Petite enquête sur…
la logique dans la scolarité

La petite enquête revient ! Cette fois-ci pour de la logique.
François Boucher se plonge dans la problématique du « si …, alors… » et du « donc » tellement sensible dans les classes. Son point de vue, différent de celui proposé par Zoé Mesnil dans le n° 542 et ce numéro, vient enrichir notre réflexion.

François Boucher

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© APMEP Juin 2022


Le petit enquêteur voudrait apporter un point de vue plutôt pragmatique sur la question fort ancienne mais sans cesse renouvelée de la nécessité, ou à tout le moins de l’utilité, d’une dose de logique dans la scolarité, pour une meilleure intelligence et utilisation des énoncés mathématiques par nos élèves et ainsi de favoriser l’apprentissage de la déduction donc de la démonstration. Ce qui suit concerne les élèves du cycle 4 et sans doute aussi ceux du lycée si on en croit la rumeur.

Questions

Trois thèses sont à questionner.

  • Un avis semble aujourd’hui plutôt bien partagé dans la communauté : fonder l’approche de la logique utile à l’étude des mathématiques scolaires sur la logique dite « courante » — mais l’appeler « argumentative » semble préférable — ne serait pas pertinent, voire contre-productif. Ne faudrait-il pas questionner cette thèse en tant qu’elle servirait surtout d’a priori pour promouvoir la logique dite « moderne »1 ?

  • Au niveau de la scolarité, la formulation « si …, alors … » effectivement utilisée en mathématiques par les enseignants, les auteurs de manuels et, parfois, les élèves est-elle utilement « modélisable » comme implication logique, ce que répètent avec insistance certains didacticiens ?

  • Plus globalement, le savoir savant recouvert par l’appellation « logique mathématique », même convenablement transposé, a-t-il sa place dans l’apprentissage de la déduction ? En arrière-plan, pointe la question, multiforme, des quantifications et de leur traitement dans la scolarité.

Nous allons examiner les deux premières thèses ; la troisième, plus complexe, sera abordée dans le complément numérique associé à cet article .

Le décor

Dans ce qui suit, tous les exemples sont empruntés exclusivement aux mathématiques scolaires pour éviter, d’une part, l’introduction d’une composante « temporelle » et, d’autre part, le relativisme des jugements humains lié à des contextes mal définis ou changeants. La question du contenu et de la causalité, liée à celle du sens, ne saurait être a priori écartée. Nous allons considérer trois contextes sous-jacents: celui de l’arithmétique élémentaire renforcée par un peu d’algèbre et les fonctions affines (\(\mathscr{A}\)), celui de la géométrie euclidienne plane de la scolarité (\(\mathscr{G}\)), et celui de la logique bivalente effectivement pratiquée dans les classes, disons de la Cinquième à la Seconde (\(\mathscr{LE}\)). Ce contexte \(\mathscr{LE}\) n’est pas organisé en théorie mais regroupe les pratiques déductives qu’accumulent, cahin-caha, ceux qui sont face aux élèves. Quant à \(\mathscr{A}\)et \(\mathscr{G}\), s’ils ne sont pas axiomatisés, pas même bien définis, ils forment des ensembles assez cohérents de connaissances (c’est la responsabilité de l’institution) donc des embryons de théories, évolutives dans une classe donnée, s’enrichissant (et s’appauvrissant) au cours de la scolarité, et à l’intérieur desquelles doivent s’élaborer les déductions.

Le mot de « proposition » (dans \(\mathscr{A}\) ou \(\mathscr{G}\)) sera utilisé dans un sens naïf et celui d’« assertion » pour désigner une proposition vraie dans un certain contexte pour celui qui parle, écrit ou lit avec une intention de communication (éventuellement avec lui-même), sens que l’on peut espérer bien partagés 2 :

« \(1,52 > 1,6\) » est une proposition (fausse), « \(12\) est pair », « les carrés sont des rectangles » et « la fonction \(x\longmapsto0,2x-\sqrt{3}\) est affine » sont des assertions ; « \(x\) est rationnel » n’est pas une proposition mais un prédicat 3.

