2.4 Géométrie dans l’espace

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2.6 Courbes de Bézier

Barycentres (suite 9)

© APMEP Juin 2020

2.5 Coordonnées barycentriques dans le plan

Rappelons la propriété à la base de la définition des coordonnées barycentriques : si \(\mathsf{A},\,\mathsf{B},\,\mathsf{C}\) sont trois points non alignés du plan, pour tout point \(\mathsf{G}\) du plan, il existe un triplet \((a,\,b,\,c)\) de somme non nulle tels que \[(a+b+c)\,\mathsf{G}=a\,\mathsf{A}+b\,\mathsf{B}+c\,\mathsf{C}.\] On dit que le triplet \((a,\,b,\,c)\) est un système de coordonnées barycentrique de \(\mathsf{G}\) dans le repère (dit barycentrique) \((\mathsf{A},\,\mathsf{B},\,\mathsf{C})\). On écrira (écriture non standard, pour éviter d’utiliser l’égalité, ce qui serait trop abusif) : \[\mathsf{G}\equiv(a,\,b,\,c)\] en indiquant, si besoin est, le repère considéré. Bien sûr, il n’y a pas unicité; deux systèmes de coordonnées barycentriques du même point dans le même repère sont proportionnels. On utilisera dans la suite le symbole \(\propto\) pour traduire la proportionnalité des triplets.

Rappelons aussi que ces coordonnées sont proportionnelles aux aires orientées \(\overline{\mathsf{GBC}}\), \(\overline{\mathsf{GCA}}\), \(\overline{\mathsf{GAB}}\).

Complétons la propriété précédente; soit \(\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut u\mkern2mu}\) un vecteur non nul; alors, en utilisant la base vectorielle \((\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
\mathsf{AB}\mkern2mu},\,\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut\mathsf{AC}\mkern2mu})\)
, on montre qu’il existe un unique triplet de réels \((a,\,b,\,c)\) de somme nulle tel que \(a\,\mathsf{A}+b\,\mathsf{B}+c\,\mathsf{C}=\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut u\mkern2mu}\). Une interprétation est fournie par la géométrie projective : \((a,\,b,\,c)\) est un système de coordonnées barycentriques du point à l’infini dans la direction \( \mathbb{R}\,\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut u\mkern2mu}\) (point à l’infini dans le complété projectif du plan affine), les autres étant associés au vecteur \(\lambda\,\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
u\mkern2mu}\)
qui définit le même point à l’infini.

Le lecteur qui voudrait approfondir cet aspect des coordonnées barycentriques pourra consulter le remarquable ouvrage de notre collègue Jean-Denis Eiden [7].

Les coordonnées barycentriques étant définies à un facteur multiplicatif près, une combinaison linéaire de telles coordonnées n’a pas d’interprétation à moins que les sommes des coordonnées en jeu ne soient égales. Précisons :

Si \(\mathsf{P}_i \equiv (p_i,_,q_i,\,r_i)\), avec \(p_i+q_i+r_i=s\) (indépendant de \(i\)) alors \(\sum_i \lambda_i\,\mathsf{P}_i \equiv \left(\sum_i \lambda_i\,p_i,\,\sum_i
\lambda_i\,r_i,\,\sum_i \lambda_i\,r_i\right)\)
.

Toutefois, si \(p_i+q_i+r_i=s_i\), l’égalité précédente reste valide en remplaçant \((p_i,\,q_i,\,r_i)\) par \(\left(\dfrac{p_i}{s_i},\,\dfrac{q_i}{s_i},\,\dfrac{r_i}{s_i}\right)\).

Tout ceci est conceptuellement simple dans l’espace \(\widehat{E}\).

Quelques exemples

  1. Des cas faciles :

    • centre du cercle inscrit : un travail d’analyse reposant sur le fait que le pied de la bissectrice intérieure issue de \(\mathsf{A}\) divise le côté \(\mathsf{BC}\) dans le rapport \(\dfrac{c}{b}\) fournit \[\mathsf{I} \equiv(a,\,b,\,c).\] On peut aussi utiliser le fait que \(\mathsf{I}\) est centre du cercle inscrit dans le triangle \(\mathsf{ABC}\).

