Des origamis en cours de math
Cet article s’intéresse au thème des origamis. Il propose un approfondissement mathématique pour modéliser les activités d’origamis. Il applique cette modélisation à la description de différentes activités pour le collège. La version numérique de l’article est complétée et approfondie, notamment par des liens vidéos détaillant certaines techniques pour réaliser des origamis.
Anne-Marie Aebischer
© APMEP Juin 2019
⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅
Enseignante à l’UFR Sciences et Techniques de Besançon mais aussi en master MEEF (formation des enseignants), animatrice à l’IREM de Franche-Comté et responsable de la CII Pop’Math1 (commission inter IREM dédiée à la popularisation des mathématiques), j’ai été amenée, à travers ces différentes approches à réfléchir aux liens entre les origamis et l’enseignement des mathématiques.
On réduit souvent les origamis à des pliages ludiques mais, derrière cette façade, se cachent des mathématiques élaborées. Les origamis combinent donc la possibilité de représenter, visualiser, apprivoiser des formes à la pratique d’une activité mathématique.
Des premiers solides étoilés par origamis modulaires réalisés pour une fête de la science et du questionnement autour de la réalisation de ces solides est apparue la nécessité d’analyser l’activité mathématique sous-jacente puis de rechercher à lier la représentation par origami à d’autres tâches mathématiques. Les activités présentées ici ne sont pas originales, il s’agit plutôt de répertorier un certain nombre de propositions existantes. Tout au long du texte, les références renvoient aux auteurs et à des présentations plus détaillées.
Les mathématiques de l’origami
Créer un origami, c’est procéder par pliage successif à partir d’une feuille de papier, il s’agit donc ici d’origamis à pli simple (on pourrait envisager de faire des origamis à plis simultanés).
Les différents types de plis simples ont été répertoriés. Ils limitent le nombre de constructions possibles et définissent la géométrie de l’origami. De même qu’il existe une géométrie de la règle et du compas qui limite les constructions ou les nombres constructibles à la règle et au compas, il existe également une géométrie de l’origami décrivant les nombres constructibles par origami.
Les différents plis
Il existe sept plis fondamentaux en origami, classés par les transformations qu’ils induisent sur des objets comme les points ou les droites. Ces plis érigés en axiomes ont été isolés indépendamment par J. Justin 2 et H.Huzita/K. Hatori.
Nous nommerons \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\) deux points de la feuille et \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) deux droites de la feuille (parallèles ou non).
Pli 1 :
\(\mathsf{A}\longrightarrow\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\longrightarrow\mathsf{B}\). Ce pli crée la droite \(\mathsf{(AB)}\) ; Pli 2 : \(\mathsf{A}\longrightarrow\mathsf{B}\) et \(\mathsf{B}\longrightarrow\mathsf{A}\). Ce pli crée la médiatrice de \(\mathsf{[AB]}\) ; Pli 3 : \(\mathscr{D}\longrightarrow \Delta\). Ce pli crée une bissectrice de \((\mathscr{D},\Delta)\) si les droites sont sécantes ou un axe de symétrie parallèle à \(\mathscr{D}\) de la bande \((\mathscr{D},\Delta)\) si \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) sont parallèles ; Pli 4 : \(\mathsf{A}\longrightarrow\mathsf{A}\), \(\mathscr{D}\longrightarrow\mathscr{D}\). Ce pli permet de créer la perpendiculaire à \(\mathscr{D}\) passant par \(\mathsf{A}\) ; Pli 5 : \(\mathsf{A}\longrightarrow\mathscr{D}\) et \(\mathsf{B}\longrightarrow\mathsf{B}\). Ce pli crée (s’il existe) un point d’intersection du cercle de centre \(\mathsf{B}\) et de rayon \(\mathsf{BA}\) avec la droite \(\mathscr{D}\) ; Pli 6 : \(\mathsf{A}\longrightarrow\mathscr{D}\) et \(\mathsf{B}\longrightarrow \Delta\). Ce pli crée une tangente commune aux paraboles définies par : foyer \(\mathsf{A}\), directrice \(\mathscr{D}\) et foyer \(\mathsf{B}\) et directrice \(\Delta\) (si les points \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\) sont respectivement extérieurs aux droites \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\)) (voir plus bas) ; Pli 7 : \(\mathsf{A}\longrightarrow\mathscr{D}\) et \(\Delta\longrightarrow\Delta\). Ce pli perpendiculaire à \(\Delta\) amène \(\mathsf{A}\) sur \(\mathscr{D}\). |
Les droites créées par ces plis ne sont pas forcément uniques. Le pliage n’est même pas toujours possible : ainsi, dans le cas 5, le cercle et la droite n’ont pas forcément de point d’intersection.
Le pli 7 correspond à une action directe mais qui peut être obtenu, dans le cas général, par deux itérations des plis 4 et 2 : on crée une droite \(\mathscr{D}’ \) perpendiculaire à \(\Delta\) puis la droite \(\mathscr{D}’ _1\) perpendiculaire à \(\mathscr{D}’ \) et passant par \(\mathsf{A}\). \(\mathscr{D}’ _1\) coupe \(\mathscr{D}\) en un point \(\mathsf{B}\) (cela suppose que les droites \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) ne soient pas parallèles), puis on crée la médiatrice du segment \([\mathsf{AB}]\). Si les droites \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) sont parallèles, il suffit de construire la perpendiculaire à \(\Delta\) passant par \(\mathsf{A}\).
Origami versus Euclide
La géométrie d’Euclide est celle de la règle et du compas : cela limite les figures constructibles ou, de façon équivalente, les nombres constructibles. Le corps des nombres constructibles à la règle et au compas est celui des nombres obtenus, à partir des entiers et en combinant les les actions des quatre opérations \(+\), \(-\), \(\times\), \(\div\) et de \(\sqrt\,\) (racine carrée).
Des problèmes comme la duplication du cube (construire à la règle et au compas le côté d’un cube de volume 2) ou comme la trisection de l’angle (partager à la règle et au compas en trois secteurs angulaires superposables un secteur angulaire donné) sont des problèmes qui ont traversé l’histoire et qui ont alimenté de nombreuses recherches, avant que leur impossibilité ne soit établie. En effet, \(\sqrt[3]2\) ou \(\cos(\alpha)\) (si \(3\alpha\) est une mesure du secteur angulaire à partager) sont solutions d’une équation du troisième degré et ne sont donc pas constructibles à la règle et au compas.
