Math & Manips pour le secondaire supérieur :
problèmes d’optimisation
La revue Losanges de nos amis belges a publié en 2014 cet article. Il s’agit de quatre situations accessibles dès la classe de 1re, la dernière d’entre elles à destination des élèves ayant choisi la spécialité mathématique et demandant de construire un solide de volume maximum.
Les élèves sont amenés à manipuler pour mieux percevoir les enjeux mathématiques, ici l’optimisation.
Nous avons choisi de ne publier que les trois premiers problèmes mais vous pouvez lire le 4e (construction d’un cône) dans la revue numérique.
Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht, Patricia Van Geet,
Sylvie Vansimpsen & Isabelle Wettendorff
© APMEP Décembre 2019
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Introduction
Math & Manips et modélisation
En Belgique comme ailleurs, la transition de l’enseignement primaire vers l’école secondaire est problématique à de nombreux niveaux. En mathématiques, on observe un glissement des mathématiques concrètes issues du monde sensible vers une formalisation de plus en plus importante. Pour beaucoup d’élèves, ce cap est très difficile à franchir.
Alors qu’aux cours de sciences l’aspect expérimental a été réintroduit pour les élèves du degré supérieur du secondaire1, le cours de mathématiques a tendance à devenir de plus en plus abstrait au fur et à mesure de la progression dans le cursus.
Notre projet vise à réintroduire dans les classes du secondaire un espace où les liens entre le concret et les modèles mathématiques émergent des manipulations physiques réalisées par les élèves et où ces modèles deviennent une nécessité pour traiter les problèmes posés plutôt qu’une donnée pré-existante. Ce sont ces activités que nous appelons Math & Manips.
Le contexte dans lequel les élèves évoluent lors de la réalisation d’une Math & Manip les amène tout naturellement à entrer dans des démarches où la modélisation prend tout son sens. En effet, notre volonté de confronter les conceptions des élèves avec le vécu expérimental puis d’en faire naître un modèle mathématique nous conduit à explorer diverses étapes d’un processus de modélisation telles que : conjecture, protocole, expérimentation, interprétation des résultats, construction d’un modèle, validation, comparaison entre résultats théoriques et expérimentaux, exploitation du modèle… Ainsi s’est imposée la conviction que nous ne pouvions dissocier ces activités de la composante modélisation.
Quatre problèmes
Cet article propose quatre problèmes d’optimisation destinés à la fin du secondaire, soit à une classe de 1re en France. Le contexte est géométrique, il s’agit dans chacun des cas de construire un solide de volume maximum, à partir d’une feuille de papier, en tenant compte de certaines contraintes. À chaque fois, une manipulation de courte durée permet aux élèves de mieux percevoir quels sont les enjeux d’un tel type de problème. Chaque situation a été choisie pour faire apparaître une difficulté spécifique, faire naître une réflexion, susciter une discussion. Dans une séquence sur l’optimisation, ces problèmes trouvent leur place entre d’autres exercices issus de contextes complètement différents.
Dans les trois premiers, accessibles aux élèves de toutes les sections, il s’agit de construire une boîte parallélépipédique de volume maximum à partir d’un développement particulier découpé dans une feuille de papier de format A4.
Le premier, très classique, ne présente aucune difficulté, ni dans le choix de la variable, ni dans la construction de la fonction. Nous présentons ici la possibilité de l’utiliser comme introduction à la dérivée. Son objectif essentiel est d’aider l’élève à comprendre l’essence de l’optimisation et ensuite, à percevoir l’efficacité de l’outil dérivée.
Le deuxième problème présente une première difficulté car deux variables s’introduisent naturellement au départ, tout en étant liées par une contrainte imposée par la construction.
Quant au troisième, il montre que le recours à la dérivée ne fournit pas toujours la solution attendue et attire l’attention sur la nécessité d’une preuve.
Le dernier problème est plutôt destiné aux élèves des sections de « mathématiques pour scientifiques ». Il a pour objet la construction d’un cône de volume maximum à partir d’une feuille circulaire dont on retire un secteur. L’enjeu est ici de faire voir aux élèves à quel point un choix judicieux de la variable indépendante peut simplifier les calculs.
