Martin Barré (1924 – 1993), peintre abstrait français

Les œuvres d’art pour illustrer nos cours de géométrie ne manquent pas et, depuis plusieurs années, les manuels scolaires en proposent. Elles sont l’occasion d’introduire des objets et des concepts mathématiques. Christine Zelty et Valérie Larose vous présentent Martin Barré, peintre abstrait français du XXe siècle, avec l’idée de vous proposer des pistes pour travailler autour de ses œuvres avec vos élèves. De nombreux liens vous permettront de compléter et d’illustrer la fiche sur cet artiste. Si cette idée vous plaît, dites-le nous : les auteures ont d’autres billes artistiques dans leur sac pour de prochaines fiches.

Sur une idée de Christine Zelty
avec la participation de Valérie Larose

© APMEP Septembre 2021

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L’œuvre de Martin Barré, peintre abstrait considéré comme l’un des les plus importants de la seconde moitié du 20e siècle, était à découvrir ou à redécouvrir au Centre Pompidou à Paris  du 14/10/20 au 5/04/21 à l’occasion d’une rétrospective-événement. Crise sanitaire oblige, l’exposition est confinée mais il est possible de la visiter depuis son canapé avec les commentaires de Michel Gauthier, commissaire de l’exposition .

À partir du milieu des années 1950, Martin Barré inaugure la voie d’une abstraction singulière qui n’est ni informelle, ni géométrique. Sa peinture est vite remarquée comme l’une des plus ambitieuses du moment en cherchant davantage à révéler l’espace qu’à produire des formes.

La rétrospective présentée au Centre Georges Pompidou rassemble 66 peintures allant de 1955 à 1992. Elle est divisée en trois thèmes fonctionnant comme des clés de lecture des œuvres : « Une ligne radicale, 1960-1967» , « Le système en question, 1972-1977 » et « Figure, couleur, place, 1979-1992 ». Ces peintures s’offrent à une compréhension immédiate et proposent une pure expérience de la beauté.

« Il n’y a pas de mystique dans cette peinture très pure qui ne vous demande certainement pas de vous abîmer dans la contemplation, mais plutôt d’entrer dans sa dynamique. »

Catherine Millet (critique d’art, commissaire d’exposition et femme de lettres française)

Fig 1 61-T-36, sur le site du centre Pompidou

Dès 1960, Martin Barré fait de la ligne l’élément central de son langage. D’abord tracée directement au tube sur la toile, puis à la bombe aérosol à partir de 1963 et jusqu’en 1967, la ligne possède une double vertu. Bien mieux qu’une forme, elle renvoie au geste qui l’a produite, qu’il s’agisse du mouvement de l’artiste ou de la force avec laquelle la peinture sort du tube ou de la bombe.

À la différence d’une forme, la ligne n’occupe pas la surface du tableau, mais la transforme en espace sous l’effet de la trajectoire qu’elle y dessine.

Après une interruption, Martin Barré reprend la peinture en 1972 et opère par séries avec, pour chacune d’elles, un nouveau vocabulaire de figures géométriques itératives subtilement détournées et une gamme de couleurs toujours restreinte. Après le « grand vide » évoqué par Yve-Alain Bois (commissaire d’exposition, historien et critique d’art) à propos des peintures au tube et des bombages des années 1960, les tableaux des années 1970 nous confrontent à un « trop plein ».

Toutes les séries sont élaborées selon la même méthode :

  • sur un fond blanc, traçage en oblique d’un fragment de grille ;

  • marquage par des hachures ou par un autre moyen de toutes les cases ou de certaines d’entre elles ;

  • passage d’un voile plus ou moins blanc. Et le procédé peut recommencer plusieurs fois, la grille changeant ou non de position, les hachures remplissant d’autres cases ou les mêmes, et dans ce cas avec une orientation identique ou différente, avant le passage d’un nouveau voile.

Un système s’exhibe (lignes, continues ou en pointillé, tirets, transparence des voiles). Dans chaque série, les tableaux sont liés les uns aux autres et chaque série se présente comme une partie d’un tout, d’une grille modulaire dont nous percevons que des détails au hasard.

« Je ne peins pas pour livrer des états d’âme. J’utilise une règle, une règle du jeu ; je la transgresse quand la peinture l’impose. » Martin Barré, 1977.

Fig 2 : 74-75-C, sur le site du Centre Pompidou

Dans les années 1980, la figure revient au premier plan et avec elle c’est aussi la couleur qui s’affirme. Durant cette période, la peinture de Martin Barré emprunte les voies de l’abstraction géométrique et réinstaure le traditionnel rapport figure / fond, qu’elle s’était efforcée de déjouer auparavant.

Dans la série 84-85, une figure de base, un triangle rectangle, fonctionne comme module. Au moins un des côtés de chaque triangle est parallèle aux bords de la toile. Quand deux côtés d’un triangle sont parallèles aux bords de la toile sa couleur est rouge ou verte ; quand un seul de ses côtés l’est, il est jaune

Fig 3 : Série 84-85,sur le site de Christie’s

Dans la série 91-92, un même élément, le trapèze. Les figures colorées sont toutes placées sur le bord supérieur ou inférieur de la toile sur un fond blanc. La place, l’orientation et la couleur des figures sont déterminées par une règle simple : le rose orangé est réservé aux formes tournées vers la gauche et le turquoise à celles tournées vers la droite.

La gamme chromatique est limitée à trois couleurs : le bleu turquoise, le rose orangé et le blanc « couleur de sable ». Chaque composition teste des interactions nouvelles entre les couleurs, parfois au nombre de deux seulement, parfois au nombre de trois. Le turquoise et le rose dessinent des formes trapézoïdales. Les directions diagonales que prennent les formes suggèrent des mouvements dans le tableau.
La deuxième règle que Martin Barré s’est fixée pour la série 91 est la correspondance de la base de chaque forme avec une des bordures du tableau. Les formes défient les limites du cadre, donnant l’impression de sortir du tableau.

Fig 4 : Série 91 – 92 sur le site

Références

  1. Article bien illustré de Catherine Millet sur le site du Centre Pompidou .

  2. Article de Marcel-André Stalter (Professeur émérite d’Histoire de l’Art de l’Université de Lille III) paru dans la revue du Nord (1992) intitulé « Martin Barré : tableaux « 90-91 » et « 91 ») .

  3. Article d’Élisa Fedeli à l’occasion de l’exposition de la série de dix tableaux intitulée « 91 » dans son ensemble à la galerie Nathalie Obadia (Paris) en 2010 .

  4. Catalogue de l’exposition (45€) .

  5. À écouter une vidéo (3’21) « Martin Barré – 65HL » commenté par Michel Gauthier .

Pour citer cet article : Larose V. et Zelty C., « Martin Barré (1924 – 1993), peintre abstrait français », in APMEP Au fil des maths. N° 541. 23 décembre 2021, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/martin-barre-1924-1993-peintre-abstrait-francais/.

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