Peut-on construire par origami toutes les figures constructibles à la règle et au compas ?
Euclide |
Origami |
---|---|
Intersection de deux droites |
Intersection de deux plis |
Intersection d’une droite et d’un cercle |
Pli no 5 |
Intersection de deux cercles |
oui (voir ci-dessous) |
La réponse est oui, car le problème de l’intersection de deux cercles \(\mathscr{C}(\mathsf{O} ;R)\) et \(\mathscr{C}’ (\mathsf{O}’ ;R’ )\) revient3 à trouver l’intersection entre un des cercles et l’axe radical \(\Delta\) de ces deux cercles.
La géométrie des origamis est-elle strictement plus forte que la géométrie euclidienne ?
Les plis 1, 2, 3, 4, 5, 7 correspondent tous à des constructions possibles en géométrie euclidienne, mais le pli 6 a une interprétation géométrique bien différente.
La donnée d’un point \(\mathsf{A}\) et d’une droite \(\mathscr{D}\) (\(\mathsf{A}\) étant extérieur à \(D\)) définit la parabole \(\mathscr{P}\), de foyer \(\mathsf{A}\) et de directrice \(\mathscr{D}\). La tangente en un point \(\mathsf{M}\) de cette parabole est la médiatrice du segment \(\mathsf{[AH]}\), \(\mathsf{H}\) étant le projeté orthogonal de \(\mathsf{M}\) sur \(\mathscr{D}\). Le pli qui amène \(\mathsf{A}\) sur \(\mathscr{D}\) représente donc une tangente à la parabole \(\mathscr{P}\).
Le pli 6 construit donc une tangente commune aux deux paraboles définies par les données \((\mathsf{A},\mathscr{D})\) et \((\mathsf{B},\Delta)\).
Pour préciser l’apport de cette construction en terme algébrique, nous nous placerons dans le cas où les deux droites \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) sont orthogonales, cas qui suffit à étayer notre propos. \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) constituent les axes d’un repère orthonormé. Après pliage, le point \(\mathsf{A}\) va en \(\mathsf{E}\) sur \(\mathscr{D}\) et le point \(\mathsf{B}\) va en \(\mathsf{F}\) sur \(\Delta\). On nommera \(\mathsf{I}\) le milieu de \([\mathsf{AE}]\) et \(\mathsf{J}\) le milieu de \([\mathsf{BF}]\). Le pli 6 est la droite \((\mathsf{IJ})\).
Soit \(t\) la pente commune aux droites \((\mathsf{AE})\) et \((\mathsf{BF})\). La pente de la droite \((\mathsf{IJ})\) est alors \(-\dfrac{1}{t}\cdotp\) On nomme \((a ; b)\) les coordonnées du point \(\mathsf{A}\) et \((c ; d)\) les coordonnées du point \(\mathsf{B}\).
La droite \((\mathsf{AE})\) a pour équation \(y-b = t(x-a)\) et la droite \((\mathsf{BF})\) a pour équation \(y-d=t(x-c)\).
On en déduit que les points \(\mathsf{E}\) et \(\mathsf{F}\) ont pour coordonnées \(\mathsf{E}\,(0 ; b-at)\) et \(\mathsf{F}\,\left(c-\dfrac{d}{t} ; 0\right)\), puis que les points \(\mathsf{I}\) et \(\mathsf{J}\) ont pour coordonnées \(\mathsf{I}\,\left(\dfrac{a}{2} ; b-\dfrac{at}{2}\right)\) et \(\mathsf{J}\,\left(c-\dfrac{d}{2t} ;\dfrac{d}{2}\right)\).
La droite \((\mathsf{IJ})\) a pour pente \(-\dfrac{1}{t}\) donc \(t\) est solution de l’équation :
\[at^3+(d-2b)t^2+(2c-a)t-d=0.\]
Cette équation représente une équation quelconque du troisième degré de la forme \(t^3+pt^2+qt+r=0\), à condition de choisir les réels \(a\), \(b\), \(c\) et \(d\) vérifiant \(a=1\), \(d-2b=p\), \(2c-a=q\) et \(-d=r\). Ainsi, dans la géométrie des origamis, on peut donc représenter la solution d’une équation du troisième degré (à coefficients entiers ou constructibles par origamis) et donc « résoudre », par pliage, le problème de la duplication du cube et de la trisection de l’angle.
La géométrie des origamis est donc strictement plus forte que la géométrie euclidienne.
Des origamis au collège
La manipulation du papier permet aux élèves de s’approprier des situations géométriques, étape cruciale avant la modélisation de la situation par une figure sur le cahier.
Il s’agit dans un premier temps de représenter, de rendre perceptible à la vue et à l’esprit, puis de raisonner : quelles sont les propriétés de la figure réalisées ou comment concevoir un pliage représentant une configuration donnée ?
Ce paragraphe présente quelques exemples de constructions par pliage conduisant à des problèmes géométriques.
Des propriétés en plis
Nous l’avons vu, les origamis permettent toutes les constructions réalisables à la règle et au compas. S’il est inutilement compliqué de vouloir produire par origami chaque configuration étudiée en classe, un certain nombre de constructions de base gagnent à être réalisées également par pliage.
Les origamis permettent tout d’abord de mettre en action des propriétés élémentaires :
-
construire une perpendiculaire à une droite donnée par pliage ;
-
construire, par pliage, une droite parallèle à une droite donnée. On pourra itérer le pliage précédent, mettant en action la propriété que deux droites perpendiculaires à une même troisième droite sont parallèles ;
-
construire un carré de côté donné ;
-
construire un rectangle de format donné \(\left(\dfrac{1}{2},\dfrac{1}{\sqrt{2}}\right)\) ;
-
distinguer les figures superposables par un déplacement du plan, des figures qui ne le sont pas (images par une réflexion de l’espace). Ce cas de figure se rencontrera fréquemment lors de la réalisation de modules, voir plus bas.