Des réflexions sur des facteurs qui nous semblent influer sur l’activité des élèves, comme la formulation de la question ou de la consigne, ou encore l’ordre dans lequel les exercices sont proposés, seront également menées au cours des activités qui suivent.
La boîte sans couvercle
Chaque élève reçoit quelques feuilles de papier de format A4. On leur indique les dimensions de la feuille, respectivement \(21\,\text{cm}\) et \(29,7\,\text{cm}\) pour la largeur et la longueur, puis on leur demande de découper un carré dans chacun des coins de cette feuille pour construire une boîte parallélépipédique sans couvercle et d’en calculer le volume.
Dans un deuxième temps, on leur demandera de construire par ce procédé la boîte dont le volume est le plus grand possible.
Ce problème, très classique, se trouve dans de nombreux manuels, assorti d’un schéma, voire d’un dessin en perspective de la boîte, et bien souvent la longueur du côté du carré découpé est déjà notée \(x\) sur la figure. La question est du type « Quelle est la longueur du côté du carré qu’il faut découper pour obtenir la boîte de volume maximal ? ». Posé sous cette forme, le problème élude complètement la phase de modélisation, de nombreux élèves ne voient pas comment la boîte est construite, n’imaginent pas la diversité des boîtes qu’on peut obtenir et n’ont pas idée de l’allure de la fonction qui donne le volume. Pour ces élèves, la question de trouver la boîte de volume maximal est vide de sens.
Le recours à la manipulation aide de nombreux élèves à se représenter la situation. La consigne ne précise pas que les carrés découpés doivent être identiques. C’est la manipulation qui montre que c’est nécessaire pour obtenir une boîte parallélépipédique.
Les élèves s’aperçoivent de la diversité des boîtes obtenues en comparant leurs constructions et constatent que les volumes calculés sont différents. Pour calculer le volume d’une boîte, il faut, soit mesurer, soit calculer ses trois dimensions. En construisant la boîte, les élèves remarquent assez facilement que la longueur du côté du carré découpé correspond à la hauteur de la boîte et que la largeur et la longueur de cette boîte valent respectivement \(21\,\text{cm}\) et \(29,7\,\text{cm}\) diminués du double de cette hauteur.
La longueur du côté du carré découpé s’impose assez naturellement comme la variable, notée \(x\), en fonction de laquelle on exprimera les dimensions de la boîte et son volume (figure 1).
Nous aurons alors les relations \(h = x\), \(\ell = {21}-2x\), \(L = {29,7}-2x\) qui fournissent respectivement les expressions de la hauteur, de la largeur et de la longueur de la boîte ; le volume V sera obtenu par la formule \(V = h \cdot \ell \cdot L\).
On peut dès lors ébaucher un tableau reprenant les dimensions de quelques boîtes déjà construites et la valeur de leur volume.
côté du carré en cm \(x\) |
hauteur en cm \(h\) |
largeur en cm \(\ell\) |
longueur en cm \(L\) |
volume en cm3 \(V\) |
2 | 2 | 17 | 25,7 | 873,8 |
3 | 3 | 15 | 23,7 | 1 066,5 |
5 | 5 | 11 | 19,7 | 1 083,5 |
Au vu des premiers résultats, on peut avoir l’impression que le volume augmente sans cesse quand \(x\) augmente. Cette conception est fortement présente chez les élèves et reste souvent très prégnante, ce qui entrave généralement une vraie compréhension du principe de l’optimisation au profit de l’application de techniques calculatoires.
Cette impression est mise en défaut dès qu’on regarde ce qu’il advient lorsqu’on découpe un carré beaucoup plus grand. Par exemple, si \(x = {9}\), \(h = {9}\), \(L = {11,7}\) et \(\ell = {3}\), on obtient \(V = {315,9}\).
Dans la pratique, certains élèves ont commencé par découper un carré de \(1\,\text{cm}\) de côté, ont noté le volume de la boîte obtenue, puis dans la même feuille ont découpé un carré de \(2\,\text{cm}\) de côté et ainsi de suite. Ils se sont étonnés de ce que le volume augmente d’abord pour diminuer ensuite. Une élève, persuadée que le volume était fonction croissante de \(x\), voulait découper un carré de \(10,5\,\text{cm}\) de côté. Il a fallu lui demander de construire la boîte pour qu’elle se rende compte de ce qui se passait.
