Un incroyable Very Math Trip

Résumer la carrière de Manu Houdart… un vrai défi qu’il nous raconte avec humour et joie. Comme nous, vous risquez d’être sidérés face à tant d’énergie et de créativité ! Pour tous ceux qui ne l’ont encore jamais vu sur scène et en attendant qu’il se produise près de chez vous, découvrez-le sur sa chaîne Youtube pour le « liker » à défaut de l’applaudir.

Manu Houdart

© APMEP Juin 2021

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Lorsque j’ai débuté ma carrière d’enseignant en 1999, j’étais loin d’imaginer que je m’apprêtais à vivre des années aussi riches —et tumultueuses— en projets, rencontres et émotions. Et tout cela, grâce aux mathématiques. Oh, bien entendu, j’en rêvais de ce métier et j’étais convaincu que c’était la voie qui m’épanouirait. Mais je sous-estimais largement le bonheur qu’il m’offrirait.

Vers l’âge de 16 ans, ma décision était donc prise. Je serai professeur. Étrangement, j’hésitais encore quant au complément du nom. Je savais juste, avec certitude, que je voulais enseigner, éveiller, transmettre. Mais quelle matière ? En option latin-math, j’aimais aussi beaucoup le français.

Durant quelques années de mon adolescence, j’ai d’ailleurs pratiqué le Scrabble à un assez haut niveau. Au point que mon premier voyage en dehors de l’Europe fut au Québec en 1992 où j’avais l’honneur de représenter la Belgique au 21e championnat du monde francophone catégorie Junior. Et vous savez quoi ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les premières places du top mondial sont assiégées par… des scientifiques ! Plutôt cocasse pour un jeu de lettres, vous ne trouvez pas ?

Pourtant, en y réfléchissant, la réponse est assez logique. Sûr que pour briller au Scrabble il est nécessaire de disposer d’un vocabulaire plutôt étendu. Mais ça s’apprend et ça s’étudie. C’est même la partie la plus facile. Ensuite, ça se corse. Au Scrabble duplicate (le mode de jeu qui permet à plusieurs centaines de joueurs de s’affronter simultanément), le plus important est de marquer le plus de points possible. Et c’est là qu’un esprit scientifique va de façon rigoureuse et analytique passer au crible sa grille de jeu afin de dénicher la meilleure combinaison d’une lettre triple associée au plus opportun mot compte double. À bien y réfléchir, c’est sans doute cette analyse minutieuse de la grille qui m’a le plus séduit dans ce jeu… fortement mathématique !

Aviez-vous déjà songé que même la valeur des lettres a été déterminée grâce aux mathématiques ? D’ailleurs suivant la langue pratiquée, les lettres ont différentes valeurs. Ainsi, la fameuse lettre chère «Y» qui vaut \(10\) points dans tous les pays francophones ne rapporte que \(2\) points auprès des anglais. Et oui, la valeur des lettres est basée sur leur fréquence d’apparition : plus une lettre apparaît dans une langue et moins elle rapporte de points ! C’est ce qu’on appelle l’analyse fréquentielle. Une méthode de cryptanalyse rapportée par le mathématicien arabe Al-Kindi au IXe siècle. Vous vous étonnez encore que je sois tombé amoureux d’un tel jeu ?

Un élève très moyen

D’aussi petit que je me souvienne, j’ai toujours aimé les maths : manipuler, découvrir, modéliser. Mais n’allez pas croire pour autant que je fus un élève très brillant dans ma scolarité. Pour tout vous avouer, quand j’ai annoncé à mes parents la voie que j’envisageais, ils m’ont fortement conseillé de revoir ma copie. Il faut dire qu’avec un \(9/20\) de moyenne au premier semestre, je disposais d’assez peu d’arguments en ma faveur. Et pourtant… j’aimais les mathématiques. Elles me fascinaient. Comme si je ressentais déjà qu’elles avaient un mystère à révéler, comme si elles m’avaient envoûté indépendamment de ma volonté.