Deux partages en trois parties de même grandeur
Lorsque l’on désire plier une feuille A4 en trois pour l’insérer dans une enveloppe, on réalise un pliage par deux plis simultanés en cherchant par continuité la façon de superposer les deux parties repliées. Ce type de pliage n’entre pas dans la catégorie des origamis à pli simple. Comment réaliser ce partage en restant dans ce cadre ?
Ce problème est vu classiquement comme une application du théorème de Thalès. La construction usuelle (voir figure 1) se prête mal à un pliage par origami. Nous allons voir deux pliages qui résolvent cette question.
Cas général d’une feuille rectangulaire
Dans la figure 2, on part d’un rectangle \(\mathsf{ABCD}\). On construit le point \(\mathsf{I}\) milieu de \(\mathsf{[AD]}\), puis les plis \(\mathsf{(IC)}\) et \(\mathsf{(BD)}\) qui se coupent au point \(\mathsf{F}\). Les plis parallèles aux côtés du rectangle \(\mathsf{ABCD}\) détermineront des partages en 3 dans chacune des deux directions. On détermine le pli \(\mathsf{(GH)}\), passant par \(\mathsf{F}\) et parallèle au côté \(\mathsf{[AD]}\) (on le construit donc passant par \(\mathsf{F}\) et perpendiculaire au côté \(\mathsf{[AB]}\)).
Le point \(\mathsf{G}\) est tel que \(\mathsf{AG}=\dfrac{1}{3}\,\mathsf{AB}\) et le point \(\mathsf{H}\) est tel que \(\mathsf{DH}=\dfrac{1}{3}\,\mathsf{DC}\).
Cas d’une feuille carrée
Voici une autre construction, à partir d’une feuille carrée, du partage en trois parties de même grandeur.
On réalise le pli qui amène \(\mathsf{A}\) sur le milieu \(\mathsf{I}\) de \(\mathsf{[CD]}\) (le pli réalisé \(\mathsf{(EF)}\) est donc la médiatrice de \(\mathsf{[AI]}\)). Le point \(\mathsf{G}\) (intersection de la partie repliée avec \(\mathsf{[BC]}\)) vérifie \(\mathsf{BG}=\dfrac{1}{3}\,\mathsf{BC}\).
En effet, si on considère que le carré \(\mathsf{ABCD}\) est de côté \(1\), alors \(\mathsf{DI}=\mathsf{IC}=\dfrac{1}{2}\cdotp\) Si on pose \(x=\mathsf{ED}\), alors on a à la fois \(\mathsf{AE}=1-x\) et \(\mathsf{EI}=1-x\) (par symétrie). Le théorème de Pythagore appliqué au triangle rectangle \(\mathsf{EDI}\) permet de déterminer \(x=\dfrac{3}{8}\cdotp\) On vérifie ensuite que le triangle \(\mathsf{GCI}\) est un agrandissement du triangle \(\mathsf{IDE}\). Les relations de proportionnalité entre les côtés s’écrivent alors : \(\dfrac{\mathsf{CG}}{\mathsf{CI}}=\dfrac{\mathsf{DI}}{\mathsf{DE}}\), soit \(\dfrac{\mathsf{CG}}{\dfrac{1}{2}}=\dfrac{\dfrac{1}{2}}{\dfrac{3}{8}}\cdotp\) On en tire \(\mathsf{CG}=\dfrac{2}{3}\) soit \(\mathsf{BG}=\dfrac{1}{3}\cdotp\)
Cette situation est un cas particulier du théorème de K. Haga qui indique un moyen de construire par pliage des nombres rationnels4.
On vérifiera que si on pose à nouveau \(x=\mathsf{ED}\), \(X=\mathsf{ID}\) et \(Y=\mathsf{CG}\), on obtient dans le cas général, \(x=\dfrac{1-X^2}{2}\) et \(Y=\dfrac{2X}{1+X}\cdotp\)
Une boîte de pâtissier
La boîte du pâtissier est une activité classique du primaire au collège, qui a déjà donné lieu à de nombreuses études. Il s’agit de construire, à partir d’une feuille rectangulaire, une boîte parallélépipèdique qui se replie sous la forme d’un rectangle plan.
Voici, en images, les étapes du pliage. La feuille est initialement partagée en six bandes parallèles superposables. L’activité de la boîte du pâtissier peut donc être le moteur de l’interrogation sur un vrai partage en trois évoqué au paragraphe précédent.
La boîte est terminée. On peut ensuite la replier.
Vous trouverez ci-dessous une vidéo explicative.
Différentes activités peuvent s’articuler autour de cette construction.
On peut tout d’abord étudier le lien entre la boîte et son patron (obtenu en dépliant complètement la boîte) et en marquant les plis réalisés.
Voici quelques pistes de travail à propos de ce pliage :
-
Les formes sont un peu approximatives à cause de la superposition des couches de papier. C’est l’occasion de s’interroger et de valider les propriétés géométriques des figures qui apparaissent : une ligne de 6 carrés avec une diagonale en haut et en bas de la feuille et des rectangles ;
-
on peut ensuite envisager des allers et retours entre le modèle et son patron pour préciser les parties qui se retrouvent cachées/à l’intérieur/à l’extérieur de la boîte ou pour obtenir un coloriage particulier de la boîte ;
-
on peut s’interroger ensuite sur le rapport entre les dimensions du rectangle de départ et celles du fond de la boîte. Une question classique est : quelles doivent être les dimensions du rectangle initial pour que l’on fabrique une boîte à fond carré ? La réponse n’est évidemment pas de partir d’un carré mais d’un rectangle dont la largeur est les deux tiers de la longueur. Ce peut être l’occasion ou non d’un travail algébrique (cette question peut être abordée dès le cycle 3) ;
-
si la feuille utilisée est quadrillée et si le côté portant les 6 carrés contient un nombre de carreaux multiple de 6 de façon à ce que chaque carré ou rectangle contienne un nombre entier de carreaux, on peut se livrer à un travail sur les fractions en déterminant le rapport entre l’aire de différentes parties de la feuille.
Réalisation de samoussas
Vous pouvez accéder ci-dessous à une vidéo explicative.