    • centre du cercle circonscrit (via les aires des triangles \(\mathsf{OBC}\), \(\mathsf{OCA}\), \(\mathsf{OAB}\)) : \[\mathsf{O}\equiv\big(\sin(2\,\widehat{\mathsf{A}}),
      \,\sin(2\,\widehat{\mathsf{B}}),\,\sin(2\,\widehat{\mathsf{C}})\big).\]
      Il est remarquable que ce triplet soit valide quelles que soit les mesures des angles de secteur du triangle; une démonstration ne lisant rien d’implicite sur une figure demanderait de préciser les propriétés dites d’ordre relatives au plan.

      Autre système de coordonnées pour \(\mathsf{O}\) : \[\mathsf{O} \equiv \big(a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}}),
      \,b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}}),\, c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}})\big).\]
      en utilisant la relation des sinus.

    • orthocentre pour un triangle non rectangle : \[\mathsf{H} \equiv\big(\tan(\widehat{\mathsf{A}}),
      \,\tan(\widehat{\mathsf{B}}),\,\tan(\widehat{\mathsf{C}})\big).\]

    • point de Gergonne :

      Le point de Gergonne est le point de concours des droites joignant les sommets d’un triangle aux points de contact du cercle inscrit avec les côtés du triangle.

      Tout se lit sur la figure44.

      En désignant par \(p\) le demi-périmètre du triangle \(\mathsf{ABC}\), le point de coordonnées barycentriques \(\left(\dfrac{1}{p-a},\,\dfrac{1}{p-b},\,\dfrac{1}{p-c}\right)\) est sur chacune des droites \((\mathsf{AP})\), \((\mathsf{BQ})\) et \((\mathsf{CR})\).

      Ainsi, on démontre le concours en exhibant les coordonnées barycentriques (comme pour le centre de gravité).

    • point de Nagel : c’est le point \(\mathsf{N}\) de concours des droites joignant les sommets d’un triangle aux points de contact des cercles exinscrits avec les côtés du triangle. En faisant au besoin une belle figure (avec par exemple), le lecteur n’aura aucun mal à démontrer que : \[\mathsf{N} \equiv (p-a,\,p-b,\,p-c).\]

  2. Des cas moins faciles :

      • centre du cercle d’Euler : avec les notations habituelles, \(2\,\mathsf{A}’=\mathsf{B}+\mathsf{C}\), \(2\,\mathsf{B}’=\mathsf{C}+\mathsf{A}\), \(2\,\mathsf{C}’=\mathsf{A}+\mathsf{B}\), puis, les triangles \(\mathsf{A}’\mathsf{B}’\mathsf{C}’\) et \(\mathsf{ABC}\) étant semblables, ont des angles égaux. Comme \(\Omega\) est le centre du cercle circonscrit au triangle \(\mathsf{A}’\mathsf{B}’\mathsf{C}’\), on a : \[\left(a\cos(\widehat{\mathsf{A}})+b\cos(\widehat{\mathsf{B}})+c\cos(\widehat{\mathsf{C}})\right)\Omega=
        a\cos(\widehat{\mathsf{A}})\mathsf{A}’+b\cos(\widehat{\mathsf{B}})\mathsf{B}’+c\cos(\widehat{\mathsf{C}})\mathsf{C}’\]
        qu’on réécrit sous une forme condensée : \[\left(\sum_\mathsf{A} a\cos(\widehat{\mathsf{A}})\right)\Omega=\sum_\mathsf{A}
        a\cos(\widehat{\mathsf{A}})\mathsf{A}’\]
        d’où par substitution après produit par \(2\) : \[\left(\sum_\mathsf{A} 2\,a\cos(\widehat{\mathsf{A}})\right) \Omega
        =\sum_\mathsf{A}\left(a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}})\right)(\mathsf{B}+\mathsf{C})
        =\sum_\mathsf{A}\left(b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}})+c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}})\right)\mathsf{A}.\]

        Donc \(\Omega \equiv \left(b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}})+c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}}),
        \,c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}})+a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}}),\,a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}})
        +b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}})\right)\)
        .

