Histoires de calcul infinitésimal
De l’étude des courbes aux dérivées
et aux intégrales

sous la direction de Guillaume Moussard
Ellipses – collection IREM, 2022
Épistémologie et Histoire des mathématiques
ISBN 978-2-340-07315-9
280 pages
38 €

© APMEP Juin 2023

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Histoires de calcul infinitésimal : de l’étude des courbes aux dérivées et aux intégrales est le dernier ouvrage paru dans la collection IREM — Épistémologie et Histoire des mathématiques chez Ellipses, collection dans laquelle sont parus d’autres ouvrages directement en lien avec des contenus des programmes de lycée comme par exemple Histoires de logarithmes ou encore Histoires de probabilités et de statistiques.

Cet ouvrage propose dix chapitres qui abordent des notions importantes des programmes de lycée et de la première année post-bac :

  1. Méthodes infinitésimales à l’aube du calcul différentiel (E. Claisse).
  2. La « nouvelle analyse » d’Isaac Newton (G. Moussard).
  3. L’invention de Leibniz : un calcul pour l’intelligence des lignes courbes (S. Bella).
  4. Les fonctions logarithmes et exponentielles : quatre siècles d’histoire (G. Moussard).
  5. L’exponentielle avant l’exponentielle, autour de 1690 (F. Goichot et J.-P. Lubet).
  6. La série de Taylor pour définir les fonctions dérivées (B. Eychenne).
  7. Du calcul des intégrales elliptiques à la théorie des fonctions elliptiques (A.-J. Glière).
  8. Quand le calcul infinitésimal passe à la limite (B. Eychenne).
  9. Définir l’intégrale : une nécessité, des élaborations (E. Haffner).
  10. Enseigner l’analyse dans le secondaire (1794-1902) (H. Renaud).

Plusieurs de ces chapitres éclairent les items d’histoire des programmes d’analyse de spécialité mathématiques du lycée général. Ils montrent l’intérêt d’aborder les notions en classe en les situant dans leur contexte. Certains extraits de textes peuvent donner des idées pour construire des activités. Mais avant tout, ces chapitres permettent de prendre du recul sur les contenus enseignés, de comprendre la genèse des notions comme celles de dérivée, de fonction exponentielle, de fonction logarithme, de savoir à quels problèmes elles ont initialement répondu, de mieux connaître les liens entre elles. En particulier, l’ordre dans lequel les notions sont enseignées actuellement est bien différent de celui dans lequel elles sont apparues.

La lecture de l’ensemble de l’ouvrage explicite la phrase du programme de Terminale : « Le calcul infinitésimal, qui contient les fonctions usuelles, le calcul différentiel et intégral ont historiquement précédé la notion de limite qui en donnera des fondements rigoureux. » De plus, les élèves ne voient plus les courbes que comme représentatives de fonctions : la lecture de l’ouvrage nous rappelle que les fonctions vont émerger pour étudier des courbes. Le rôle de la géométrie est ainsi mis en avant. Cette géométrie, qui occupe une petite place dans les programmes actuels, a pourtant bien été première dans les questionnements qui ont donné naissance à l’analyse : la recherche de quadratures et celle des tangentes à une courbe.

Le premier chapitre du livre présente justement ces types de problèmes et détaille les réponses apportées avant la naissance du calcul infinitésimal. Sur des exemples, il montre différentes démarches et types de démonstrations : raisonnement par l’absurde, méthode d’exhaustion, méthode des indivisibles de Cavalieri, méthode des cercles tangents de Descartes. Tous ces exemples illustrent une partie de l’item d’histoire des mathématiques du programme de Terminale : « On trouve des anticipations du calcul intégral chez Archimède (longueur du cercle, quadrature de la parabole, cubature des solides), Liu-Hui (volume d’un cylindre), Ibn al-Haytham (volume d’un paraboloïde) puis, bien plus tard, chez Grégoire de Saint-Vincent (méthode d’exhaustion) ou encore chez Galilée ou Cavalieri (méthode des indivisibles). »