Étudions à présent la fabrication de cette délicieuse spécialité indienne. Fabriquer des samoussas, suppose d’enrouler sur elle-même une bande rectangulaire de pâte pour faire émerger un gâteau en forme de triangle équilatéral. C’est la forme de polygone régulier qui va permettre de replier plusieurs fois la bande sur elle-même. En pratique, la construction est approchée, mais le problème posé ici est : comment commencer l’enroulement avec une construction qui inscrit directement un triangle équilatéral dans une bande de papier5 ?
Les élèves peuvent être mis en situation de recherche à partir d’une bande de papier pour trouver un pliage faisant apparaître un triangle équilatéral inscrit dans cette bande. Il faut ensuite justifier que leur pliage conduit bien à un triangle équilatéral. C’est toutefois un problème difficile et on peut se contenter de proposer la construction suivante aux élèves en leur laissant le soin de la justifier.
Voici une construction possible :
-
Dans une bande de papier rectangulaire, marquer la médiane (parallèle au côté de plus grande dimension) ;
-
Marquer le pli qui passe par \(\mathsf{B}\) et qui amène le point \(\mathsf{A}\) en \(\mathsf{I}\) sur cette médiane ; ce pli est représenté sur la figure par le segment \(\mathsf{[BC]}\) ;
-
Le segment \(\mathsf{[CI]}\) coupe le bord de la bande en \(\mathsf{D}\).
Propriété : le triangle BCD est équilatéral.
Démontrons ce fait :
Les hypothèses résultant du pliage sont :
\(\mathsf{BA}=\mathsf{BI}\), \(\mathsf{CA}=\mathsf{CI}\), \(\widehat{\mathsf{ABC}}=\widehat{\mathsf{CBI}}\), \(\widehat{\mathsf{ACB}}=\widehat{\mathsf{ICB}}\) et \(\widehat{\mathsf{BAC}}=\widehat{\mathsf{BIC}}=90°\).
Plusieurs solutions sont possibles.
-
Théorème de Thalès (milieu), isométrie des triangles, trigonométrie :
D’après le théorème des milieux, \(\mathsf{I}\) est le milieu de \([\mathsf{CD}]\). On a donc \(\mathsf{IC}=\mathsf{ID}\).
Les triangles \(\mathsf{BIC}\) et \(\mathsf{BID}\) sont tous les deux rectangles en \(\mathsf{I}\), \(\mathsf{IC}=\mathsf{ID}\) et le côté \([\mathsf{BI}]\) est commun. Ils sont donc isométriques (superposables), ainsi \(\mathsf{BC}=\mathsf{BD}\), le triangle \(\mathsf{BCD}\) est isocèle en \(\mathsf{B}\).
On montre comme précédemment que \(\widehat{\mathsf{CDB}}=60°\).
Le triangle \(\mathsf{BCD}\) est un triangle isocèle dont l’un des angles mesure \(60°\), il est donc équilatéral.
-
Trigonométrie et propriétés angulaires (somme des angles d’un triangle).
\(\cos\bigl(\widehat{\mathsf{EBI}}\bigr)=\dfrac{\mathsf{BE}}{\mathsf{BI}}=
\dfrac{\mathsf{BE}}{\mathsf{BA}}=\dfrac{1}{2}\) d’où \(\widehat{\mathsf{EBI}}=60°\).Par complément à l’angle droit, \(\widehat{\mathsf{IBD}}=30°\).
Par pliage \(\widehat{\mathsf{ABC}}=\widehat{\mathsf{CBI}}\), donc \(\widehat{\mathsf{ABC}}=\widehat{\mathsf{CBI}}=30°\).
On en déduit que \(\widehat{\mathsf{CBD}}=\widehat{\mathsf{CBI}}+\widehat{\mathsf{IBD}}=60°\).
Le triangle rectangle \(\mathsf{CBI}\) a un angle de \(30°\), on en déduit que \(\widehat{\mathsf{BCI}}=60°\).
Le triangle \(\mathsf{BCD}\) a deux angles de \(60°\), il a donc trois angles de \(60°\) et est donc équilatéral.
La réalisation d’une bande de neuf triangles équilatéraux permet d’enchaîner sur la construction d’hexaflexagones, mais ceci est une autre histoire6…
Solides pop up
La boîte du pâtissier qui passe à volonté de l’état solide à l’état plan est déjà un premier exemple d’un solide pop up, qui se déplie avec un effort minimal7. Voici une autre construction indispensable permettant de réaliser un tétraèdre régulier qu’on peut coller entre les pages d’un cahier et qui se déplie à l’ouverture. Cela permet d’avoir un modèle sous la main à toucher et observer avant de conceptualiser davantage l’étude de ce solide.
On trouve également dans les ouvrages cités en note la construction d’une pyramide à base carrée. On peut consulter un diaporama de ces deux constructions sur le site de la CII PopMath (documents du groupe 3 Diffusion de la culture mathématique) .
Le matériel de base est une enveloppe 11 cm \(\times\) 22 cm que l’on referme par collage, avant de la découper en deux carrés de 11 cm de côté.
On commence par positionner un des carrés d’enveloppe avec l’ouverture face à soi. On va construire un triangle équilatéral dont la base est le côté supérieur du carré, il s’agit donc d’une variante de la situation des samoussas. On réalise un pli selon une médiane horizontale puis les plis qui correspondent à amener sur cette médiane chacun des deux sommets extrémités du côté supérieur du carré.
Construction en images (voir ci-après la vidéo de construction) :
Le grand triangle qui apparaît est équilatéral mais il n’occupe pas toute la hauteur du carré, on replie donc la petite bande excédentaire pour que le triangle équilatéral soit inscrit dans un rectangle.
En collant deux triangles rectangles adjacents, sur une feuille de papier, on voit le tétraèdre se matérialiser à l’ouverture.
Il reste à démontrer que l’on à affaire à un tétraèdre régulier, c’est-à-dire que toutes ses faces sont des triangles équilatéraux superposables !
La démonstration est élémentaire, on peut la retrouver sur le site de la CII PopMath, documents du groupe 3 (voir lien ci-dessus).
Origamis modulaires et polyèdres convexes
Les programmes de cycle 3 et 4 insistent sur la reconnaissance, sur la description et sur la production de solides usuels, recommande l’utilisation de solides concrets pour illustrer certaines propriétés, développer la vision de l’espace. Il demande de reconnaître, nommer, décrire, reproduire, représenter, construire des figures et solides usuels.