Heureusement, j’avais un frère aîné, Jean-Michel, doué en mathématiques. D’ailleurs il a fini brillamment l’école d’ingénieur de la Polytechnique. À chaque fois que je pénétrais dans sa chambre pour une question, avec ses mots à lui, tout devenait clair et limpide. C’était donc ça ! À chaque fois, un même sentiment de bonheur m’envahissait parce qu’enfin je comprenais. Oui mais alors, si les maths pouvaient être aussi simples, il fallait le faire savoir. Absolument. Nécessairement. Pour le bien commun de l’humanité toute entière. Et c’est pour contribuer à cette mission que j’ai vraiment décidé de devenir… prof de maths. Sur scène, je ne manque d’ailleurs jamais de raconter cette anecdote. Pire : j’ose même afficher mon bulletin scolaire ! En dehors de l’éclat de rire provoqué, ça permet aussitôt de dédramat(h)iser la situation difficile de l’échec scolaire.

Des questions déroutantes

En 1999, fraîchement diplômé de l’Université de Mons (ah oui, à propos, je suis Belge ! C’est vrai qu’à l’écrit, ça ne s’entend pas trop), je fais donc connaissance avec mes premiers élèves. Au programme, des classes de Seconde, Première et Terminale. Bien sûr que j’étais décidé — et même déterminé — à leur démontrer combien les mathématiques étaient merveilleuses. Mais je n’avais pas prévu de tels obstacles. Il faut dire que vingt ans plus jeune, je n’avais pour seules armes que mon enthousiasme et mon bagage universitaire. Très peu de choses finalement. Trop peu de choses car je suis certain que nous sommes nombreux à avoir ressenti la douleur de la gifle du désintérêt massif des choses qui nous font rêver pour mille et une raisons.

Heureusement, j’avais pour moi la chance d’avoir un rapport très cordial avec mes élèves. À leur égard, mon seul défaut était d’enseigner… les mathématiques. Certains admiraient même cet entêtement (une folie pour d’autres) de vouloir les convertir au plaisir de cette discipline. J’allais donc profiter de cette sympathie offerte comme une faille. Mieux les connaître, mieux les comprendre. Afin de mieux les surprendre. Au fil des semaines, la confiance s’installant, je compris que pour la majorité, ce rejet trouvait ses origines dans leurs premiers échecs scolaires qui avaient enclenché — insidieusement — le cercle vicieux du désintérêt pour les uns au réel dégoût pour d’autres.

Leurs questions, de plus en plus nombreuses, me prenaient au dépourvu. Ah ! Si seulement ils m’avaient interrogé à propos du théorème fondamental de l’algèbre ou de la méthode de primitivation par parties, j’aurais pu répondre sans l’ombre d’une hésitation. Mon esprit, tel un automate, se serait réfugié dans ces milliers d’heures d’exercices universitaires. Mais non, ce qui les intéressait c’était de savoir qui était Galois, depuis quand existait l’algèbre, avait-on inventé ou découvert les mathématiques ? Sans le savoir et sans mauvaise intention, ils m’acculaient dans mes retranchements. Bien entendu que certaines de ces questions m’avaient déjà effleuré l’esprit mais aucune d’entre elles n’avaient été abordées lors de mon cursus ! Alors, elles étaient restées en l’état. J’avais été préparé à exerciser, pas à raconter. Et c’est ainsi que face à toutes leurs questions, j’ai débuté un long apprentissage. Continuel. Dévorant. Parfois difficile mais toujours passionnant. Je venais d’être diplômé mais j’allais pourtant seulement commencer ma formation.