Dans une autre classe, les élèves ont construit des boîtes variées (figure 2), et notamment des cas presque « limites » en découpant des carrés de \(0,2\,\text{cm}\) ou de \(9\,\text{cm}\) de côté (figure 3). Une élève qui a obtenu une boîte de volume \(955,8\,\text{cm}^3\) en découpant des carrés de \(6\text{ cm}\) de côté pensait s’être trompée car elle était persuadée que les mesures de volume allaient en augmentant. L’observation de la boîte formée à partir de la feuille dans laquelle on a découpé les carrés de \(9\,\text{cm}\) de côté lui a permis de voir que la fonction n’était pas celle qu’elle imaginait.
Pour trouver la boîte de volume maximum, les élèves peuvent imaginer faire un tableau plus complet, en faisant varier systématiquement \(x\) de \(1\,\text{cm}\) et pourraient être tentés de conclure que la solution consiste à découper un carré de \(4\,\text{cm}\) de côté.
Ce tableau pourrait être raffiné à l’aide d’un tableur, de façon à examiner de plus près ce qui se passe entre \(x = 3\) et \(x = 5\). Si on procède par pas de \(1\,\text{cm}\), c’est encore pour \(x = 4\,\text{cm}\) qu’on obtient le plus grand volume.
hauteur en cm \(h\) |
largeur en cm \(\ell\) |
longueur en cm \(L\) |
volume en cm3 \(V\) |
1 | 19 | 27,7 | 526,3 |
2 | 17 | 25,7 | 873,8 |
3 | 15 | 23,7 | 1 066,5 |
4 | 13 | 21,7 | 1 128,4 |
5 | 11 | 19,7 | 1 083,5 |
6 | 9 | 17,7 | 955,8 |
7 | 7 | 15,7 | 769,3 |
8 | 5 | 13,7 | 548 |
9 | 3 | 11,7 | 315,9 |
10 | 1 | 9,7 | 97 |
Les élèves, souvent peu enclins à s’investir longuement dans une méthode de résolution par approximations successives, se tournent généralement vers une représentation graphique des résultats. Celle-ci permet de se rendre compte que l’optimum demandé est le maximum d’une fonction \(V(x)\), ce qui engage la classe dans une réflexion plus théorique. On recherche alors l’expression analytique de cette fonction en remplaçant les expressions de \(h\), \(\ell\) et \(L\) dans la formule du volume \(V = h \cdot \ell \cdot L\).
On obtient \(V (x) = x(21-2x)({29,7}-2x)\) dont voici le graphique réalisé avec un logiciel de dessin (figure 4).
Vues les valeurs prises par le volume, le graphique en axes orthonormés ne peut être perçu globalement ; on a effectué un changement d’unité sur l’axe \(Oy\). Cependant, ce changement d’unités contribue à masquer les différences d’ordonnées près du point d’abscisse \(4\).
Sur base de ce graphique, on interroge les élèves sur les limites de variation de la variable : seules les valeurs comprises entre \(0\) et \(10,5\,\text{cm}\) sont prises en compte.
Notons que la lecture du graphique semble encore donner raison aux élèves qui pensaient que la solution consistait à découper un carré de \(4\,\text{cm}\) de côté.
Le professeur invite alors les élèves à regarder de plus près ce qui se passe en \(x = 4\) grâce à un zoom de la fonction dans un voisinage de cette valeur (figure 5).
Même si les différences d’ordonnées entre les points de la fonction dans un voisinage de \(x = 4\) sont imperceptibles, l’examen de cette figure suggère que la valeur maximale se trouve sur l’« axe de symétrie » approximatif de cette portion de courbe, donc un peu à droite de \(x = 4\).
Le logiciel de géométrie dynamique utilisé (GeoGebra
) permet de déplacer le point \(\mathsf{P}\) vers la droite tout en affichant ses coordonnées. L’enseignant propose de tracer en plus la tangente en \(\mathsf{P}\) et d’afficher son équation (figure 6). La tangente en un point d’une courbe est introduite comme la droite passant par ce point et qui, localement, épouse au mieux la courbe.
