Résoudre… sans consigne ?

Résoudre des problèmes à partir d’images ? Voici une expérience menée avec des élèves de CP, transférable à bien d’autres niveaux de classe et même à d’autres disciplines.

Élodie Lalande & Fabienne Mousseau

© APMEP Mars 2022

⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅

La résolution de problème consiste encore souvent à proposer aux élèves de simples problèmes d’application. Les programmes de 2016 réactualisés en 2020 et le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture préconisent pourtant d’engager les élèves dans de véritables situations de recherche.

Comment alors développer leur autonomie et leur capacité d’initiative dès le CP ?

Nous présentons ici une expérience menée en classe de CP pour répondre à cette question. Les élèves découvrent un problème sans question, présenté sous forme d’image. En groupes, ils recherchent une ou des question(s) et proposent leur(s) réponse(s) sur des affiches. Celles-ci font ensuite l’objet d’un débat collectif portant sur l’interprétation de l’image, les calculs et les résultats, les procédures utilisées…

Quels supports proposer ?

Des exemples d’images choisies :

Image 1 : Extrait de J’aime les maths, fichier CP, Belin (2013).

Image 2 : Extrait de J’aime les maths, fichier CP, Belin (2013).

Image 3 : Extrait de Outils pour les maths, fichier CP, Magnard (2015).

Image 4 : Extrait de Outils pour les maths, fichier CP, Magnard (2015).

L’enseignant doit analyser l’image en amont, de manière à anticiper les questionnements qu’elle est susceptible d’engendrer chez les élèves (nombre de questions possibles, nombre d’informations présentes, taille des nombres…) ainsi que les procédures qu’ils peuvent utiliser pour y répondre. Cette préparation lui permet aussi de réfléchir au matériel à proposer à certains élèves, qui pourront ainsi manipuler s’ils en ressentent le besoin, et reproduire concrètement la situation afin de se l’approprier.

Néanmoins, il est tout à fait logique de ne pas avoir tout prévu et d’être surpris par certaines productions d’élèves. Ainsi, lors de la séance présentant l’image 2, un groupe d’élèves a pensé que la boîte était ouverte à moitié et a travaillé sur cette notion. Cette question n’avait pas été anticipée ; cependant, elle a permis de retravailler les concepts mathématiques des doubles et des moitiés.

Mais attention, lire une image est un véritable apprentissage, c’est pourquoi il est essentiel de proposer d’abord des images sans aucun écrit. En effet, les élèves vont développer leurs capacités de lecture d’image au fur et à mesure des séances.

S’ils ne remarquent que certaines informations lors de la première séance, ils réussissent à percevoir davantage de détails tout au long de la séquence jusqu’à ce que l’ensemble des informations présentes sur l’image soit pris en compte. Les questionnements des élèves deviennent alors de plus en plus développés.

Voici par exemple des questions posées par les élèves lors de la séance qui porte sur l’image 1 :

  • Combien il va rester de cartes à celui qui joue ?

  • Combien chaque enfant a de cartes ?

  • Combien il y a de cartes en tout ?

Des images de plus en plus complexes peuvent ensuite être proposées pour aboutir à des situations imagées comportant de l’écrit (par exemple, un personnage qui parle). Dans ce dernier cas, il faut veiller à ce que le vocabulaire n’entrave pas la compréhension globale du problème. En CP, il faut également être attentif à ce que tous les mots soient déchiffrables par les élèves.

Quelle mise en œuvre ?

Les élèves sont invités à travailler en groupe lors de ces séances. Le travail de recherche entre pairs permet d’établir entre les élèves un système de coopération et d’entraide. Ils sont amenés à réfléchir, débattre et enfin se mettre d’accord afin de formuler une réponse commune.

Le choix des groupes est bien sûr très important. Il permettra de pouvoir organiser la séance.

Si l’enseignant décide de réaliser des groupes homogènes, il devra s’assurer que les situations proposées sont accessibles à tous. Il est possible d’adapter les supports en fonction des groupes ou de mettre en place du matériel pédagogique plus ou moins représentatif.

Les groupes hétérogènes permettent aux élèves de prendre appui sur les points forts de chacun : certains sont plus à l’aise pour écrire, d’autres pour expliquer oralement leur démarche au sein du groupe ou face à la classe.

Le fait de conserver des groupes semblables d’une séance à l’autre contribue à ce que chacun trouve sa place au sein du groupe, prenne confiance en lui et s’exprime sans crainte.

Voici le déroulement des séances.

  • Il est rappelé aux élèves qu’il s’agit d’une séance de résolution de problème et qu’ils peuvent, une fois qu’ils sont en groupe, utiliser librement toutes les ressources disponibles dans la classe sans toutefois préciser lesquelles. Du matériel pédagogique permettant de modéliser la situation a été préalablement installé.

  • La situation est tout d’abord proposée individuellement : chacun lit, observe et réfléchit de son côté. Ce temps permet que tous soient dans une posture de recherche et qu’ils s’investissent davantage dans le travail de groupe.

  • Chaque groupe dispose d’une affiche et de feutres.

  • Un temps de recherche est alors proposé. Si certains groupes ont des difficultés à écrire leur question et/ou leur réponse, l’enseignant peut les aider en écrivant leurs phrases sous la forme de dictée à l’adulte.

    Exemple d’affiche pour l’image 3, avec dictée à l’adulte.

  • Une mise en commun est réalisée. Les productions des élèves sont affichées au tableau. Chaque groupe présente le fruit de ses recherches : les questions qu’ils se sont posées et les procédures qu’ils ont utilisées. Ils sont ainsi amenés à justifier leur choix.

