À propos de mots…

Dans le numéro 541 d’Au fil des maths, Véronique Cerclé et Sonia Calvel-Grazi ont souhaité partager leurs réflexions autour de l’usage des mots produit, quotient, base. Un professeur retraité réagit à cet article.

Yves Ménabréaz

© APMEP Mars 2022

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L’article appelle à un partage de réflexions autour de l’usage des mots produit, quotient, base. Partant du constat que la définition du produit comme résultat d’une multiplication ne permet pas aux élèves de répondre aisément à l’exercice «Entoure les produits parmi : \(15\)\(3\times5\) ; \(8+7\)», Véronique Cerclé remet en cause la définition du produit et la remplace par «Un produit est une écriture sous la forme d’une multiplication (forme \(A\times B\). Si cette définition permet sans doute d’obtenir la réponse attendue à l’exercice cité, elle a l’inconvénient de reporter le mystère sur la notion d’écriture, ce qui pourrait bien poser d’autres difficultés aux élèves.

Ainsi, avec la nouvelle définition, quelles seront les réponses et raisonnements des élèves à l’exercice « Entoure les produits parmi : les produits parmi : \(2\times3\) ; \(\mathsf{e}\,\mathsf{x}\,\mathsf{o}\) ; \(2\times3\times4\) ; 🙂 \(\times\) 🙁 »?

Il me semble difficile de modifier la définition du produit qui est simple et admise par tous : c’est cette définition qu’il nous faut transmettre. Wikipédia ou un moteur de recherche consulté par un élève fournira cette définition. Dans la situation étudiée, il me semble que c’est la consigne qu’il faut modifier. Elle devrait être remplacée par : «Entoure les nombres qui sont écrits sous forme de produits», en expliquant au préalable qu’un nombre \(n\) est écrit sous forme de produit lorsqu’on écrit \(n=A\times B\)\(A\) et \(B\) sont des nombres, c’est-à-dire peu ou prou ce que Véronique Cerclé propose comme définition du produit.

Les réflexions menées sur le mot base par Sonia Calvel-Grazi qui conduisent à le remplacer par le mot côté relèvent de la même démarche : remettre en cause des choix terminologiques consacrés par la tradition pour une formule de calcul d’aire afin de résoudre des problèmes de compréhension des élèves. La requête «formula for area of a triangle» sur Google a pour réponse : «The formula for the area of a triangle is  \(\dfrac{1}{2}\times\mathrm{base}\times\mathrm{height}\). This formula can be more easily written as \(\text{Area}= \dfrac{1}{2}\,bh\). The formula of \(\text{Area}=\dfrac{1}{2}bh\) works for all triangles, no matter what size or shape.»

On peut en déduire que le monde entier use de la terminologie remise en cause. Peut-on dès lors la changer ?

Entre la formule et l’élève, il y a l’enseignant ou l’enseignante. La tâche de l’enseignant ou l’enseignante est précisément d’expliquer que parler de base (et de hauteur correspondante) relève d’un choix, celui d’un des trois côtés du triangle et que trois calculs sont possibles menant à un même résultat. Ce sera sans doute une découverte pour la plupart des élèves et on pourra donner du sens à tout cela en découpant un triangle dans du papier et en le faisant manipuler et changer de position. Bien entendu il arrive que les choix de terminologie consacrés par le temps ne soient pas les plus judicieux mais cela aussi l’enseignant peut le dire aux élèves.

En conclusion : les mots produit, quotient et base sont des termes élémentaires que l’élève rencontre très tôt, dont le sens est universellement et définitivement fixé, ce qui rend problématique leur remise en cause par la didactique. Le risque pris n’est-il pas celui de troubler les élèves qui pourraient rencontrer, d’un enseignant à l’autre, des définitions fluctuantes ?

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Yves Ménabréaz est un professeur de lycée à la retraite.

Pour citer cet article : Ménabréaz Y., « À propos de mots … », in APMEP Au fil des maths. N° 543. 26 octobre 2022, https://afdm.apmep.fr/num/543/a-propos-de-mots-2/.