Il y a souvent une ambiguïté du contexte :

ainsi en géométrie, l’énoncé « les points \(\mathsf{A}\), \(\mathsf{B}\), \(\mathsf{C}\) sont alignés » n’est a priori pas une proposition mais il le devient s’il renvoie à des points particuliers d’une figure, modèle d’un problème. De même, si « \(x\) » est introduit dans le discours par : soit « \(x\) un rationnel », alors \((x-1)(x+1)=x^2-1\) est bien une assertion.

Il convient toutefois d’aborder le délicat problème de la vérité avec un brin de provocation. Pour cela, plaçons-nous dans un petit coin du ciel platonicien, assisté d’un petit génie assez omniscient pour savoir que tout ce qui mérite l’appellation de proposition (dans \(\mathscr{A}\) ou \(\mathscr{G}\)) est soit vrai, soit faux : c’est à la fois le tiers-exclu et la non-contradiction. En particulier, il est exclu qu’un tel énoncé puisse être ni vrai ni faux, partiellement vrai ou partiellement faux, possiblement vrai ou presque faux.

Il n’est pas certain que, pour les élèves, les deux règles fondamentales du tiers-exclu et de la non-contradiction en mathématiques soit une évidence tellement leur espace social est traversé d’argumentations plurivalentes et contradictoires ; le « c’est mon choix » s’importe avec facilité en mathématiques. Mais supposons-le. La fonction de \(\mathscr{LE}\) est de valider, par des procédés accessibles aux élèves, les règles d’énonciation du vrai dans \(\mathscr{A}\) ou dans \(\mathscr{G}\) ou dans tout autre contexte local que l’enseignement introduit.

Il existe une logique mathématique « moderne » \(\mathscr{LM}\) — dite calcul des propositions et des prédicats ou logique du premier ordre — exposée par exemple dans [1] ou [2] qui est totalement formalisée et peut donc faire l’objet de théorèmes et surtout de métathéorèmes intéressant les spécialistes et obtenus par des méthodes très … mathématiques.

La logique des propositions, partie de \(\mathscr{LM}\), définit le concept d’implication logique, soit syntaxiquement (avec les axiomes ad hoc), soit sémantiquement par les tables de « vérité » pour le dire brièvement, les deux approches étant « équivalentes » en un sens particulier4. La logique des prédicats définit l’implication universellement quantifiée (dite aussi « formelle ») et introduit les notions de théorème (loi logique), de règle de déduction et de preuve (formelle) ; notons bien que l’aspect sémantique du calcul des prédicats ne peut se faire que via une interprétation, par exemple dans \(\mathscr{A}\). Cette logique est souvent présentée comme servant de fondement aux mathématiques classiques ; mais dans la partie A de [2], Patrick Dehornoy développe (sur 200 pages) une théorie des ensembles qu’il qualifie de « pré-logique » en observant que « comme dans toutes les mathématiques, quelques bribes de logique apparaissent ici ou là, mais uniquement comme une sténographie ».

Première thèse

L’institution considère que le cycle 4 est celui de l’initiation à la démonstration, forme de raisonnement propre aux mathématiques. Nous conviendrons de distinguer preuve et démonstration : « prouver » relève bien du langage courant ; prouver, c’est s’efforcer de rendre évident (nécessaire) pour un interlocuteur. Le contexte est psychologique, social, local, changeant — possiblement — la classe de mathématiques ; au départ d’une preuve, il y a une interrogation, un doute, une objection ; les procédés utilisés peuvent être rhétoriques, visuels (dessin, graphique, diagramme), intuitifs, analogiques, basés sur des cas particuliers (simulations), statistiques (corrélations), inductifs, juridiques, etc. Les preuves scientifiques en font partie avec des spécificités propres à chaque discipline. En mathématiques, pour faire d’une preuve une démonstration, les règles sont codifiées, et prennent place dans un contexte axiomatisé, du moins en théorie.