On observe que la tangente en \(x = {4}\) est une droite croissante d’équation \(y = {4,54} x + {1110,23}\) (les nombres qui apparaissent dans les figures 5 à 7, sont ceux affichés par GeoGebra
, arrondis à deux décimales).
Le fait que la tangente est croissante indique que le volume n’a pas fini d’augmenter quand on est en \(x = {4}\). On déplace lentement le point \(\mathsf{P}\) vers la droite en observant les valeurs de la fonction qui s’affichent en même temps. On comprend que la valeur maximum est atteinte quand la tangente est horizontale (figure 7) et cela se produit au mieux au point de coordonnées \(({4,04}\, ;\,{1128,49})\). Pour des valeurs arrondies à deux décimales, c’est donc en découpant un carré de \(4,04\,\text{cm}\) de côté qu’on obtiendrait la boîte de volume maximum.
Si on revient au graphique global, on perçoit très nettement la variation de la pente de la tangente entre \(x = {4}\) et \(x = {4,04}\) alors que la différence des ordonnées de ces deux points est imperceptible (figure 8).
Les observations sur les tangentes dans ce dernier graphique donnent à l’enseignant un argument vraiment convaincant pour motiver l’intérêt d’étudier la pente de la tangente au graphique d’une fonction en chacun de ses points. On va créer à partir de cette pente un nouvel outil d’analyse de la croissance et de la décroissance d’une fonction, et donc un outil pour la recherche des extrema.
Si les élèves ne connaissent pas encore la dérivée, on reviendra au problème de la boîte sans couvercle plus tard, lorsque les élèves disposeront du concept et des formules de dérivation. Ils pourront alors constater la puissance de l’outil dérivée pour trouver la solution théorique au problème.
Si les élèves connaissent déjà la notion de dérivée, le passage par l’observation du graphique et de la pente de la tangente devrait faire le lien et renforcer l’idée que la dérivée en un point est la pente de la tangente à la courbe en ce point.
La fonction \(x\longmapsto V (x)\) est une cubique, dont l’expression analytique est \[V(x)=4x^3-{101,4}x^2+{623,7}x.\]
Sa dérivée \[V'(x)=12x^2-{202,8}x+{623,7}\] s’annule en \(x={12,86}\) et \(x={4,04}\) (valeurs approchées à deux décimales). Il reste à voir que la valeur \(x={4,04}\) fournit la valeur de \(x\) pour laquelle la fonction est maximum et correspond à la solution du problème. La valeur \(x={12,86}\) en revanche, pour laquelle la fonction est minimum, n’a aucun sens dans le cadre du problème qui nous occupe.
La distinction entre minimum et maximum se fait ici par un retour vers les observations concrètes : tableau de valeurs ou graphique obtenu à l’aide d’un logiciel adéquat.
La boîte parallélépipédique
Chaque groupe d’élèves reçoit quelques feuilles carrées de \(20\,\text{cm}\) de côté.
La consigne est de construire une boîte parallélépipédique fermée à partir d’un développement obtenu en découpant symétriquement un rectangle de chaque côté de la feuille carrée, de façon à obtenir un T, comme le montre la figure 9.
Dans un deuxième temps, il s’agira de construire la boîte dont le volume est le plus grand possible.
Cette fois, il semble bien qu’il y ait deux longueurs à choisir au moment du découpage, notées \(x\) et \(y\) sur la figure 10.
En fonction de la facilité des élèves à voir dans l’espace, notamment de leur capacité à imaginer une boîte à partir de son développement, une discussion pourrait s’engager d’emblée sur la possibilité de construire une boîte parallélépipédique fermée pour n’importe quelle valeur de \(x\) et de \(y\), avec \({0}< x< {10}\) et \({0}< y< {20}\).
Certains élèves auront besoin de tester un découpage « au hasard » pour se convaincre qu’il n’est pas toujours possible de refermer la boîte. En effet, toute figure en T n’est pas le développement d’un parallélépipède. La question des valeurs admissibles de \(x\) et \(y\) se pose alors.