Problèmes de concours et d’alignement

  Les problèmes de concours et d’alignement constituent une des grandes catégories des problèmes de géométrie affine. Le calcul barycentrique est un outil privilégié pour aborder ces problèmes, les propriétés de ce calcul contenant en quelque sorte les deux outils que sont les théorèmes de Ménélaüs et de Ceva.

Il va être utile de disposer d’un critère « algébrique » simple d’alignement portant sur les coordonnées barycentriques dont la signification dans \(\widehat{E}\) est limpide.

Étant donné un repère barycentrique \((\mathsf{A},\,\mathsf{B},\,\mathsf{C})\), les points \(\mathsf{P}\equiv
(p_1,\,p_2,_,p_3)\)
, \(\mathsf{Q} \equiv (q_1,\,q_2,\,q_3)\) et \(\mathsf{R} \equiv
(r_1,\,r_2,\,r_3)\)
sont alignés si et seulement si \[\begin{vmatrix} p_1 & q_1 & r_1 \\ p_2 & q_2 & r_2 \\ p_3 & q_3
& r_3 \end{vmatrix}=0.\]

Tout aussi bien, on peut former le déterminant des coordonnées barycentriques en ligne.

On en déduit que si \((a,\,b,\,c)\) et \((1,\,1,\,1)\) ne sont pas colinéaires, l’ensemble des points de coordonnées barycentriques \((x,\,y,\,z)\) vérifiant \(a\,x+b\,y+c\,z=0\) est une droite et que si \(\mathsf{P}_1 \equiv (p_1,\,q_1,\,r_1)\) et \(\mathsf{P}_2 \equiv (p_2,\,q_2,\,r_2)\) sont deux points distincts, l’équation barycentrique de la droite \((\mathsf{P}_1\mathsf{P}_2)\) est \[\begin{vmatrix} p_1 & p_2 & x \\ q_1 & q_2 & y \\ r_1 & r_2 & z
\end{vmatrix}=0.\]
Comme application immédiate, on peut proposer la droite de Newton : dans un quadrilatère complet, les milieux des diagonales sont alignés.

Soit \(\mathsf{I}\), \(\mathsf{J}\), \(\mathsf{K}\) les milieux respectifs de \([\mathsf{EF}]\), \([\mathsf{AC}]\) et \([\mathsf{BD}]\). Avec \(\mathsf{D} \equiv (x,\,y,\,z)\) et \(x+y+z=1\), on a (par la méthode du double alignement) : \[\mathsf{J}\equiv (1,\,0,\,1),\ \mathsf{K} \equiv (x,\,x+2\,y+z,\,z)
\text{ et }\mathsf{I} \equiv \left(x(y+z),\,y(x+2y+z),\,z(x+y)\right).\]
On a alors (par l’opération élémentaire \(\mathsf{C}_3 \leftarrow \mathsf{C}_3-y\mathsf{C}_2\)) : \[\left|\begin{matrix} 1 & x & x\,(y+z) \\ 0 & x+2\,y+z &
y\,(x+2\,y+z) \\ 1 & z & z\,(x+y) \end{matrix}\right| =
\left|\begin{matrix} 1 & x & x\,z \\ 0 & x+2\,y+z & 0 \\ 1 & z & x\,z
\end{matrix}\right| = 0.\]

Alignements dans le triangle

    1. Alignement de \(\mathsf{G}\), \(\mathsf{O}\), \(\Omega\) et \(\mathsf{H}\) (droite d’Euler)

      Commençons par les points \(\mathsf{G}\), \(\mathsf{O}\) et \(\Omega\) dont les coordonnées ont été données plus haut.

      En les normalisant avec \(\displaystyle s=\sum_\mathsf{A} a\cos(\widehat{\mathsf{A}})\), on voit que \(3\mathsf{G} = \mathsf{O} + 2\Omega\). Tout aussi bien le déterminant formé par les coordonnées barycentriques est nul.

      Ensuite regardons les points \(\mathsf{G}\), \(\mathsf{O}\) et \(\mathsf{H}\).