Résumons: le raisonnement est un bien commun des humains avec, sans doute, une part d’innéité ; l’argumentation est un discours qui cherche à convaincre en s’appuyant, parfois, sur des preuves. La capacité d’argumenter s’acquiert très tôt — dans l’interaction sociale — avec l’usage de la parole. La démonstration doit forcer l’adhésion à la conclusion de celui qui en a accepté les prémisses ; mais une démonstration pertinente se doit aussi d’éclairer la compréhension au-delà du formel sous peine de stérilité. L’accès au discours inférentiel, déjà dans l’argumentation, nécessite un apprentissage dans lequel l’éducation (au sens large) joue un rôle certain. L’usage, avec un minimum de cohérence, des multiples marqueurs de la langue: « et », « ou », « mais », « donc », « car », « ne … pas », « si …, alors », « tous », « aucun », etc. en est le signe.

Certains linguistes de la branche dite pragmatique [3], [4] soutiennent la thèse que les expressions linguistiques du discours argumentatif ne sauraient servir d’illustrations pertinentes aux concepts qu’introduit la logique moderne, y compris avec des étudiants, individus a priori matures. C’est spécifiquement vrai pour les énoncés hypothétiques. On pourrait alors penser qu’en restant dans des contextes comme \(\mathscr{A}\) ou \(\mathscr{G}\), il y a quelque espoir de pouvoir enseigner le sens et le bon usage en mathématiques de certains connecteurs comme « et », « ou », la négation (des propositions), voire les quantifications universelle et existentielle5 ; mais à quel niveau ?

Ce travail sur les éléments logiques jugés utiles au raisonnement mathématique est amorcé au collège, difficilement, sur des matériaux mathématiques modestes mais déjà complexes, avec le peu de succès global que l’on constate en Seconde, cela malgré tout ce qui a pu se publier sur la question.

D’autre part, les enseignants qui ont eu à enseigner dans les années soixante-dix, à une époque où 20 % d’une classe d’âge obtenait le baccalauréat6, les tables de vérité au collège ou en Seconde (comme base du calcul des propositions) et un peu de calcul des prédicats dans la filière C, largement transposé et interprété dans une théorie très naïve des ensembles, témoignent du peu d’influence de ces enseignements sur l’aptitude des élèves à produire des démonstrations correctes, par exemple sur la continuité. Rappelons à nos lecteurs de moins de 60 ans, qu’en Première C, on enseignait la définition de la continuité d’une fonction en un « point » en écrivant au tableau devant des élèves ébahis7 :

\(\forall\ldots\ \exists\ldots\ \forall\ldots\ (\ldots \Longrightarrow \ldots)\)

Et dans les exemples étaient convoqués des raisonnements par conditions suffisantes sur des inégalités… Inutile d’épiloguer sur ce que pouvaient en retirer les élèves ; à l’évidence, on était allé trop loin dans l’excès de formalisme. La disparition complète de tout cela dans les programmes de 1981 n’a pas provoqué d’effondrement des capacités de démonstration des lycéens mais la massification du lycée était en marche.

Deuxième thèse

Commençons par examiner une formulation à l’interprétation peu polémique (?) en mathématiques

              , donc               

Les                sont employés à dessein plutôt que des lettres qui pourraient être interprétées comme des variables propositionnelles comme dans \(\mathscr{LM}\) et porter une connotation formelle : il s’agit ici de places vides destinées à recevoir des assertions de \(\mathscr{A}\) ou \(\mathscr{G}\) car l’intérêt se porte uniquement sur des formulations « concrètes ». Par exemple (avec des abus de langage usuels),

dans \(\mathscr{A}\) :  175 793 132 se termine par 2  ,

               donc  175 793 132 est un nombre pair .

ou encore,

dans \(\mathscr{G}\), au sujet d’un problème particulier :
 ABCD est un parallélogramme , donc  les droites (AB) et (CD) sont parallèles 

Tout d’abord, de telles phrases ne sont pas des propositions mais des énoncés dont la forme est la marque la plus courante de l’inférence, « du particulier au particulier » comme disent les linguistes, « à un pas » disent les enseignants ; sa signification est indubitablement :

il est vrai (c’est la réalité) que \(155793132\) se termine par \(2\), donc il est (aussi) vrai que \(155793132\) est un nombre pair.