Ce paragraphe va bien au-delà de ces demandes, néanmoins, les solides dont la construction est présentée ici sont porteurs d’imaginaire et de mathématiques. Plus adaptés à une production en club mathématique ou en petit groupe, ils constituent des décorations de classe (ou de sapin de Noël) appréciées et suscitent systématiquement chez les élèves des commentaires admiratifs.
Voici quelques exemples de solides construits avec les deux types de modules qui sont présentés plus bas
Ces polyèdres ne sont pas systématiquement réguliers8.
Vocabulaire adopté
Puisque les polyèdres construits ne sont pas toujours réguliers, je les nommerai en lien avec le polyèdre régulier convexe qu’on « étoile », c’est-à-dire le solide régulier dont chaque face va être la base d’une pyramide. On peut aussi considérer que ce polyèdre régulier convexe est le solide qui apparaît si on coupe à leur base chacune des pyramides : c’est le solide sous-jacent. Je parlerai donc de tétraèdre étoilé, de cube étoilé, d’octaèdre étoilé, de dodécaèdre étoilé ou d’icosaèdre étoilé.
Cette approche permet d’approfondir la géométrie des polyèdres réguliers convexes et de revisiter la relation d’Euler.
Principe de construction
Pour construire ces solides, on réalise des modules identiques puis on les assemble pour constituer des pyramides qui sont peu à peu associées entre elles. Voici l’assemblage de base d’une pyramide avec le module de Sonobe :
Il existe un grand nombre de modules de base pour réaliser ce type de polyèdres, mais ils ont toujours en commun le fait d’avoir une arête centrale et d’avoir deux partie latérales qui s’échangent par demi-tour et présentent chacune le duo pochette/languette. La pochette désigne une partie dans laquelle peut s’insérer la languette d’un autre module.
Une pyramide peut être à base triangulaire comme sur la figure précédente (donc constituée de trois modules) mais, suivant le type de module, il peut être possible de constituer des pyramides à bases carrée (quatre modules) ou pentagonale (cinq modules).
Chaque pyramide constituée n’utilise que la moitié de chaque module, l’autre moitié est disponible pour être engagée dans une autre pyramide.
Les polyèdres construits ne sont en général ni réguliers, ni convexes.
Imaginons-les pleins : si l’on découpait à leur base chacune des pyramides, on verrait apparaître un polyèdre régulier convexe (tétraèdre, cube, octaèdre, dodécaèdre ou icosaèdre). Nous considérerons que la construction modulaire étoile un polyèdre régulier convexe (en faisant pousser des pyramides sur ses faces) et les solides construits seront donc dénommés : tétraèdre étoilé, cube étoilé, d’octaèdre étoilé, dodécaèdre étoilé ou icosaèdre étoilé.
Cette approche permet d’approfondir la géométrie des polyèdres réguliers convexes et de revisiter la relation d’Euler.
Nombre de modules et assemblage
Appelons \(\mathscr{P}\) le polyèdre régulier convexe qui sera étoilé dans la construction modulaire. Notons \(\mathrm{F}\) son nombre de faces, \(n\) le nombre d’arêtes de chaque face, \(\mathrm{A}\) son nombre total d’arêtes et \(\mathrm{S}\) le nombre de ses sommets.
Chaque module contribue à deux pyramides, l’arête centrale de chaque module correspond exactement à une arête du solide \(\mathscr{P}\). Le nombre de modules nécessaire est donc le nombre d’arêtes de \(\mathscr{P}\). Ce nombre \(\mathrm{A}\) d’arêtes est issu d’un dénombrement simple qui peut être mené avec les élèves : on dénombre le nombre total d’arêtes de toutes les faces du polyèdre (\(n\times
\mathrm{F}\)) puis on divise ce nombre par deux puisqu’une arête est commune à deux faces : \[\mathrm{A}=\dfrac{n\times\mathrm{F}}{2}=\text{nombre de modules nécessaires}.\] Le nombre de pyramides à assembler entre elles autour d’un sommet est le nombre \(\mathrm{N}\) de faces du solide régulier convexe ayant un sommet commun (c’est le degré du sommet). \(\mathrm{N}\) peut être déterminé par observation du solide ou par dénombrement : \(\mathrm{S}=\dfrac{n\times\mathrm{F}}{\mathrm{N}}\cdotp\) En effet, le nombre d’arêtes \(n\) d’une face de \(\mathscr{P}\) est aussi le nombre de sommets d’une face de \(\mathscr{P}\). Le nombre total de sommets \(n\times\mathrm{F}\) est à diviser par le nombre \(\mathrm{N}\) de sommets mis en commun. Cette relation peut d’ailleurs servir à déterminer \(\mathrm{N}\) si l’on connaît \(\mathrm{S}\). En effet, la relation d’Euler \(\mathrm{S}=2+\mathrm{A}-\mathrm{F}\), permet de déterminer \(\mathrm{S}\) à partir de \(\mathrm{A}\) et \(\mathrm{F}\), on peut alors en déduire \(\mathrm{N}\).
Le tableau suivant présente les résultats pour les cinq polyèdres réguliers convexes :
\(n\) | Nom | \(\mathrm{F}\) | \(\mathrm{A}\) | \(\mathrm{S}\) | \(\mathrm{N}\) |
---|---|---|---|---|---|
3 | Tétraèdre | 4 | 6 | 4 | 3 |
3 | Octaèdre | 8 | 12 | 6 | 4 |
3 | Icosaèdre | 20 | 30 | 12 | 5 |
4 | Cube | 6 | 12 | 8 | 3 |
5 | Dodécaèdre | 12 | 30 | 20 | 3 |
On retrouve dans ce tableau la dualité entre le cube et l’octaèdre ainsi qu’entre le dodécaèdre et l’icosaèdre.
Les colonnes utiles à la construction par origami modulaire sont les colonnes \(\mathrm{A}\) (nombre de modules) et \(\mathrm{N}\) (nombre de pyramides à assembler entre elles autour d’un sommet).