      Soit \(d = \begin{vmatrix} 1 & 1 & 1 \\ a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}}) &
      b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}}) & c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}}) \\ \tan(\widehat{\mathsf{A}}) &
      \tan(\widehat{\mathsf{B}}) & \tan(\widehat{\mathsf{C}}) \end{vmatrix}\)
      . Utilisons le signe \(\propto\) pour indiquer que deux déterminants sont proportionnels.

      À l’aide de la relation des sinus, on a :

      \[\begin{aligned}
      d&\propto \begin{vmatrix} 1 & 1 & 1 \\ a\,\cos(\widehat{\mathsf{A}}) &
      b\,\cos(\widehat{\mathsf{B}}) & c\,\cos(\widehat{\mathsf{C}}) \\
      \dfrac{a}{\cos(\widehat{\mathsf{A}})} & \dfrac{b}{\cos(\widehat{\mathsf{B}})} &
      \dfrac{c}{\cos(\widehat{\mathsf{C}})} \end{vmatrix}\\
      &\propto
      \begin{vmatrix}
      \cos(\widehat{\mathsf{A}}) & \cos(\widehat{\mathsf{B}}) & \cos(\widehat{\mathsf{C}}) \\
      a\,\cos^2(\widehat{\mathsf{A}}) & b\,\cos^2(\widehat{\mathsf{B}}) & c\,\cos^2(\widehat{\mathsf{C}}) \\
      a & b & c \end{vmatrix}\\
      &\propto \begin{vmatrix} 2bc\,\cos(\widehat{\mathsf{A}}) & 2
      ca\,\cos(\widehat{\mathsf{B}}) & 2 ab\,\cos(\widehat{\mathsf{C}}) \\ \sin^2(\widehat{\mathsf{A}}) &
      \sin^2(\widehat{\mathsf{B}}) & \sin^2(\widehat{\mathsf{C}}) \\ 1 & 1 & 1 \end{vmatrix}\end{aligned}\]

      et enfin, avec à nouveau la relation des sinus et les formules d’Al-Kashi : \[d \propto \begin{vmatrix}b^2+c^2-a^2 & c^2+a^2-b^2 &
      a^2+b^2-c^2 \\ a^2 & b^2 & c^2 \\ 1 & 1 & 1 \end{vmatrix} =0\]
      en ajoutant à la première ligne deux fois la seconde.

      Bien sûr, ceci n’a pas l’élégance et la simplicité de la solution utilisant l’homothétie de centre \(\mathsf{G}\) et de rapport \(-\dfrac{1}{2}\cdotp\)

    2. Alignement de \(\mathsf{G}\), \(\mathsf{I}\) et \(\mathsf{N}\) (droite de Nagel)

      \(\scriptscriptstyle \blacksquare\) \(\mathsf{G}\equiv (1,\,1,\,1)\), \(\mathsf{I} \equiv (a,\,b,\,c)\) et \(\mathsf{N} \equiv
      (p-a,\,p-b,\,p-c)\)
      ; en normalisant avec \(p\), on a visiblement \(3\,\mathsf{G}=\mathsf{N}+2\,\mathsf{I}\).

      La nullité de \(d = \left|\begin{matrix} 1 & 1 & 1 \\ a & b & c
      \\ p-a & p-b & p-c \end{matrix}\right|\)
      est évidente.

      Un point est laissé à la sagacité du lecteur : la nullité de \(d\) est vraie quelle que soit la valeur de \(p\) (pas nécessairement le demi-périmètre); cela a-t-il une signification géométrique ?

Le lecteur curieux trouvera sur le site de Clark Kimberling,, une liste de plus de 30000 points remarquables du triangle avec leurs coordonnées barycentriques et toutes sortes d’informations.


    1. En particulier, le fait que les points de contact sont sur les côtés du triangle. 

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2.6 Courbes de Bézier

Pour citer cet article : Beck V., Boucher F. et Gauthier G., « 2.5 Coordonnées barycentriques dans le plan », in APMEP Au fil des maths. N° 536. 2 juillet 2020, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/2-5-coordonnees-barycentriques-dans-le-plan/.