dans lequel les « il est vrai que » sont implicites mais nécessairement pensés, autrement dit prémisse et conclusion sont des assertions. Une telle déduction peut être valide ou erronée (la forme ne garantit pas la correction) ; mais celui qui l’énonce est censé exprimer une validité de fait :

il est valide de dire dans \(\mathscr{A}\) : « \(155 793 132\) se termine par \(2\), donc \(155 793 132\) est un nombre pair »

Pour inférer ainsi, il faut être en mesure de le justifier par une référence à ce qu’on appelle un énoncé tiers : une définition (cas du parallélogramme), un théorème fournissant une condition suffisante de parité, une proposition antérieurement déduite, voire un axiome (difficile à voir dans la scolarité actuelle).
Qui oserait valider l’inférence suivante :

« \(3 123\) se termine par \(3\), donc \(3 123\) est un multiple de \(3\) ».

Convenons qu’il est utile de conserver, et du contenu et de la causalité dans l’utilisation du modèle               , donc               . Une bonne déduction ne saurait être que formelle. Nous reviendrons plus loin sur le lien avec le modus ponens.

Continuons avec une autre formulation usuelle du discours mathématique qui est plus problématique

si               , alors               

Ouvrons un livre de Cinquième (programme 2008); y figure sans figure ce qui est appelée une propriété8 :

si deux droites sont perpendiculaires à une même troisième, alors elles sont parallèles.

Dans un livre de Cinquième de 1947, on trouve exactement la même formulation, dûment appelée théorème, accompagnée d’un dessin (avec des équerres figurant la perpendicularité) et suivie d’une démonstration.

Un coup de force théorique ?

Pour un logicien classique, qu’il soit philosophe du langage, psychologue cognitiviste ou didacticien des mathématiques, les choses sont sans ambiguïté : prise dans son entièreté, la phrase est une instance d’implication logique, qui ne dénote rien d’autre que ce qu’en dit sa table de vérité. On ne s’occupe ni de \(A\), ni de \(B\) mais de « \(A\Longrightarrow B\) », d’ailleurs lue « si \(A\), alors \(B\) ».

Quelles sont les raisons qui motivent, en particulier certains de nos collègues didacticiens, dans cette volonté de dissoudre le discours inférentiel mathématique dans la logique formelle ?

Il semble que la principale soit la certitude, peu discutée, que la logique formelle est nécessairement présente (certes sous forme d’interprétation) dans les mathématiques, y compris scolaires. En particulier l’implication logique, seule capable de valider l’inférence via la règle du modus ponens. Cet a priori posé, on «prouve» que l’implication logique n’est pas bien maîtrisée par certains groupes (dont les enseignants) à l’aide de questionnaires basés sur des raisonnements implicatifs à prémisse fausse: tâche de Wason, circuits de Legrand [5], labyrinthe d’EVAPM [6] et, bien sûr, les énoncés contrefactuels. L’échec à ce type de tâches est interprété comme un défaut de compréhension de l’implication donc (!) un handicap à la pratique du raisonnement mathématique.

S’il advenait qu’un enseignant proteste au sujet de l’intérêt de prendre en considération dans sa pratique une implication à prémisse fausse, il est classique de mettre en avant une implication universelle vraie du type

\(\forall\,x\in\mathbb{R}\), \((x<-1 \Longrightarrow x^2>1\))

et d’observer qu’avec \(x=0\), on obtient
\((0<-1\Longrightarrow 0>1)\), ce qui semble imparable en oubliant juste que, pour démontrer la dite implication, chacun suppose \(x<-1\). Par ailleurs, personne n’écrit une telle implication qui ne dit, de façon alambiquée, rien d’autre que, \(\forall\,x\in]-\infty ; -1[,\ x^2>1\). Où est \(0\) ?