Rappelez-vous quand même qu’il y a vingt ans, l’internet balbutie et un des premiers ouvrages de vulgarisation mathématique vient juste d’être publié par Denis Guedj avec son théorème du perroquet. Une mine d’or que je n’avais évidemment pas lue à ce moment puisque j’en ignorais l’existence ! Heureusement, depuis lors, beaucoup de choses ont changé et nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir donner du sens aux mathématiques. Il suffit d’ouvrir, ne fut-ce qu’une seule publication de l’APMEP pour s’en rendre compte. Dès ma première année d’enseignement, mes élèves me faisaient donc découvrir un monde de pourquoi, de quand et de comment. Des questions qui allaient m’obséder jusqu’à me faire monter sur scène vingt ans plus tard. Mais avant ça, quelques péripéties du destin m’attendaient sagement.

Naissance d’un projet

En 2004, après quatre années de pratique d’enseignement scolaire, je décide de fonder une association type loi 1901 pour soutenir les élèves en difficulté scolaire. Cela peut vous sembler étrange mais à ce moment-là, en Belgique, il n’existe aucune activité structurelle pour pallier de telles difficultés. Au quotidien, le cours particulier est la seule option possible. Modestement mais avec résolution, je décide donc d’apporter ma pierre à l’édifice d’une éducation plus sereine en créant une école de soutien pour les élèves en difficulté mathématique.

À l’époque, je n’avais aucun objectif d’évolution pour cette école si ce n’était d’avancer sérieusement et consciencieusement. Mais le succès a été rapidement grandissant. Je dirai malheureusement car cela ne révélait ni plus ni moins que la grande fracture entre l’enseignement des mathématiques et les élèves. La bonne nouvelle, c’était que cette fracture n’était peut-être pas une fatalité. Après tout, si des élèves prenaient librement de leur temps pour parfaire leur apprentissage, c’est peut-être qu’ils aimeraient — eux aussi — adorer les mathématiques !

En 2010, six ans plus tard, cette école accueillait au quotidien presqu’un millier d’élèves pour deux cents professeurs accompagnants, tous bénévoles. Au cours de ces années, j’avais réussi à fédérer à mes côtés d’autres enseignants motivés qui pensaient, eux aussi, que savoir était un grand trésor. Face à ce développement, je dus prendre la décision — difficile mais incontournable — de mettre entre parenthèses ma carrière d’enseignant afin de me consacrer entièrement au projet de cette école. Car cela va peut-être vous étonner mais jusque-là, j’étais parvenu à concilier la gestion quotidienne de celle-ci avec mon métier d’enseignant.

À partir de là, j’eus donc le luxe incroyable de pouvoir mettre mes journées entières (et mes soirées aussi, je vous l’avoue) au profit d’une meilleure compréhension des difficultés d’apprentissage des adolescents face aux mathématiques. Tous ces élèves — motivés — m’offraient sans cesse des occasions de découvrir et de comprendre les particularités qui les rebutaient ou les freinaient dans leur évolution. Je pouvais échanger avec eux, seul à seul, en toute confiance puisque je n’avais pas le difficile rapport d’être à la fois le formateur et l’évaluateur.

Une révélation

Un samedi de mars 2014, une illumination soudaine s’est imposée à moi. Un flash. C’était juste après un échange avec des élèves comme j’en avais pourtant l’habitude. Leurs mots avaient-ils été si différents ? Pourquoi avais-je mis autant de temps à comprendre ? Puisque la (dé)motivation était le plus grand frein à leur apprentissage — bien plus que leurs réelles (in)capacités — il suffisait de créer un lieu où tous les élèves seraient irrémédiablement envahis par la beauté des mathématiques, leur plaisir, leur utilité. Un lieu où ils pourraient librement manipuler, découvrir, modéliser. Trois lettres (MdM) qui allaient devenir l’acronyme de la future Maison des Maths. Il suffisait !