Nom du module initial | Module | Nombre de pyramides par sommet |
---|---|---|
Tétraèdre | 6 | 3 |
Octaèdre | 12 | 4 |
Cube | 12 | 3 |
Dodécaèdre | 30 | 3 |
Icosaèdre | 30 | 5 |
Revenons aux modèles exposés plus haut :
En observant la base triangulaire des pyramides, on voit que le solide « étoilé » ne peut être qu’un tétraèdre, un octaèdre ou un icosaèdre. C’est le nombre de pyramides assemblées autour d’un sommet qui va permettre de préciser le solide sous-jacent. De gauche à droite, le premier solide est un octaèdre étoilé (\(4\) pyramides assemblées, \(\mathrm{N}=4\)), le deuxième solide est un icosaèdre étoilé (\(\mathrm{N}=5\)) et le troisième est à nouveau un octaèdre étoilé (\(\mathrm{N}=4\)).
De même, ici, le premier solide est un tétraèdre étoilé (\(3\) pyramides assemblées, \(\mathrm{N}=3\)), le deuxième solide est un octaèdre étoilé (\(\mathrm{N}=4\)) et le troisième est un icosaèdre étoilé (\(\mathrm{N}=5\)). Le tétraèdre étoilé se présente ici sous la forme d’un cube car le module utilisé fournit des triangles rectangles.
Une telle construction de cube est relativement facile pour des élèves de collège.
Réalisation du module 1, dit module de Sonobe
Ce module ne permet que des assemblages de pyramides à base triangulaire car les triangles apparaissant dans les pyramides sont rectangles.
-
Partir d’une feuille carrée, marquer une médiane, marquer les médianes parallèles au grand côté de chaque demi-carré, plier comme indiqué sur la photo.
-
Replier chaque coin suivant la diagonale. Attention au choix des coins repliés : toutes les pièces doivent être superposables.
-
Plier autour de chacune des diagonales, on voit apparaître un parallélogramme. Replier les sommets libres à l’intérieur.
-
Plier de façon à faire apparaître quatre triangles superposables. Le module est terminé.
Attention au choix des sommets opposés : toutes les pièces doivent être superposables.
Réalisation du module 2
Une vidéo intitulée Étoiles géométriques en origami présente la réalisation de ces modules et de la fabrication d’un solide sur la chaîne YouTube Micmaths de Mickaël Launay .
-
Partir d’une feuille carrée, marquer les deux médianes, rabattre deux sommets opposés au centre du carré initial.
-
Retourner la feuille sur l’autre face.
-
Ramener le bord supérieur gauche, puis le bord inférieur droit le long de l’une des médianes initiale comme indiqué sur le schéma.
-
Retourner à nouveau la feuille pour revenir à la face initiale. Plier selon les pointillés indiqués sur le schéma. On obtient le résultat indiqué.
-
Retourner la feuille sur l’autre face.
-
Rabattre les éléments qui dépassent le long du losange central.
-
Rabattre le sommet gauche sur le sommet droit selon le pli indiqué. Ce pli sera l’une des arêtes du solide à étoiler.
-
Déplier les parties enroulées précédemment autour du losange. Le module est terminé.
On peut observer que le losange se décompose en deux triangles qui seront chacun une face d’une pyramide.
Les parties dépliées à la dernière étape constituent les languettes d’assemblage.
À la base de chaque triangle se trouve une partie qui peut s’écarter : c’est la pochette dans laquelle insérer la languette d’assemblage.
L’assemblage de deux modules se fait en insérant une languette dans une pochette.
Les solides les plus faciles à assembler sont ceux pour lesquels les pyramides sont à base triangulaire. Ce module permet toutefois d’assembler des pyramides à base carrée (cube étoilé) ou à base pentagonale (dodécaèdre étoilé).
Avec ce module, le « dodécaèdre étoilé » correspond au petit dodécaèdre étoilé de la terminologie de Kepler-Poinsot et « l’icosaèdre étoilé » correspond au grand dodécaèdre étoilé.
Des origamis au lycée
Le lien avec la géométrie se distend au lycée et il sera plus difficile de faire le lien avec les origamis. Ce qui suit est surtout donné à titre de culture. Néanmoins, dans différents contextes mettant en jeux triangles superposables (classe de Seconde), des équations de droites, des tangentes à une courbe, un lien peut être tissé à l’occasion d’un devoir à la maison.
Parabole
On peut commencer par explorer les différents plis qui appliquent un point donné sur une droite donnée. L’ensemble des pliages enveloppe une courbe. Quelle est cette courbe ?
Trame de l’énoncé
On cherche à identifier l’ensemble des points équidistants d’une droite \(\mathscr{D}\) et d’un point \(\mathsf{F}\) (non situé sur la droite \(\mathscr{D}\)). On construit un repère orthonormé tel que la droite ait comme équation \(x=-1\) et le point \(\mathsf{F}\) ait pour coordonnées \((0\, ;\,1)\). On montre que l’ensemble des points cherchés a pour équation \(y=\dfrac{x^2}{4}\), on reconnaît donc une parabole. On étudie ensuite la tangente en un point \(\mathsf{M}\left(a\, ;\,\dfrac{a^2}{4}\right)\) de cette parabole et on montre que cette tangente est la médiatrice de la droite \((\mathsf{FH})\), \(\mathsf{H}\) étant le projeté orthogonal de \(\mathsf{M}\) sur \(\mathscr{D}\). Cela permet de justifier l’allure de parabole que l’on constate puisque les plis, tangents à la courbe qu’ils enveloppent sont les médiatrices des segments \([\mathsf{FH}]\). Or le point \(\mathsf{M}\) du pli qui se projette en \(\mathsf{H}\) est équidistant de \(\mathsf{F}\) et de \(\mathscr{D}\), il décrit donc une parabole et les plis construits sont bien les tangentes à cette parabole.
Résolution d’une équation du troisième degré
Dans le paragraphe « Les mathématiques de l’origami », nous avons vu que les origamis permettaient de résoudre les équations du troisième degré : partant d’une équation (à coefficients entiers pour simplifier), on détermine les coordonnées des points \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\) par l’identification proposée. On se donne une unité de longueur, on se fixe deux droites \(\mathscr{D}\) et \(\Delta\) orthogonales et on construit les points \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\). Il reste à trouver un pli qui amène simultanément \(\mathsf{A}\) sur \(\mathscr{D}\) et \(\mathsf{B}\) sur \(\Delta\) et à mesurer la pente de la droite \((\mathsf{AE})\) (notations du paragraphe). C’est un peu fou et peu précis mais théoriquement possible !