Une anecdote s’impose :

en 1973, dans une classe de Quatrième d’un pays chaud, classe qu’on pouvait qualifier d’élite, et à l’issue d’un magistral cours magistral sur les tables de vérité, un élève japonais particulièrement brillant fit remarquer que, s’il comprenait bien l’utilité des deux premières lignes de la table de l’implication, il ne voyait pas à quoi les deux dernières lignes (FVV-FFV) pouvaient servir. L’enseignant, novice, est resté sans voix. Il pourrait dire aujourd’hui : « à répondre à des tests ».

Mais que peut dire cet énoncé, déjà compliqué, à un élève ? Raisonnablement que: (si) les informations disponibles au sujet d’un problème particulier (hypothèse d’énoncé, définition, déduction antérieure) permettent de dire qu’il est vrai que les deux droites particulières de la figure sur laquelle il réfléchit sont perpendiculaires à une même troisième (particulière), (alors) il peut affirmer qu’il est vrai que ces deux droites sont parallèles.
Et pour démontrer ce théorème, depuis que la géométrie est étudiée déductivement, soit plus de 2000 ans en certains lieux, on suppose que \(D_1 \perp \Delta\) et que \(D_2 \perp \Delta\) et on démontre, dans \(\mathscr{G}\), que \(D_1 \parallel D_2\). Et si \(\mathscr{G}\) est trop pauvre pour cela, le théorème devra être admis, ce qui n’est pas en soi un problème, mais si tous les théorèmes sont admis ?
Ce que dit ce théorème à un élève peut-il être autre chose que ce qu’en dit la démonstration, soit:

« si ‘vrai’, alors nécessairement ‘vrai’ »

La médiatrice et la hauteur abaissées sur le même côté d’un triangle sont perpendiculaires à ce côté (par définitions), donc (en vertu du théorème précédent) elles sont parallèles.

Au travers de cette utilisation, un théorème énoncé sous la forme

« si               , alors                »

apparaît aussi comme un permis de déduire une assertion d’une autre assertion, toujours à l’intérieur d’une certaine théorie. C’est un certificat de validité, délivré par \(\mathscr{LE}\), de l’énoncé obtenu en remplissant les cases vides dans «               , donc                ». C’est une version directe du modus ponens.

Ainsi pragmatiquement analysée, la formulation « si               , alors                » a-t-elle vraiment besoin d’être modélisée par le connecteur d’implication ? Que peut y gagner l’élève ? Ne fonctionne-t-elle pas plutôt comme un « relateur », une structure linguistique qui met en relation orientée la vérité de deux propositions dans une mini-théorie, la validité de cette mise en relation reposant sur une démonstration qui en explicite les raisons mathématiques. Et cette explicitation des raisons semble indispensable à cultiver pour l’intelligence de la matière.

Si on accepte sans discussion l’implication logique, alors il faut accepter que « \(3 123\) se termine par \(3\) » implique « \(3 123\) est un multiple de \(3\) » ; et le modus ponens nous oblige à accepter l’inférence « \(3 123\) se termine par \(3\), donc \(3 123\) est un multiple de \(3\) ». Que dit-on à l’élève ? Que c’est « logique » ?

Pour ce relateur « si                , alors                », la forme n’est pas non plus la garantie du fond. Chaque enseignant ne le sait que trop bien : les deux places sont spontanément interverties selon les besoins et en toute sincérité sans que les démonstrations et contre-exemples aient un impact suffisant. Existe-t-il d’autres solutions que de corriger inlassablement la confusion, éventuellement avec quelques exemples de référence comme

« si équilatéral alors isocèle »
ou « si isocèle alors équilatéral » ?

béquille qui s’avère, à la longue, avoir quelque efficacité à bac+2 et aussi, heureuse surprise, sur la distinction entre le nécessaire et le suffisant.

Conclusion partielle

Il convient de distinguer les deux ordres du discours : celui d’une logique argumentative et celui d’une logique de la déduction ; le problème de la négation en illustre le caractère crucial. Travailler uniquement dans des contextes mathématiques en « laissant les questions de parapluie au vestiaire » semble une nécessité. Une telle déclaration ne supprime pas les interactions et les « mal entendus » qu’il faudra bien gérer sur le très long terme et ce d’autant plus que la langue essentiellement utilisée en mathématiques est la langue courante.