Un succès immédiat

Durant trois années, la Maison des Maths va resplendir de sa superbe. Il faut dire que, comparée à la France, la Belgique est un très petit pays ce qui permet à toutes les écoles qui le souhaitent de faire le trajet aller-retour sur la même journée. Notre modus operandi est assez simple: tous les jours de la semaine, nous accueillons des écoles maternelles (4 à 6 ans), primaires (6 à 12 ans) et secondaires (12 à 18 ans) pour passer une journée complète dans ce lieu mathémagique. Au cours de la journée, ces différents groupes sont encadrés par des enseignants que j’ai formés au préalable aux mathématiques non formelles. Jamais, je n’aurai entendu autant de Waooh que durant ces trois années-là. Chaque jour était une façon différente de célébrer les mathématiques et de contaminer le public. J’adorais aussi ces journées particulières où nous accueillions des enseignants qui venaient découvrir comment faire des mathématiques autrement afin de promouvoir ce mouvement dans leurs propres classes.

En mars 2018, il était incontestable que la Maison des Maths remportait un succès incroyable. Le pari avait été très audacieux mais j’avais vu juste. Nous avions jusqu’à six mois d’avance sur les réservations scolaires. C’est d’ailleurs à ce moment que j’ai eu le privilège de recevoir le titre de Wallon de l’année, un prix annuel récompensant une personne, qui, par son action sociale, économique, politique ou culturelle avait le mieux servi les intérêts de la société wallonne. Tout ça, en se mettant uniquement au service des mathématiques. Waooh!

Malheureusement, ce n’est pas pour rien que la Belgique est le pays du surréalisme et Magritte a forcément dû bien rigoler. Malgré la démonstration d’un engouement certain pour les mathématiques, la reconnaissance des bienfaits des journées organisées, l’affluence du calendrier, en juin 2018, par décision politique, les premiers subsides obtenus ne sont pas renouvelés. C’est un couperet net, tranchant et inattendu qui tombe. Un travail gigantesque vient d’être anéanti et réduit en miettes. Je m’effondre. Échec et mat(hs).

Re-Naissance

La suite m’amène à penser que nous bénéficions parfois de ressources insoupçonnées. Ou peut-être était-ce la seule façon de donner un sens à tout ce cheminement depuis l’estrade de mes premières classes ? Après tout, je ne m’étais pas trompé : il est bel et bien possible de donner (du) goût aux mathématiques. Certes le projet de la Maison des Maths est stoppé net dans son élan mais à mieux y réfléchir, c’est loin d’être un échec. Ces trois années n’ont fait que démontrer mes convictions les plus intimes, celles de croire — au risque de me répéter — que les échecs en mathématiques ne sont pas une fatalité. La bêtise des uns et la jalousie d’autres ont eu raison d’un si merveilleux projet, mais pas de ma motivation !

En créant ce lieu mathémagique, ma seule erreur — fatale — avait été de m’obliger à dépendre de subsides sans lesquels les lieux de culture ne peuvent simplement pas exister. Alors, je revois ma copie et je repars de zéro. Fort de l’expérience accumulée durant toutes ces années, je décide d’aller directement dans les écoles afin de proposer des shows mathématiques. C’est la naissance de mon Very Math Trip, un spectacle, très interactif, où les élèves découvrent le fameux Waooh que Martin Gardner, le maître des jeux mathématiques avait déjà baptisé l’effet Aha en 1979 dans son livre Aha ! Insight. Le succès est de nouveau immédiat : dès l’annonce de ces spectacles, mon agenda se remplit instantanément. Il faut dire que je bénéficiais d’une très large couverture médiatique comme défenseur des mathématiques et qu’énormément d’établissements scolaires avaient été frustrés par la fermeture de la Maison des Maths.

En trois mois, ma vie et mes habitudes sont complètement chamboulées. Terminées les réunions avec les pouvoirs publics, finies les supplications de subsides : de la direction d’une équipe très active de quinze personnes, je me retrouve entièrement seul. Le soutien des enseignants me réconforte dans la douleur du gâchis. Non seulement la flamme de la contamination des mathématiques brûle toujours en mon for intérieur mais je m’étonne encore moi-même de découvrir sur les scènes des écoles — ou dans leur hall de sport — combien les mathématiques peuvent envoûter et subjuguer.

