Le centre Galois

Faire venir découvrir les mathématiques et les sciences à l’université pendant une semaine à des élèves en fin de Seconde, tel est le projet du centre Galois !

Philippe Grillot

© APMEP Juin 2023

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Au cours de l’année 2009, une élève en classe de Troisième prend contact avec le laboratoire de mathématiques d’Orléans afin de pouvoir y effectuer son stage d’une semaine en entreprise. Étant, à cette époque, en charge de la communication du laboratoire, je propose pour ce premier accueil et, avec l’aide de mes collègues, une semaine au cours de laquelle l’élève pourrait découvrir le quotidien d’un enseignant-chercheur en mathématiques. Au fil des discussions, le directeur du laboratoire Stéphane Cordier et moi-même nous rendons compte que les vues et les ambitions de notre stagiaire sont sous-évaluées par rapport aux aptitudes dont elle nous avait convaincus tout au long de la semaine et que son cas ne devait pas être isolé : d’autres élèves évoluant dans un milieu familial a priori éloigné des sciences seraient certainement intéressés par un stage analogue. Elle nous confie, une fois le stage terminé, son ressenti. Cette semaine a déclenché un bouleversement de ses ambitions futures notamment scolaires et professionnelles. Cette expérience convainc Stéphane et moi de construire un dispositif permettant de faire découvrir des domaines des sciences et plus particulièrement des mathématiques à des élèves qui ne disposeraient pas d’un environnement familial proche des disciplines concernées. Le concept du futur centre Galois était né !

Le centre Galois propose des stages de mathématiques avec hébergement d’une durée d’une semaine pour des élèves de classe de Seconde de l’académie d’Orléans-Tours. Cette immersion a pour objectif premier de faire découvrir le milieu des mathématiques, d’attirer de jeunes élèves vers des carrières scientifiques.

Deux sessions ont eu lieu en 2010 pour la première édition. L’année suivante, le centre Galois est officiellement lancé, honorant pour l’occasion le bicentenaire de la naissance d’Évariste Galois. Ce choix n’est pas anodin ; en effet, ce jeune homme au destin exceptionnel a profondément marqué les mathématiques de son époque, ses travaux visionnaires sont aujourd’hui encore au cœur de nombreuses thématiques de recherche.

Au total six partenaires ont participé à la construction du centre Galois : la fédération Denis Poisson (ensemble des enseignants-chercheurs en mathématiques et physique théorique de la région Centre, aujourd’hui appelé institut Denis Poisson), la fédération régionale des Maisons des Jeunes et de la Culture région Centre, l’organisme Centre Sciences (porteur du projet), le rectorat d’Orléans-Tours, l’IREM d’Orléans, le programme MathC2+ d’Animath (association dont le but est de coordonner des actions de popularisation des mathématiques). Plusieurs soutiens ont été également précieux, en particulier l’IUFM Centre Val de Loire (l’actuel INSPÉ), pour la mise à disposition de l’hébergement, des salles de cours ainsi que la restauration, l’ensemble des sociétés savantes en mathématiques (la SMF, la SMAI et la SFDS) et l’APMEP.

Chacune des deux sessions annuelles est composée de quinze stagiaires que nous appelons communément nos galoisiens ; les frais de séjour pour chaque participant sont intégralement pris en charge par le Conseil régional de la région Centre-Val de Loire, le programme MathsC2+ et l’institut Denis Poisson. Les trente places offertes, comparées aux cent-vingt dossiers de candidature nous contraignent chaque année à une rude sélection. Chaque candidat remplit un dossier de candidature dans lequel sont demandés la profession des parents, les résultats scolaires, une lettre de recommandation du professeur de mathématiques ainsi qu’une lettre de motivation de l’élève. Parmi les dossiers répondant aux exigences sociales et scolaires, nous tenons à ce que le maximum d’établissements de l’académie soient représentés.