L’identification du «si …, alors …» des mathématiques et de l’implication logique peut paraître naturelle depuis les travaux des logiciens du XIXe siècle mais ne correspond ni aux pratiques des enseignants de tous niveaux ni à celles des mathématiciens depuis Euclide qui n’ont pas attendu Georges Boole pour utiliser le raisonnement par l’absurde ou la conséquence admirable [7], [8]. La logique formelle (et ses signes) reste fort discrète dans la plupart des ouvrages de niveau universitaire mais, bien sûr, les démonstrations y sont omniprésentes comme si la logique utile était naturellement déjà là dans les objets étudiés.

Dans [1], les auteurs ne manquent pas de pointer, sur le ton de la plaisanterie, les diverses conséquences de la nécessaire définition vérifonctionnelle de l’implication logique et de les commenter. On y trouve aussi un sage précepte, tout plein d’humilité de la part de logiciens professionnels :

pour apprendre le raisonnement mathématique,
étudions les mathématiques.

Références

  1. René Cori et Daniel Lascar. Logique mathématique, Tome 1. . Dunod, 2003.  

  2. Patrick Dehornoy. La théorie des ensembles. . Calvage & Mounet, 2017.

  3. Marion Carel. « Notion d’inférence valide : quelques remarques sur l’enseignement du calcul propositionnel classique ». In : Mathématiques et Sciences humaines. N°130 (1995). Disponible sur Numdam , p. 43-59.

  4. Marion Carel. « L’argumentation dans le discours : argumenter n’est pas justifier ». In :  Langage et Société N°70 (1994). Disponible sur Persee .

  5. Marc Legrand. « « Circuit » ou les règles du débat mathématique ». In : Enseigner autrement les mathématiques en Deug A première année. Sous la dir. de Commission Inter-Irem Université. Disponible sur Publimath . 1990, p. 129-161.

  6. Antoine Bodin. Évaluation des programmes de mathématiques Seconde 1991. Disponible sur le site de l’APMEP . APMEP, 1992.

  7. Jean-Louis Gardies. Le raisonnement par l’absurde. . PUF, 1991.

  8. Gilbert Arsac. « La démonstration: une logique en situation? ». In : Actes du séminaire national de didactique des mathématiques. Sous la dir. d’IREM de Paris et ARDM. Disponible sur Publimath . 2009, p. 243-266.

  9. Commission Inter-Irem Histoire et Épistémologie des mathématiques. La démonstration mathématique dans l’histoire. . IREM de Lyon et IREM de Besançon, 1990.

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François Boucher, à la retraite depuis quelques années, continue de s’intéresser aux mathématiques et à leur enseignement.


  1. C’est-à-dire la logique, partie des mathématiques, qui s’est élaborée depuis 1850 environ et qui peut être présentée comme fondement des mathématiques standard.

  2. La terminologie est fluctuante, surtout autour du concept de « proposition » qui n’est pas simple. Ceci a quelque chose d’agaçant.

  3. Avec un glissement métonymique à la clef : le prédicat est plutôt le syntagme verbal « est rationnel » ; l’appellation parlante de « fonction propositionnelle » semble tombée en désuétude.

  4. Sens développé dans le complément numérique.

  5. La question de l’implication va être abordée dans la suite.

  6. 84 % aujourd’hui, dont une moitié de bacs généraux.

  7. À l’exception probable d’un Jean-Christophe Yoccoz.

  8. Le mot « théorème » semble absent du livre, peut-être parce qu’il n’y a pas de démonstration des innombrables propriétés citées ; on ne le retrouve qu’en Quatrième et en deux occasions seulement. Deux théorèmes en deux ans !


Pour citer cet article : Boucher F., « Petite enquête sur… la logique dans la scolarité », in APMEP Au fil des maths. N° 544. 7 novembre 2022, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/petite-enquete-sur-la-logique-dans-la-scolarite-2/.

Une réflexion sur « Petite enquête sur… la logique dans la scolarité »

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