Peu à peu, le public s’élargit. On m’invite à jouer ce show pour des journées de formation d’enseignants, des fêtes d’entreprises, des soirées inaugurales, des ouvertures de colloque. Bien sûr, j’essaye à chaque fois d’adapter un tant soit peu le spectacle au public puisque les mathématiques permettent tellement de variations. Et c’est ainsi que germe en moi l’idée que ce one-math-show pourrait peut-être séduire un public encore bien plus large.

Découverte d’un nouveau monde

Et de nouveau, le fil des rencontres se tisse et un nouveau monde s’ouvre sous mes yeux. Un producteur curieux de ma proposition, un travail conséquent avec un metteur en scène parisien chevronné — Thomas Le Douarec — et me voilà propulsé en juillet 2019 dans la cour d’un des plus célèbres festivals mondiaux. Même si c’est avec confiance que je franchis les remparts d’Avignon, je suis bien conscient que la tâche ne sera pas simple. Le festival d’Avignon, c’est une effervescence constante : spectacles joués chaque jour ( !) dans une centaine de lieux différents. Certes, les rues sont foulées par des millions de pas mais le plus simple des calculs arithmétiques me révèle que si les festivaliers se répartissaient uniformément les spectacles, la moyenne en serait de \(7\) spectateurs ! C’est une véritable jungle. Il va donc s’agir de se distinguer. Heureusement, j’ai un moyen qui me semble infaillible : le thème de mon spectacle !

Si vous avez déjà participé au festival d’Avignon, vous savez alors que pour le touriste juillettiste, il est impossible de franchir un pas dans la cité des Papes sans se faire alpaguer par un artiste qui vous expliquera pourquoi son show est unique. Impossible d’aller prendre un verre sans se faire fourguer un tract concernant un show exceptionnel qui se joue dans quelques minutes. Accrocher le chaland afin de remplir sa salle fait partie du quotidien de l’artiste. Les plus petites salles sont de trente places, les plus grandes en contiennent trois-cents. Ma salle, avec ses cent-cinq places, est de taille très respectable pour un premier Avignon… mais il va falloir réussir à la remplir, tous les jours.

Une arme infaillible

À Avignon, la mixité des spectacles est phénoménale: comédie, drame, humour, seul-en-scène, danse, cirque, magie, musique… il y en a pour tous les goûts. Mais j’avais scruté l’énorme programme et j’étais bien le seul à avoir osé mettre en scène les mathématiques. Ce que certains auraient pris pour une faiblesse était en réalité ma botte secrète. La grande force des mathématiques, c’est qu’elles ne laissent personne indifférent: tout le monde a son avis! Et dès lors que le dialogue s’installait en rue, il m’était très facile de prouver combien elles peuvent être surprenantes, drôles, amusantes et même poétiques. Bien peu sont-ils à connaître l’origine du nom de la célèbre multinationale Google, l’histoire incroyable de la double identité de Sophie Germain ou même de simples tours de mentaliste basés sur des rudiments d’algèbre. Je n’avais que l’embarras du choix pour convaincre. Et me voilà sur la merveilleuse Place de l’Horloge, occupé à démontrer à une foule de curieux que oui, il est préférable de modifier son choix pour essayer de découvrir l’objet caché sous un des trois gobelets. Pour peu, j’aurais eu peur de me faire arrêter par la police imaginant que je soumettais une foule de curieux au jeu du bonneteau. Mais non, ce n’était rien d’autre que le célèbre et magique problème de Monty Hall mis en scène.

Au fur et à mesure des journées, le bouche-à-oreille remplissait à merveille sa fonction et les réservations affluaient. Je commençais à remplir la salle plusieurs jours à l’avance. Enfants ou adultes, en couple ou en famille, convaincus ou à convaincre, passionnés ou dégoûtés, le public acceptait mon invitation à (re)découvrir les mathématiques.

Et à la fin de chaque spectacle, l’effet Waooh des mathématiques s’était bien manifesté : ils en demandaient encore ! Les représentations se sont alors enchaînées.