Pendant une semaine, les galoisiens côtoient des enseignants-chercheurs et des enseignants du secondaire en mathématiques, de sorte que cette matière leur apparaisse vivante et intégrée dans un quotidien de travail, à l’image du rôle que les mathématiques jouent actuellement, à notre époque où la modélisation a envahi toutes les sciences du fait de la révolution numérique. Au cours du stage, chaque journée débute par des énigmes. Les galoisiens y réfléchissent durant leurs moments perdus qui se prolongent bien souvent tard le soir ! Ces énigmes couvrent des domaines variés des mathématiques : une sauterelle se déplaçant sur un cercle en faisant des sauts selon trois directions prescrites, la découverte du théorème des tiroirs ou encore l’énigme des personnes saluant une personne de connaissance qui entraîne qu’au moins deux personnes salueront un nombre identique de personnes, ou bien parmi trente couverts composés de quinze couteaux et quinze fourchettes disposés en ligne on trouvera toujours une série de dix couverts contenant exactement cinq fourchettes et cinq couteaux. Enfin, afin d’agrémenter ces énigmes, plusieurs tours de magie mathématiques sont présentés. Au moins deux sessions de mathématiques sont dispensées (activités Olympiades, session de programmation soutenue par une marque de calculatrice, probabilités et statistique, imagerie, graphes, géométrie, nombres, maths et biologie, maths et musique, … mais aussi physique). En voici quelques-unes tirées des toutes dernières éditions :

Les maths de la contrepèterie :

une contrepèterie est une phrase pour laquelle l’échange de deux sons (ou plus exactement deux phonèmes) conduit à en changer radicalement le sens. Par exemple, le « lac des sapins » se transforme en « sac des lapins » par l’inversion des sons « l » et « s ». Avec un peu d’entraînement, il apparaît que seuls certains mots se prêtent à la contrepèterie. Ils sont alors qualifiés de contrepètogènes. Nous essayons de donner une signification mathématique de ce terme, ce qui nous permet d’introduire le thème de la combinatoire des mots.

Rigide ou déformable :

nous partons d’un jeu de construction magnétique pour enfants, et, pour que ce soit encore plus simple, de figures planes. Les barres aimantées peuvent pivoter autour des boules métalliques, mais la longueur de chaque barre est bien sûr fixée. Les constructions obtenues sont-elles rigides ou déformables ?

En début d’après-midi, puis après le repas du soir, des activités culturelles de découverte et de loisirs sont proposées : des ateliers expérimentaux de mathématiques mis en place par Centre Sciences, des visites (par exemple la station radio-astronomique de Nançay, le muséum d’histoire, le parc floral de la Source, le laboratoire de mathématiques de l’université d’Orléans, …). Enfin toutes ces activités ne pourraient être menées à bien sans l’expérience de nos animateurs de la FRMJC qui savent créer une cohésion entre les stagiaires et aussi apporter aux stages un parfum de colonie de vacances !

Les retours des différents intervenants sont unanimes : ils ont rencontré des élèves enthousiastes, demandeurs et actifs. Pour chaque session, les galoisiens nous confient que ce séjour a radicalement changé leurs vues professionnelles. Glissée au travers de la semaine, la session des « métiers des maths » leur a ouvert un champ très large de débouchés qu’offre une formation en mathématiques, mais aussi une autre façon d’observer le monde qui nous entoure. Des témoignages comme celui ci-dessous ne peuvent qu’encourager les collègues à poursuivre.

Depuis 2010, environ trois-cent-soixante stagiaires ont participé au centre Galois ; beaucoup ont choisi de faire des études scientifiques en passant par les classes préparatoires et ont intégré des écoles d’ingénieurs ; d’autres ont suivi un cursus universitaire en mathématiques, en physique, en informatique ou en médecine.

Depuis quelques années Antoine Martin, un ancien galoisien, est le nouveau parrain du centre Galois ; il a pris la suite de Virginie Bonnaillie-Noël, notre marraine des premières éditions ; tous deux ont régulièrement rencontré nos stagiaires en leur confiant leurs expériences et leurs parcours d’études.

Nous avons régulièrement des contacts avec nos anciens stagiaires, des nouvelles de leurs études, des questionnements sur leurs orientations, des questions mathématiques concernant des exposés, des mémoires, bon nombre ont intégré des ateliers mathématiques comme MATh.en.JEANS, des équipes formées d’anciens galoisiens se sont construites et ont participé au tournoi français des jeunes mathématiciennes et mathématiciens. Sans nul doute, la formule de stage avec hébergement provoque un effet de cohésion qui se prolonge bien après leur passage au centre Galois.