Une autre stratégie consiste à commencer par un cas particulier, celui de la boîte dont les quatre faces latérales sont identiques, ce qui conduit à une boîte avec deux faces carrées de \(5\,\text{cm}\) de côté (figure 11).
La manipulation seule n’amène pas nécessairement l’expression des contraintes. Pour aller plus loin, on dessine le développement d’un parallélépipède rectangle, dont les dimensions sont \(x\), \(\ell\) et \(L\) (figure 12).
On voit alors clairement que \(y = 2x + l\).
Il faut aussi exprimer que le développement est inscrit dans un carré de \(20\,\text{cm}\) de côté, ce qui donne \[\begin{cases}
2x + 2l & = 20\\
2x + L & = 20.
\end{cases}\] Les dimensions de la boîte sont donc \(x\) pour la hauteur, \(L = 20-2x\) et \(l= 10-x\) pour la longueur et la largeur de la base. On peut compléter par \(y = 10+x\) si on veut connaître les dimensions du rectangle à découper.
Pour de nombreux élèves, c’est cette phase de modélisation qui est difficile, surtout l’expression des contraintes pour que la boîte soit constructible.
Lors des essais de construction, les élèves obtiennent des boîtes qui ne se referment pas exactement. Si la longueur \(y\) du rectangle découpé est trop grande par rapport à sa largeur \(x\), il y a un excès de papier (figure 13).
Dans le cas contraire (figure 14), il y a au moins une face incomplète (figure 15).
Il se peut que la longueur \(y\) du rectangle découpé soit beaucoup trop petite par rapport au \(x\), à tel point qu’il manque toute une face et une partie d’une autre (figures 16 et 17).
Les élèves qui se trouvent devant une telle situation sont souvent désemparés.
Une manière de débloquer la situation est de présenter le développement d’une boîte découverte par d’autres élèves, et d’y placer des traits de couleurs pour montrer les segments qui devront se raccorder au moment de construire la boîte (figure 18).
Dès que les élèves ont trouvé l’expression des contraintes, il ne leur est pas difficile de trouver la fonction volume, par exemple, en fonction de la variable \(x\)
\[\begin{aligned}
V (x) & = x \cdot l \cdot L = x \cdot (10-x) \cdot (20-2x)\\
& = 2x^3-40x^2 + 200x.\end{aligned}\]
Le graphique en est donné à la figure 19. Il faut garder à l’esprit que, pour le problème traité, \(x\) doit être inférieur à \(10\) et restreindre le graphique en conséquence.
Le logiciel de géométrie dynamique permet à nouveau la recherche du maximum par ajustement et montre que c’est bien le point où la tangente est horizontale que l’on cherche. La fonction dérivée \(V’ (x) = 6x^2-80x + 200\) s’annule pour \(x = 10\) ou \( x =\dfrac{10}{3}\cdotp\)
C’est cette dernière valeur de \(x\) qui donne la boîte de volume maximum. Le rectangle à découper est de dimensions \(x = \dfrac{10}{3}\) et \(y = \dfrac{40}{3}\cdotp\) La solution \(x = 10\), \(y = 20\) fournit la valeur minimum de la fonction \(V\), qui correspond à une boîte de volume nul puisqu’il n’y a plus de papier pour la construire.
Afin de valider l’optimum en \(x = \dfrac{10}{3}\) et \(y = \dfrac{40}{3}\), les élèves pourront soit examiner le graphique, soit étudier le signe de la dérivée première au voisinage de ce point, soit encore calculer \(V’\,’ \left(\dfrac{10}{3}\right)\cdotp\)
Le cube
Les élèves travaillent en groupe et disposent de quelques feuilles de papier de format A4. On leur donne pour consigne de construire dans cette feuille le développement d’un cube de volume maximal. Les découpes doivent être parallèles aux bords de la feuille, le développement doit être d’un seul tenant et les faces du cube entières.
Les élèves ne se souviennent sans doute pas de tous les développements du cube, mais, après avoir travaillé sur le développement de la boîte parallélépipédique, ils penseront sans doute au développement du cube en ou au modèle en croix latine (figure 20).