Lors de la dernière représentation du dimanche 28 juillet, mon cœur était serré que ce festival se termine déjà mais tellement heureux que l’appel des mathématiques ait encore convaincu. Moi, je n’en avais jamais douté mais il faut bien avouer que c’était du bout des lèvres que mon producteur avait dit oui quelques mois plus tôt. Loin d’être la fin, c’était en réalité le début de l’aventure artistique : des programmateurs séduits voulaient accueillir Very Math Trip dans leur théâtre !

De la scène au livre

C’est donc avec des étoiles plein les yeux que j’allais profiter du mois d’août pour ajuster les dernières corrections de mon livre dont la sortie était prévue quelques mois plus tard, en novembre 2019. En effet, j’ai peut-être omis ce détail mais, entre-temps, les éditions Flammarion m’avaient contacté, très intrigués par la mise en place de mon spectacle mathématique dont ils avaient eu vent. Un déjeuner dans une petite brasserie parisienne suffit à nous mettre d’accord : mon livre ne serait pas une réécriture du spectacle. Les mathématiques permettent d’ouvrir tant d’horizons alors, pourquoi s’en priver ? Et c’est ainsi que la rédaction des différents chapitres occupa notamment mes nombreux trajets Paris-Mons lors des répétitions avec mon metteur en scène.

Vous pensez que ça fait beaucoup de projets ? Oui… et non car vous aurez remarqué que — sans mauvais jeu de mots — tous ont un dénominateur commun : les mathématiques. Approfondir des sujets pour mon livre me donnait de nouvelles idées pour mon spectacle et vice-versa. Quelle que soit la tâche créative à laquelle vous vous livrez, votre esprit est, dans ces moments-là, en ébullition. Et c’est un formidable luxe de ne pas devoir rejeter une idée sous prétexte qu’elle ne convient pas au support sur lequel vous travaillez !

Un foutu virus

Évidemment, les choses auraient été un peu trop simples si un virus ne s’en était pas mêlé. En mars 2020, dans le cadre de la Semaine des maths et du festival Les Maths en scène, je suis en tournée en Occitanie quand tombe la plus mauvaise des nouvelles : dès le lundi 16 mars, le pays sera confiné pour cause de pandémie mondiale. Coup dur, d’autant plus qu’une semaine plus tard, Very Math Trip devait s’installer à Paris, au Théâtre du Gymnase Marie-Bell pour plus de \(90\) représentations ! J’étais loin de soupçonner que ce n’était malheureusement que le début des annulations.

Toutefois, vous avez suffisamment appris à me connaître pour vous douter que je n’allais pas attendre la délivrance les bras croisés. Puisque le public ne pouvait plus venir à moi, il suffisait d’aller au public. Une caméra, quelques recherches et c’est ainsi qu’en mai 2020, encouragé par Mickaël (Launay), je lance ma chaîne YouTube Very Math Trip. Nouveau support, nouvelles idées. Mais toujours la même volonté de placer les mathématiques sous les feux des projecteurs.

Bien entendu, rien ne peut remplacer un vrai public. Je me languis de cette tournée scolaire suisse de presque trente représentations, de cette rencontre avec l’association francophone pour l’enseignement des mathématiques en Ontario et de toutes ces dates sans cesse reportées.

Mais bientôt, prochainement même, le spectacle vivant pourra de nouveau rayonner. Et dès ce jour-là, comptez sur moi pour faire résonner dans les écoles et dans les salles de spectacle l’effet Waooh des mathématiques !

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Il suffit d’avoir lu cet article pour savoir qui est Manu Houdart! Ajoutons qu’il a remporté le Prix Tangente 2020 et que son livre est nominé au festival «La Science se livre» dans la double catégorie Prix du Jury et Prix du public.
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Pour citer cet article : Houdart M., « Un incroyable Very Math Trip », in APMEP Au fil des maths. N° 540. 21 juillet 2021, https://afdm.apmep.fr/rubriques/opinions/un-incroyable-very-math-trip/.