\(\mathsf{3}\) est-il inférieur ou égal à \(\mathsf{4}\) ?

En cours de mathématiques, lorsque l’on demande à des élèves, quel que soit leur niveau d’enseignement, ce qu’ils pensent de l’affirmation \(\mathsf{3}\leqslant \mathsf{4}\), beaucoup répondent que c’est faux… C’est à partir de ce constat troublant que Georges Mounier nous interpelle.

Georges Mounier

© APMEP Juin 2018

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Pour commencer, voici deux situations que vous avez sûrement déjà vécues :

En classe

Exemple 1 avec des élèves en classe de Seconde

Énoncé : L’affirmation \(\mathsf{3} \leqslant\mathsf{4}\) est-elle vraie ? Justifiez votre réponse.

Réponses d’élèves :
E1 : Elle est vraie et fausse à la fois : vraie car \(\mathsf{3}\) est inférieur à \(\mathsf{4}\), fausse car \(\mathsf{3}\) n’est pas égal à \(\mathsf{4}\).
E2 : Non car \(\mathsf{3}\) ne peut pas être égal à \(\mathsf{4}\).
E3 : Faux parce que \(\mathsf{3}\) est plus petit que \(\mathsf{4}\) mais n’est jamais égal.

Exemple 2 avec des étudiants préparant le concours de professeur des écoles

Énoncé : À la question « remplacer les pointillés dans l’écriture \(\mathsf{3}\ldots\mathsf{4}\) par un symbole de comparaison », un élève A répond \(\mathsf{3}\leqslant\mathsf{4}\). Un élève B, corrigeant la production de A, indique Faux, ce que A conteste. Qu’en pensez-vous ?

Réponses d’étudiants :
E1 : L’élève A a confondu les signes < et \(\leqslant\). B a bien vu que \(\mathsf{3} \neq \mathsf{4}\) et c’est pour ça que l’élève A a faux. Il aurait du écrire \(\mathsf{3}<\mathsf{4}\).
E2 : Inexact mais pas faux.
E3 : L’élève a raison de dire que c’est faux car pour être juste il faudrait \(\mathsf{3}<\mathsf{4}\) ET \(\mathsf{3}=\mathsf{4}\)

L’enseignant qui est confronté à ces réponses est d’abord surpris. Pour lui, si un nombre vérifie la propriété P alors il vérifie la propriété P OU Q. Puis il est démuni devant ces élèves qui n’ont « pas de logique »… Mais au fait, quelle logique ? La logique du cours de mathématiques ne fait pas toujours bon ménage avec celle de la langue française.

Les élèves qui rejettent la proposition \(\mathsf{3} \leqslant \mathsf{4}\) la rejettent parce qu’on ne la rencontre pas dans la «  vraie vie » ! Si on sait que P, on ne va pas dire que P ou Q : ça ne se fait pas. Ici, on ne peut pas faire comme si on ne savait pas que \(\mathsf{3}\) est strictement plus petit que \(\mathsf{4}\). Il ne suffit pas de dire une vérité comme «  \(\mathsf{3}<\mathsf{4}\) ou \(\mathsf{3}=\mathsf{4}\) », il faut dire toute la vérité. Sinon on commet un mensonge par omission. Dans une conversation quotidienne, vous ne pouvez pas omettre un élément crucial d’information. Si par exemple vous avez rencontré un ami d’enfance et que vous parlez de cette rencontre à un ami commun, vous ne pouvez pas omettre le fait que votre ami perdu de vue a gagné le gros lot du loto. C’est le principe du maximum d’information énoncé par Marc Legrand[1].

Revenons à notre inégalité \(\mathsf{3}\leqslant\mathsf{4}\) lue \(\mathsf{3}\) inférieur OU égal à \(\mathsf{4}\).

Les tables de vérité ne sont plus au programme depuis la fin de l’enseignement des «  maths modernes ». On peut douter qu’elles aient permis à une génération de lycéens de mieux appréhender ces difficultés. Elles sont un outil technique de démonstration mais elles n’aident pas à comprendre.

La table de vérité pour P ou Q permet de constater que P ou Q est vraie dès que l’une au moins des deux assertions est vraie, ce qui correspond bien au sens commun.

P Q P ou Q
V V V
V F V
F V V
F F F

Mais ce ne sont pas les propriétés logiques du ou qui peuvent convaincre les élèves récalcitrants. Il faut justifier, auprès de ces élèves, cette perte volontaire d’information qui nous amène à écrire \(\mathsf{3} \leqslant \mathsf{4}\) alors qu’on sait très bien que \(\mathsf{3}<\mathsf{4}\).

Et la justification tient au fonctionnement des mathématiques. Si on sait que l’ensemble des solutions de l’inéquation \(x\leqslant \mathsf{4}\) est formé des nombres qui ne dépassent pas \(\mathsf{4}\), dont \(\mathsf{3}\) fait partie, si on veut que lorsque l’on remplace dans une l’inconnue par une solution, on obtienne une phrase vraie, alors il nous faut accepter que \(\mathsf{3}\leqslant \mathsf{4}\) soit vraie. On retrouve un autre exemple de ce fonctionnement lorsqu’on remplace \(\alpha\in A\) par  \(\alpha\in A\cup B\). C’est le cas lorsqu’on dit : \(\mathsf{ABCD}\) est un rectangle (parce qu’il a quatre angles droits) donc c’est un parallélogramme et il a donc les diagonales qui ont même milieu (propriété des parallélogrammes).

Comment faire concrètement avec nos élèves lorsque les premiers exercices en appellent à évoquer la logique mathématique ? On peut proposer l’activité du manuel PHARE 4e (édition 2007, p.14), (voir extraits ci-dessous) qui permet d’introduire les symboles d’inégalités strictes ou large puis évoquer les différents «  ou » :

  1. le «  ou (exclusif) » du restaurant dans «  fromage ou dessert » ;

  2. le «  ou (inclusif) » du mathématicien «  s’il pleut ou s’il neige, je ne sors pas » ;

  3. le « ou conditionnel » dans «  fais tes exercices ou tu seras sanctionné » que l’on devrait plutôt remplacer par sinon ;

et enfin revenir sur l’inégalité \(\mathsf{3}\leqslant\mathsf{4}\).

En conclusion, une blague célèbre dans le milieu «  logicien » : Monsieur X, logicien, vient d’être papa. Son voisin le félicite et lui demande «  est-ce une fille ou un garçon ? ». Ce à quoi notre logicien répond OUI, laissant le voisin perplexe !

Références

  1. Commission inter-IREM. Enseigner les Maths autrement en Deug A première année, Principes et réalisations. Sous la dir. d’IREM de Lille. . Paris : Publication Inter-IREM-Université, 1990.

  2. Ressources pour la classe de seconde, Notations et raisonnement mathématiques. . 2009.


Georges Mounier est enseignant de mathématiques retraité.

Pour citer cet article : Mounier G., « 3 est-il inférieur ou égal à 4 ? », in APMEP Au fil des maths. N° 528. 4 juillet 2018, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/3-est-il-inferieur-ou-egal-a-4-mounier/.