Le développement durable
à partir de tâches complexes
Introduites en juillet 2020 dans les modifications des programmes de mathématiques, « les problématiques liées au développement durable, au changement climatique et à la biodiversité (…) [sont] au cœur des préoccupations »1 et font écho auprès de nos élèves pour s’investir en cours de mathématiques et agir pour la préservation de la planète. Stéphanie Thinet nous propose sur ce thème des tâches complexes réalisées avec ses élèves de collège.
Stéphanie Thinet
© APMEP Mars 2022
⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅
En août 2020, je me suis demandé sous quelle forme introduire le développement durable dans ma progression. En effet, si le sujet me touche à titre personnel, je n’avais encore réussi que ponctuellement à l’investir dans mon enseignement. Pourtant, mon collège a été précurseur en la matière et est à présent labellisé E3D niveau 3.2
C’est dans ce contexte que j’ai décidé de rédiger quelques exercices, en essayant d’avoir des sujets variés tels que la biodiversité, l’eau, l’énergie, le numérique et les déchets. Mon objectif était double: non seulement faire travailler les élèves sur des notions mathématiques mais aussi susciter un questionnement individuel en tant que citoyen du monde. J’ai choisi de ne pas faire des exercices d’application, mais de partir de données presque brutes collectées sur divers sites pour écrire plusieurs tâches complexes. Ces dernières seront faites indépendamment de la progression, ce qui permet aux élèves de réinvestir des notions vues auparavant et de pouvoir débattre du problème tout en travaillant certaines des six compétences majeures de l’activité mathématique (chercher, modéliser, représenter, raisonner, calculer, communiquer).
Dans notre établissement, nous avons choisi en équipe de mettre des moyens horaires pour dédoubler les classes de Quatrième. Ces heures en demi-groupe sont propices à la réflexion des élèves. En effet, elles sont souvent plus calmes et permettent davantage la concentration nécessaire à l’élaboration d’une démarche. De mon côté, je suis plus disponible pour l’évaluation des compétences, en particulier pour apprécier la recherche individuelle des élèves. J’essaie de faire une tâche complexe par période. C’est une séance en décroché permettant de réinvestir des notions abordées auparavant. Par exemple, une tâche complexe nécessitant un calcul de volume ne sera pas faite lors de la même période que le cours sur les volumes.
Un exemple : rentabilité d’une chasse d’eau
Lors d’une séance d’une heure en demi-groupe, avec une douzaine d’élèves, j’ai proposé cette tâche complexe sur la rentabilité d’une chasse d’eau double flux. Après la distribution des énoncés, un élève a lu à voix haute l’ensemble des documents puis des explications ont été données sur le vocabulaire inconnu et sur la compréhension du texte de l’ADEME3. Avant le début de la recherche, j’ai aussi expliqué aux élèves de quelle manière j’allais évaluer les compétences. Pour la compétence «communiquer», j’ai précisé les quatre critères attendus. Pour la compétence «calculer», j’ai simplement indiqué que j’allais observer si les calculs étaient corrects. Le degré d’acquisition est entré sous la forme d’une couleur dans le logiciel de gestion des notes et permet un suivi de l’élève sur les compétences de mathématiques tout au long de l’année.
Calculer |
|
Un seul résultat cohérent | Un résultat correct | Tous les calculs sont corrects |
Communiquer |
|
Au moins 2 critères | Au moins 3 critères | Présence de l’ensemble des critères |
Figure 2. Ma grille d’évaluation des compétences.
Chaque élève a ainsi pu démarrer individuellement la résolution du problème. Quelques-uns ont ensuite voulu poursuivre le travail en équipe mais je ne l’ai autorisé que s’ils avaient commencé avec la même démarche de résolution.
En effet, différentes approches ont été utilisées :
-
Certains ont débuté en cherchant l’économie minimale en un an puis ont utilisé la proportionnalité pour déterminer au bout de combien de temps l’économie était de ;
-
d’autres ont calculé le volume d’eau économisé par jour ;
-
une élève a choisi de chercher la rentabilité pour une personne seule. En effet, je n’ai pas précisé dans l’énoncé le nombre de personnes dans le foyer qui achèterait cette chasse d’eau… Je l’ai encouragée dans cette voie en la rassurant sur la justesse de son raisonnement.
Résolution
Au bout d’une dizaine de minutes, j’ai autorisé la constitution de binômes à condition que l’approche ait été la même. Ainsi, la plupart des élèves se sont mis avec un camarade.
Quand les élèves commencent leur recherche sur des tâches complexes, il m’est difficile de ne pas être tentée d’orienter les élèves qui partent dans une mauvaise direction : beaucoup d’élèves ont pris le tableau de conversions de volume pour convertir des m3 en L ou inversement…
Quand tous ont débuté, je me déplace dans la classe et je remarque régulièrement des démarches qui me surprennent. Au début de l’année, les élèves s’imaginent souvent que ce n’est pas bien s’ils n’ont pas suivi la même méthode que les autres mais nous travaillons souvent sur ce point en calcul mental, en présentant différentes procédures et je leur indique souvent que le plus important est qu’ils comprennent au moins une façon de faire. Ensuite, ils sont fiers de trouver avec leur propre cheminement.
Sur ce problème de rentabilité, la question de départ étant volontairement ouverte, certains ont répondu avec un nombre de jours, d’autres de semaines ou encore de mois. Il était intéressant de voir que les élèves qui étaient vraiment bloqués ont bénéficié d’une aide ponctuelle d’un camarade ; et tous ont ainsi pu résoudre le problème dans la séance. Au bout de 30 à 40 minutes de recherche, nous avons comparé les résultats en précisant rapidement à l’oral les différentes méthodes utilisées.
Nous nous sommes aussi attardés sur le résultat obtenu par l’élève qui a cherché la rentabilité avec une seule personne à la maison : résultat qui était donc 4 fois plus grand que celui de ses camarades. Cela m’a permis de réexpliquer que le raisonnement m’intéresse plus que la réponse. J’ai ensuite lancé un débat sur l’utilité des décimales pour un résultat comme «2,78 mois». J’ai repris les feuilles pour indiquer le niveau de maîtrise des compétences en fonction des aides apportées et des résultats ou démarches obtenus seuls. J’ai ainsi évalué les compétences des élèves et je leur ai précisé leur positionnement durant la séance.
Dans les dernières minutes de cours, les élèves ont débattu de l’utilité d’acheter une chasse d’eau double flux pour les habitations non reliées au réseau d’eau mais disposant d’une source. Il n’était donc plus question d’économie personnelle mais bien d’économie d’eau pour préserver la planète et les élèves ne se sont pas posé la question longtemps : économie d’argent ou non, le plus important pour eux est de sauvegarder les ressources !
Conclusion
Voilà un bilan que je ne peux qu’approuver, tant du point de vue mathématique qu’écologique. D’autres tâches complexes ont été faites, à partir d’autres sujets, notamment sur la biodiversité ou encore sur la pollution numérique. Du point de vue des mathématiques, les élèves sont moins anxieux face à ce type d’activité après deux ou trois tâches complexes. Quant à la prise de conscience écologique, ces tâches complexes y font écho auprès de nos élèves et ils se sentent encouragés à s’investir dans la discipline pour mieux comprendre de quelle manière ils peuvent agir pour la planète.
Vous trouverez ici d’autres tâches proposées par Stéphanie Thinet.
⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅
Stéphanie Thinet enseigne les mathématiques au collège Hubert Curien de Cornimont (88).
Une réflexion sur « Le développement durable à partir de tâches complexes »
Les commentaires sont fermés.