devrait être le régime de croisière, il y aura une autre réforme. Le problème est là : les réformes qui se succèdent trop rapidement épuisent les équipes et empêchent toute réflexion de fond.
L’INSPÉ devrait être le lieu où des enseignants, des chercheurs et des formateurs, venus de l’université et de l’éducation nationale, conçoivent ensemble la formation initiale et continue des enseignants. Ils devraient avoir le temps de se rencontrer, de se concerter, de concevoir des cours et des formations cohérents. Ils devraient avoir le temps de réfléchir sereinement. Ce serait un très bon moyen pour mieux former les enseignants du XXIe siècle.
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Louise Nyssen est maître de conférences en mathématiques à l’université de Montpellier et directrice adjointe de l’INSPÉ de l’académie de Montpellier.
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Ceci concerne les candidats aux concours CRPE, CAPES, CAPEPS, CAPET, CAPLP ou CPE mais pas à l’agrégation.
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Un candidat peut donc, soit avoir déjà validé un M1, soit simplement être inscrit en M1 et profiter de l’année en cours pour le valider.
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Un candidat pourra donc, soit être déjà titulaire d’un M2, soit simplement être inscrit en M2 et profiter de l’année en cours pour le valider.
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Un berceau est un poste sur lequel on peut accueillir un stagiaire.
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Dans certains parcours (notamment pour les professeurs des écoles), il est vraisemblable qu’il n’y ait pas assez de lieux de stage et qu’il faille «choisir» qui peut en bénéficier !