La variable s’impose d’elle-même, c’est la longueur de l’arête du cube, on la note \(x\). La fonction à maximiser est celle qui exprime le volume du cube, c’est \(V (x) = x^3\).
La méthode mise en place précédemment, en utilisant la dérivée, risque fort de désarçonner les élèves. En effet, \(V’ (x) = 3x^2\) s’annule en \(x = 0\), la tangente au graphique de la fonction est donc horizontale en \(x = 0\) mais il est clair que cette valeur ne fournit pas la solution au problème proposé.
Comme la fonction \(x^3\) est toujours croissante, il s’agit ici de trouver la valeur de \(x\) maximale pour laquelle il est possible de construire un développement sur la feuille A4 tout en respectant les consignes.
Il y a donc lieu d’exprimer les contraintes sur cette variable \(x\). En se référant à l’un ou l’autre des développements de la figure 20, on obtient les contraintes suivantes : \[\renewcommand{\arraycolsep}{2pt}\left\{\begin{array}{rcl}
3x & \leqslant& 21\\
4x & \leqslant& {29,7}.
\end{array}\right.\] Ce système admet pour valeur maximale de \(x\) la valeur \(7\text{ cm}\).
Le volume maximum est ici atteint pour la valeur maximum admissible de \(x\). Il ne s’agit pas d’un point où la dérivée de la fonction s’annule, mais d’un point au « bord » de l’intervalle définissant les valeurs admissibles.
Si tous les élèves en sont convaincus (il s’agit effectivement de la solution optimale), la preuve n’en a pas encore été établie, et il n’est pas certain que des idées surgissent pour élaborer une justification complète, ni même que sa nécessité s’impose aux élèves, à ce stade.
La suite de l’activité a pour double objectif de faire percevoir la nécessité d’une preuve et de donner des pistes pour l’établir.
L’enseignant demande aux élèves de refaire le même exercice à partir d’une feuille A4 coupée en deux dans le sens de la longueur (\(10,5\text{ cm}\) de large et \(29,7\text{ cm}\) de long).
S’ils sont convaincus que des contraintes similaires permettent de trouver la solution quelles que soient les dimensions de la feuille rectangulaire, ils écriront \[\renewcommand{\arraycolsep}{2pt}\left\{\begin{array}{rcl}
3x & \leqslant& {10,5}\\
4x & \leqslant& {29,7}.
\end{array}\right.\] qui donne \(x = 3,5\text{ cm}\) pour l’arête du cube et \(42,875\text{ cm}^3\) pour le volume.
Si personne ne trouve mieux, l’enseignant exhibe le cube de volume maximal de \(5.25\text{ cm}\) d’arête et engage les élèves à trouver comment il l’a obtenu. Si nécessaire, le cube sera développé pour faire voir que la solution optimale est obtenue avec un autre développement du cube, celui présenté en figure 21 (placé verticalement dans la demi-feuille A4).
En effet, dans le cas examiné à présent, les contraintes qui mènent à la solution optimale sont \[\renewcommand{\arraycolsep}{2pt}\left\{\begin{array}{rcl}
2x & \leqslant& {10,5}\\
5x & \leqslant& {29,7}.
\end{array}\right.\] La valeur maximale de \(x\) qui satisfait le système est \({5,25}\), ce qui donne un volume de \(144,70\text{ cm}^3\) pour le cube, valeur manifestement supérieure à celle obtenue pour le cube de \(3,5\text{ cm}\) d’arête.
Cette remise en question devrait pousser les élèves à réexaminer la nécessité d’une preuve pour la solution optimale qu’ils avaient obtenue pour la feuille A4. Ils n’avaient examiné qu’un (ou deux) développements du cube, mais pas tous. Or la preuve passe par le recensement de toutes les possibilités de construction du développement et nécessite la prise en compte des onze développements du cube.
Ceux-ci peuvent être classés en deux types, notés \(3 \times 4\) ou \(2 \times 5\), suivant le nombre de carrés disposés dans les deux directions. Il y en a dix du type \(3 \times 4\) et un seul du type \(2 \times 5\). Selon les dimensions de la feuille rectangulaire, l’un ou l’autre des deux systèmes de contraintes établis précédemment permet de trouver l’arête du cube de volume maximal.