    L’enseignant peut proposer de classer les affiches en fonction des questions ou réponses trouvées afin d’encourager la participation de tous ou d’orienter le débat. Les réponses sont validées ou corrigées par le groupe classe.

Retour sur la séance relative à l’image 1

Voici des paroles recueillies auprès des différents groupes lors de la séance en CP portant sur cette situation.

Groupe 1.

On a compté combien il y avait de cartes en tout, sauf qu’on n’a pas compté les cartes de la petite fille, du coup, on a vu que la petite fille elle avait \(6\) cartes et que les autres, ils en avaient \(18\) ; ça fait \(24\).

Groupe 2.

On a compté qu’il y avait \(2\) paquets de \(6\) et on a vu que ça faisait \(12\) et avec les deux autres paquets ça faisait encore \(12\), du coup on a compté et ça fait \(24\).

Groupe 3.

On a compté combien les enfants ils en avaient de cartes, ils en avaient tous \(6\) des cartes et puis après, on a fait un arbre à calcul et on a compté combien ça faisait.

Groupe 4.

On a compté les tas du garçon, puis après ceux d’à côté, ça fait \(12\), et les \(2\) autres paquets de cartes qui étaient encore à côté, ça faisait \(12\), donc on a écrit \(12 + 12\) et on a compté, ça faisait \(24\).

Groupe 5.

Au début, on a fait \(4\) paquets de \(6\) cartes, on en a pris \(1\) chacun et on a fait comme si c’était nous qui étaient dans le problème, et on a vu que celui qui avait les lunettes, c’est celui qui était en train de jouer. Puisqu’il en a retiré \(1\) de son paquet, il lui en restait que \(5\).

Ne pas orienter les élèves avec une consigne engendre une plus grande pluralité des questions, des réponses et des stratégies. Les débats sont plus riches et invitent à davantage de réflexion. En effet, face à la diversité des solutions trouvées, les élèves doivent expliquer leur démarche, argumenter et se questionner sur les propositions de leurs pairs. Ainsi, ils comprennent que plusieurs questions, réponses et stratégies peuvent être possibles et correctes et qu’une réponse différente n’est pas forcément erronée.

Lors de ces séances, les élèves s’investissent davantage et osent prendre des risques. Ils utilisent d’eux-mêmes le matériel susceptible de les aider s’ils en ressentent le besoin. Ils interagissent entre eux au sein des groupes puis au sein de la classe : ils se questionnent, émettent des hypothèses, se concertent, se contredisent puis s’accordent. Lors de la mise en commun, ils expliquent leur démarche, argumentent leur point de vue et se donnent même des conseils. Pour cela, ils s’appuient sur des notions mathématiques déjà étudiées, voire en font émerger de nouvelles.

Au fil des séances, les élèves explicitent de mieux en mieux leurs démarches et réussissent davantage à donner un avis argumenté. Les écrits de recherche évoluent également. Les réponses sont de plus en plus élaborées et organisées : elles comprennent une ou des questions, une ou plusieurs opérations, une phrase réponse et parfois même un schéma.

Poursuivre en CE1 ?

Voici un exemple réalisé dans une classe de CE1. L’affiche est la réponse proposée par un groupe d’élèves.

Image 5. Extrait de Outils pour les maths, fichier CP, Magnard (2015).

L’enseignante a réutilisé cette affiche lorsqu’elle a abordé la soustraction. Elle a pu ainsi s’appuyer sur les écrits des élèves afin d’établir le lien entre l’addition à trous et la soustraction. La production a été valorisée et a permis de mettre en évidence la procédure experte.

Conclusion

La résolution de problème sans consigne permet aux élèves de développer leurs capacités à chercher, raisonner et communiquer, sachant que ces capacités sont transférables dans d’autres domaines d’apprentissage. Il s’agit donc comme le préconisent les nouveaux programmes de «proposer aux élèves dès le CP des problèmes pour apprendre à chercher».

Les élèves se montrent très enthousiastes face à cette activité qui a un réel impact sur leur motivation. Effectivement cela développe leur prise d’initiative, leur sentiment d’autonomie et leur responsabilisation.

Pour aller plus loin

[1] Éduscol. Les problèmes pour chercher.  Document d’accompagnement Mathématiques, 2002. Exemple n° 5
[2] G. Arsac et M. Mante. Les pratiques du problème ouvert. CRDP Lyon, 2007.Exemple n° 5
[3] J.-M. Astolfi. L’erreur, un outil pour enseigner. ESF, 1997.
[4] R. Charnay. « Problème ouvert Problème pour chercher». In : Grand \(\mathbb{N}\) no 51 (1992). p. 77-83. Exemple n° 5
[5] D. Maugenest. « Problèmes ouverts et travail en groupe ». In : Cahiers pédagogiques, Hors série numérique no 47 (novembre 2017).  p. 69-71.
[6] Zakhartchouk J.-M. « Attention aux consignes ». In : Cahiers pédagogiques no 483 (2010). p. 9-57.

⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅♦⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅

Élodie Lalande est conseillère pédagogique dans la circonscription d’Athis-Mons.

Fabienne Mousseau est conseillère pédagogique ADASEN 91 et formatrice académique DAFOR «Groupe Pédagogie et Apprentissages».

Pour citer cet article : Lalande É. et Mousseau F., « Résoudre… sans consigne ? », in APMEP Au fil des maths. N° 543. 30 juin 2022, https://afdm.apmep.fr/rubriques/eleves/resoudre-sans-consignes/.

Une réflexion sur « Résoudre… sans consigne ? »

Les commentaires sont fermés.