Construction de la racine cubique d’un réel positif
Voici une construction qui permet de résoudre ce problème.
Dans la figure ci-dessous, \(\mathsf{OCDE}\) est un rectangle, \(\mathsf{OE}=1\), \(\mathsf{DE}=x\). Nous cherchons, par pliage, à construire un segment de longueur \(\sqrt[3]{x}\).
Les points \(\mathsf{K}\), \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{B}\) sont respectivement les milieux de \([\mathsf{OC}]\), \([\mathsf{CD}]\) et \([\mathsf{ED}]\). \(\mathsf{H}\) est le milieu de \([\mathsf{BK}]\).
On cherche un pli qui amène \(\mathsf{B}\) sur \((\mathsf{OC})\) (en \(\mathsf{B}’ \)) et \(\mathsf{A}\) sur \((\mathsf{OE})\) (en \(\mathsf{A}’ \)). Ce pli est la droite \((\mathsf{IJ})\), médiatrice de \([\mathsf{AA}’ ]\) et \([\mathsf{BB}’ ]\) (il rencontre \((\mathsf{BB}’ )\) en \(\mathsf{J}\) et \((\mathsf{AA}’ )\) en \(\mathsf{I}\)).
Dans la figure, les triangles \(\mathsf{HBJ}\), \(\mathsf{HJK}\) et \(\mathsf{HIA}\) sont des agrandissements les uns des autres. Soit \(k\) le coefficient d’agrandissement.
En exprimant la proportionnalité des côtés : \(\dfrac{\mathsf{HJ}}{\mathsf{BH}}=\dfrac{\mathsf{HI}}{\mathsf{JH}}=\dfrac{\mathsf{HA}}{\mathsf{HI}}=k\).
On sait que \(\mathsf{BH}=\dfrac{1}{2}\) et \(\mathsf{AH}=\dfrac{x}{2}\cdotp\)
On en déduit \(\mathsf{HJ}=k\cdot\dfrac{1}{2}\), puis \(\mathsf{HI}=k.\mathsf{JH}=k^2\cdot\dfrac{1}{2}\) et enfin \(\mathsf{HA}=k.\mathsf{HI}=k^3\cdot\dfrac{1}{2}\cdotp\)
On en tire \(\dfrac{x}{2}=\dfrac{k^3}{2}\), soit \(k^3=x\).
Il reste à trouver sur la figure un segment de longueur \(k\). Puisque \(\mathsf{BH}=\dfrac{1}{2}\), on tire de l’égalité \(\dfrac{\mathsf{HJ}}{\mathsf{BH}}=k\) le résultat \(\mathsf{JH}=\dfrac{k}{2}\cdotp\)
Le triangle \(\mathsf{KBB}’ \) est un agrandissement de rapport \(2\) du triangle \(\mathsf{HBJ}\), on en déduit que \(\mathsf{KB}’ =2\mathsf{JH}=k\).
\[\mathsf{KB}’ \text{ représente donc }\sqrt[3]{x}.\]
Trisection de l’angle
On a vu que ce problème relevait également de la résolution d’une équation du troisième degré. On se contentera de résoudre le problème de la trisection dans le cas d’un angle aigu (si l’angle est obtus, on peut, par exemple, tracer sa moitié à l’aide d’une bissectrice, trisecter cette moitié puis récupérer (par doublement) le tiers de l’angle initial).
Dans la figure ci-dessous, \(\mathsf{ABCD}\) est un carré, les points \(\mathsf{A}\), \(\mathsf{E}\) et \(\mathsf{G}\) sont équidistants et les droites \((\mathsf{AB})\), \((\mathsf{EF})\), \((\mathsf{GH})\) sont parallèles.
\(\widehat{\mathsf{BAM}}\) est l’angle à partager en trois.
Nous allons considérer la droite du pli qui amène \(\mathsf{G}\) en \(\mathsf{I}\) sur \((\mathsf{AM})\) et \(\mathsf{A}\) en \(\mathsf{K}\) sur \((\mathsf{EF})\) (en pointillés sur le dessin).
Cette droite coupe \((\mathsf{EF})\) en \(\mathsf{J}’ \) et la droite \((\mathsf{AJ}’ )\) coupe \((\mathsf{IK})\) en \(\mathsf{J}\).
Les triangles \(\mathsf{J}’ \mathsf{EA}\) et \(\mathsf{J}’ \mathsf{JK}\) sont symétriques par rapport à la droite du pli.
En effet, \(\mathsf{J}’ \mathsf{A}=\mathsf{J}’ \mathsf{K}\) (\(\mathsf{J}’ \) est sur le pli, médiatrice de \([\mathsf{AK}]\)), \(\widehat{\mathsf{EJ}’ \mathsf{A}}=\widehat{\mathsf{JJ}’ \mathsf{K}}\) (opposés par le sommet). De plus, les points \(\mathsf{A}\) et \(\mathsf{K}\) d’une part, \(\mathsf{G}\) et \(\mathsf{I}\) d’autre part s’échangent par symétrie par rapport au pli. \(\mathsf{J}’ \) qui est sur le pli est invariant. On en déduit que \(\widehat{\mathsf{GAJ}’ }=\widehat{\mathsf{IKJ}’ }\). Les triangles \(\mathsf{J}’ \mathsf{EA}\) et \(\mathsf{J}’ \mathsf{JK}\) sont donc isométriques et cette isométrie est la réflexion par rapport au pli.
On en déduit que \(\mathsf{J}\), image de \(\mathsf{E}\) est le milieu de \([\mathsf{IK}]\) : \(\mathsf{IJ}=\mathsf{JK}\). De plus, \((\mathsf{AJ})\perp(\mathsf{IK})\). Les triangles rectangles \(\mathsf{AJI}\) et \(\mathsf{AJK}\) sont isométriques, images l’un de l’autre dans la réflexion par rapport à la droite \((\mathsf{AJ})\).