Pour vérifier la bonne compréhension de la démarche, on peut proposer un exemple pour lequel la réponse au problème est fournie par la contrainte sur la longueur de la feuille, par exemple construire le développement d’un cube de volume maximal dans une feuille de \(20\text{ cm}\) de large et \(24\text{ cm}\) de long (avec les mêmes consignes). L’exemple d’une feuille carrée est également intéressant.
Ces dernières réflexions permettent d’aborder la généralisation du problème à une feuille rectangulaire de dimensions quelconques, de largeur \(\ell\) et de longueur \(L\).
Il faut déterminer le côté qui donnera le cube de volume maximal dans chacun de ces deux cas. Notons \(x_{34}\) la mesure du côté du cube de volume maximum pour un développement de type \(3 \times 4\), et \(x_{25}\) celle pour le développement de type \(2 \times 5\).
Pour les développements \(3 \times 4\), le système de contraintes est \[\renewcommand{\arraycolsep}{2pt}\left\{\begin{array}{rcl}
3x & \leqslant& \ell\\
4x & \leqslant& L
\end{array}\right.
\text{ et }
x_{34} = \text{min}\left\lbrace \dfrac{\ell}{3}\, ;\, \dfrac{L}{4} \right\rbrace\] puisque les deux inégalités doivent être respectées en même temps.
De même, pour le développement \(2 \times 5\), le système de contraintes est
\[\renewcommand{\arraycolsep}{2pt}\left\{\begin{array}{rcl}
2x & \leqslant& \ell\\
5x & \leqslant& L
\end{array}\right.
\text{ et }
x_{25} = \text{min}\left\lbrace \dfrac{\ell}{2}\, ;\, \dfrac{L}{5} \right\rbrace\]
L’optimum cherché sera réalisé avec un cube dont le côté mesure la plus grande de ces valeurs et donc \(x_{\text{opt}} = \max\left\lbrace x_{34}, x_{25}\right\rbrace\).
En guise de conclusion
À partir de l’examen de ces quatre « Math & Manips », nous pouvons mettre en évidence des facteurs qui nous semblent influer particulièrement sur l’activité des élèves. Le premier est l’importance de la formulation de la question ou de la consigne, qui peut susciter des entrées assez différentes dans un même problème, par exemple induire ou non le choix de certaines variables pour la modélisation. Dans certains cas, la phase de modélisation est complètement absente car des schémas pertinents sont fournis aux élèves avec l’énoncé. Lors de la mise en situation des élèves devant des problèmes dits complexes, faisant appel à plusieurs registres, la phase de modélisation ne pourra pas être éludée. Le contexte de l’optimisation est une opportunité à saisir pour développer chez les élèves des compétences en cette matière difficile.
Un deuxième facteur est celui de la variété et du type des problèmes abordés au cours des différentes séquences consacrées à cette matière car ils influencent fortement l’approche que les élèves ont d’un nouveau problème à traiter. Par exemple, l’ordre dans lequel les exercices sont proposés conduit les élèves à réinvestir une méthode qui a donné de bons résultats dans un problème précédent. Cependant, les outils théoriques qu’il est possible de mettre en œuvre afin de trouver la solution au problème posé, une fois qu’il est modélisé, ne se limitent pas à la seule recherche de zéros d’une fonction dérivée. De plus, la validation du résultat obtenu, quelle que soit la méthode retenue pour l’établir, doit être effectuée rigoureusement.
Références
-
R. Bkouche. « Du caractère expérimental des mathématiques. À propos des laboratoires de mathématiques ». In : Repères IREM no 70 (2008), p. 123-137.
-
T. Dias et V. Durand-Guerrier. « Expérimenter pour apprendre en mathématiques ». In : Repères IREM no 60
(2005), p. 61-78. -
M.-F. Guissard et al. « Math & Manips ». In : Losanges no 7 (2010), p. 39-46.
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Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht, Patricia Van Geet, Sylvie Vansimpsen ont fait partie d’un groupe de chercheurs au CREM (Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) à Nivelles, en Belgique.
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Ce qui correspond en Belgique, au lycée.↩