Les chapitres 2 et 3 présentent respectivement les travaux de Newton et de Leibniz. Ils permettent de comparer les méthodes des deux mathématiciens, les contextes dans lesquels ils fondent leurs calculs, les notations qu’ils mettent en place — et que nous utilisons encore… le $\mathrm{d}x$ de Leibniz en sciences physiques pour la dérivée $\mathrm{d}y/\mathrm{d}x$ et en mathématiques dans la notation de l’intégrale d’une fonction, les $\dot{x}$ et $\ddot{x}$ de Newton pour la vitesse et l’accélération.

Alors que dans les programmes actuels, la fonction exponentielle est introduite en Première comme la solution de l’équation différentielle $y’=y$ telle que $y(0)=1$, puis la fonction logarithme en Terminale comme réciproque de la fonction exponentielle, les items d’histoire indiquent que « la notation exponentielle et les fonctions exponentielles apparaissent vers la fin du XVIIe siècle, procédant d’une volonté de traiter des phénomènes de croissance comparables à ceux des intérêts composés » en Première et que « les procédés par lesquels les mathématiciens ont construit et tabulé le logarithme et les fonctions trigonométriques illustrent les liens entre discret et continu et fournissent une source féconde d’activités » en Terminale.

Les chapitres 4 et 5 clarifient ces points. Les multiples contextes mathématiques dans lesquels se développent les notions de logarithmes et exponentielles sont exposés.

Les chapitres suivants intéresseront particulièrement les enseignants du post-bac en abordant des contenus enseignés dans le supérieur : le développement en série de Taylor et les fonctions elliptiques. Nous y découvrons la définition de la fonction dérivée par Lagrange sous un aspect différent de celle donnée au lycée comme limite du taux d’accroissement. En effet, voulant éviter le recours aux infiniment petits et à la limite, Lagrange fonde la définition de ce qu’il note $f’x$, $f'{}’x$, etc. sur les coefficients du développement de la fonction en série de Taylor.

Les chapitres 8 et 9 offrent une réflexion sur la construction de la rigueur mathématique en analyse sur les exemples de la notion de limite et de celle d’intégrale. Sur le calcul différentiel, le passage des infiniment petits et des quantités évanouissantes à l’idée intuitive de limite jusqu’à sa définition actuelle est illustré par les travaux, entre autres, de d’Alembert, Carnot, Cauchy et Weierstrass. Le chapitre suivant se concentre sur la question de l’intégrabilité des fonctions avec l’utilisation de l’intégrale dans les séries de Fourier, la définition de l’intégrale de Cauchy, les travaux de Dirichlet et enfin l’intégrale de Riemann, la plus classique dans l’enseignement universitaire actuel.

Enfin, si l’enseignement de l’analyse va maintenant de soi — et est même très majoritaire dans l’enseignement mathématique au lycée — il n’en a pas toujours été ainsi. Le chapitre 10 présente les étapes de sa mise en place depuis la fin du XVIIIe siècle, à partir duquel il reste longtemps réservé à une élite avant de se démocratiser au XXe siècle.

En conclusion, les contenus de cet ouvrage constituent de bons éléments de formation pour les enseignants et enseignantes du lycée et des premières années de post-bac. Ils permettent de prendre du recul sur nos enseignements, de mieux aborder les notions avec les élèves en les contextualisant et même d’enrichir certaines notions en vue d’une présentation au Grand Oral, par exemple. Pour aller plus loin dans le même domaine, le lecteur ou la lectrice pourra aussi consulter les ouvrages de la même collection : Textes fondateurs du calcul infinitésimal paru en 2006 et Aux origines du calcul infinitésimal paru en 1999.

Pour citer cet article : Chevalarias N., « Histoires de calcul infinitésimal », in APMEP Au fil des maths. N° 548. 13 septembre 2023, https://afdm.apmep.fr/rubriques/temps/histoires-de-calcul-infinitesimal/.

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