Haïkus
Dans le n° 531 d’Au fil des maths, Richard Cauche nous avait donné un avant-goût des haïkus, ces petits poèmes traditionnels japonais, de forme très concise (dix-sept syllabes en trois vers : 5-7-5 ou 7-5-5 ou 5-5-7 !). Il revient avec de nouvelles créations, pour notre plus grand plaisir !
Richard Cauche
© APMEP Mars 2022
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Je me souviens encore aujourd’hui de mon père me faisant découvrir un après-midi la sonorité d’une «pierre carrée» en écrivant sur un carnet la formule de l’aire du disque. Cette formule mathématique prenait alors l’aspect d’une formule magique dont le sens caché me permettrait de ne jamais l’oublier !
Bien des années plus tard, après avoir découvert les haïkus, je décidai de chercher si la longueur du cercle ne pouvait y cacher ses «deux pierres» pour inventer un autre moyen mnémotechnique et boucler la boucle des souvenirs.
Ne souhaitant pas reprendre l’image d’une pierre pour cette deuxième formule (une confusion alors facile pouvant se créer entre les deux moyens mnémotechniques), le hasard mit sur mon chemin des pies que je croisais très fréquemment lors de mes balades, toujours par deux. Le jeu était lancé, le premier haïku vit modestement le jour.
Affiché en classe lors de la Semaine des Mathématiques (les élèves concouraient à cette période pour retenir des décimales de \(\pi\)), le haïku attira l’attention de plusieurs élèves qui se demandèrent la raison de sa présence dans une salle de maths…
Circonférence ?… Un élève remarqua la sonorité «pie», et la discussion fut lancée entre élèves qui se mirent à chercher les autres secrets que pouvaient cacher cet affichage au lieu d’aller en récréation.
Quand je me suis rendu compte que certains élèves avaient appris ce haïku parce «qu’il se retenait facilement» et qu’en plus « ça permettait de se souvenir de la leçon », je me suis dit que cette production sans prétention n’avait pas été inutile.
Depuis, j’essaie modestement, lorsque j’en ai l’occasion, de trouver d’autres thèmes propices aux haïkus (le cycle 3 se prête bien à l’exercice). Comme le montrent ces quelques exemples, j’y place presque à chaque fois un mot de vocabulaire identifiable et un ou plusieurs sens cachés que les élèves peuvent chercher et qui créent la discussion et l’échange ensuite avec l’enseignant. Ces jeux avec les mots ne sont pas gratuits et abordent un aspect de la notion. Ces haïkus permettent de les réactiver d’une manière différente, de créer un échange, un questionnement, aident certains élèves à retenir des définitions…
L’idée n’est pas de masquer le sens et de faire retenir des formules sans les travailler. Le haïku sur la circonférence parle de mouvement et aide ainsi à rattacher le mot «circonférence» à son sens. Pour l’aire du disque, la «surface égalée» et «l’aire ronde» permettent aussi d’aborder le vocabulaire d’une manière différente.
Le haïku sur les droites sécantes est riche de choses à aborder malgré sa petite taille. Celui sur les droites parallèles part de ce qui est vu à l’école primaire et permet d’engager des questionnements divers selon les réactions des élèves, garder ses distances, ne pas se rencontrer, garder sa distance…
Enfin, le haïku sur les droites perpendiculaires se rapproche de ce que l’on peut montrer avec une feuille pliée au cycle 3 et fait le lien entre les angles droits et les droites perpendiculaires.
Vous l’aurez compris, ces modestes haïkus sont au départ un jeu d’esprit qui a séduit des élèves et m’a permis d’échanger et de partager différemment avec eux. Les images utilisées ne sont pas celles qui sont dessinées, mais celles qui prennent vie dans l’esprit de la personne qui lit le haïku. C’est à la fois une histoire, des sonorités et un petit film mental qui se crée.
Je ne formalise pas les moments d’utilisation ni la manière de s’en servir. Des petites versions sont distribuées aux élèves qui les collent dans le cahier, les décorent, se les approprient, les réécrivent en plus grand en dessinant tout autour… Tiens, écrire ces quelques lignes me donne une nouvelle idée, où se trouve mon carnet déjà ?…
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Richard Cauche est enseignant de mathématiques dans le Val-de-Marne et membre du groupe Géométrie de l’IREM de Paris .