Soit \(\mathsf{E}’ \) le projeté orthogonal de \(\mathsf{K}\) sur \((\mathsf{AB})\). \(\mathsf{JK}=\mathsf{AE}=\mathsf{KE}’ \), le côté \([\mathsf{AK}]\) est commun aux deux triangles rectangles \(\mathsf{AJK}\) et \(\mathsf{AE}’ \mathsf{K}\). Ces triangles sont également isométriques (symétriques par rapport à la droite \((\mathsf{AK})\)).
Les triangles rectangles \(\mathsf{AJI}\), \(\mathsf{AJK}\) et \(\mathsf{AE}’ \mathsf{K}\) sont isométriques.
Les droites \((\mathsf{AK})\) et \((\mathsf{AJ})\) partagent l’angle \(\widehat{\mathsf{BAM}}\) en trois.
Conclusion
La pratique des origamis trouve facilement sa place en collège. Les pliages permettent d’apprivoiser la géométrie plane par l’espace. Accompagner d’un geste la construction d’une médiatrice ou d’une bissectrice donne tout son sens à la réflexion mise en jeu. La superposition est effective et les propriétés géométriques plus intuitives. Les élèves sont peu habitués à la manipulation et manifestent au départ des aptitudes fort diverses. Les expériences menées en club montrent qu’au fil des constructions, la pratique s’affine, le langage et la vision géométrique s’affirment. Ces pliages devraient être parmi les premiers gestes géométriques, précédant ou accompagnant les tracés instrumentés.
Références
-
Didier Boursin et Valérie Larose. Mathémagie des pliages. Paris : ACL – Les éditions du Kangourou, 2000.
-
Didier Boursin et Valérie Larose. « Pliages et mathématiques ». In : Maths pour Tous. T. 7. Paris : ACL – Les éditions du Kangourou, 1997.
-
Jacques Chappaz et Florence Michon. « Il était une fois. . . la boîte du pâtissier ». In : Grand N no 72 (2003). Sous la dir. de l’IREM de Grenoble, p. 19-32.
-
Jean-Paul Delahaye. « Les mathématiques de l’origami ». In : Pour la science. Hors série no 97 (octobre-novembre 2017). ↩
-
Groupe école élémentaire. « Boîte du pâtissier : former des professeurs d’école en mathématiques ». In : Collection : IREM de Rouen no 082 (1993). ↩
-
Jacques Justin. « Aspects mathématiques du pliage de papier ». In : L’Ouvert no 47 (1987). Disponible en ligne sur le site de l’IREM de Strasbourg ou dans la bibliothèque numérique des IREM et de l’APMEP , p. 1-14. ↩
-
Jacques Justin. « Résolution par le pliage de l’équation du 3e degré et applications géométriques ». In : L’Ouvert no 42 (1986). Disponible en ligne sur le site de l’IREM de Strasbourg ou dans la bibliothèque numérique des IREM et de l’APMEP , p. 9-19.
-
Jacques Justin. « Trisection d’angles et pliages ». In : PLOT no 28 (1984), p. 28.
-
Michel Lafond. « Mieux que la règle et le compas : l’origami ». In : Bulletin de l’APMEP no 502 (2013). , p. 67-78. ↩
-
Marie-Lise Peltier, Catherine Houdement et Denis Butlen. « La boîte du pâtissier ». In : Carnets de route de la COPIRELEM. Sous la dir. de l’Association pour l’élaboration et la diffusion de ressources pédagogiques sur l’enseignement des mathématiques à l’école (ARPEME). T. 3. Disponible en ligne sur le site de l’ARPEME . Paris, 2003, p. 47-55. ↩
⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅
Anne-Marie Aebischer réunit les expériences d’enseignante à l’UFR Sciences et Techniques de Besançon, en master MEEF (formation des enseignants), d’animatrice à l’IREM de Franche-Comté et de responsable de la CII Pop’Math 1 (commission inter IREM dédiée à la popularisation des mathématiques).
-
Un grand merci à mes collègues Gilles Damamme, Josiane Lorblanche, Gérard Martin, Marie-José Pestel et Patricia Rat qui ont partagé ou testé certaines de ces activités.↩
-
L’axe radical de deux cercles \(\mathscr{C}(\mathsf{O} ;R)\) et \(\mathscr{C}’ (\mathsf{O}’ ;R’ )\) est l’ensemble des points \(\mathsf{M}\) vérifiant \(\mathsf{OM}^2-\mathsf{O}’ \mathsf{M}^2=R^2-R’ ^2\). C’est une droite et si les deux cercles sont sécants, c’est la droite qui passe par leurs points d’intersection. C’est aussi l’ensemble des points vérifiant \(\overrightarrow{\mathsf{IM}}\cdot\overrightarrow{\mathsf{OO}’ }=\dfrac{R^2-R’ ^2}{2}\), \(\mathsf{I}\) désignant le milieu de \([\mathsf{OO}’ ]\). Il suffit donc de construire le projeté orthogonal \(\mathsf{H}\) des points \(\mathsf{M}\) sur la droite \((\mathsf{OO}’ )\) qui vérifie \(\mathsf{IH}=\dfrac{R^2-R’ ^2}{2\mathsf{OO}’ }\), \(\Delta\) est alors la perpendiculaire en \(\mathsf{H}\) à la droite \((\mathsf{OO}’ )\).↩
-
La réalisation d’une bande de neuf triangles équilatéraux permet d’enchaîner sur la construction d’hexaflexagones, voir Les hexaflexagones, sur la chaîne You Tube Micmaths de Mickaël .↩
-
voir « Les hexaflexagones », sur la chaîne You Tube Micmaths de Mickaël Launay : et .↩
-
Un polyèdre régulier est un polyèdre dont toutes les faces sont identiques et régulières et dont tous les sommets sont identiques (intersection d’un même nombre d’arêtes). Les polyèdres réguliers sont au nombre de neuf. Cinq sont convexes (tétraèdre, cube, octaèdre, dodécaèdre et icosaèdre). Les polyèdres réguliers convexes sont connus depuis l’Antiquité, on les appelle aussi les solides de Platon. La collection des polyèdres réguliers a été complétée par les solides de Kepler-Poinsot : le petit et le grand dodécaèdre étoilé, le grand dodécaèdre et le grand icosaèdre.↩
4 réflexions sur « Des origamis en cours de math »
Les commentaires sont fermés.