Mathémagie au collège

Adeptes de la mathémagie, voici un article de Dominique Souder fait pour vous : ces quelques tours très ludiques feront le bonheur d’un club math de collège. Au programme : calcul mental, décomposition d’un nombre en base 2, calcul littéral… Avec en prime des conseils de mise en scène pour épater votre public.

Dominique Souder

© APMEP Mars 2020

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Un tour de mentalisme interactif

Ce premier tour étonnant donne à travailler au mathémagicien aussi bien qu’aux quatre participants. Il demande au mathémagicien une bonne aisance en calcul mental : il faudra donc s’entraîner ! Et ça tombe bien, vous êtes justement professeur de mathématiques.

Déroulement

Le magicien fait venir quatre spectateurs sur scène et leur distribue à chacun une petite ardoise, un feutre ou une craie, ainsi qu’une feuille de papier et un crayon qui serviront à faire une addition. Le magicien s’assoit sur une chaise, on lui bande les yeux : il déclare que cela ne l’empêchera pas de lire dans les pensées des quatre personnes même si elles ne le lui donnent que peu d’indices.

Chacun des quatre spectateurs doit maintenant écrire sur son ardoise un nombre de trois chiffres et laisser cette ardoise visible des trois autres spectateurs.

Chacun des quatre spectateurs doit ensuite poser sur sa feuille de papier l’addition des trois nombres écrits sur leurs ardoises par les autres spectateurs.

Puis chaque spectateur révèle au magicien le total de trois nombres qu’il vient d’ajouter.

Le magicien demande à réentendre le total donné par le premier spectateur : il lui dit alors quel est le nombre que celui-ci avait écrit sur son ardoise. C’est ensuite le tour du spectateur numéro 2 de donner le total qu’il a calculé : le magicien révèle alors le nombre écrit sur l’ardoise du deuxième spectateur. Et ainsi de suite pour les troisième et quatrième spectateurs.

Explication

Soient \(a\), \(b\), \(c\), \(d\) les quatre nombres écrits sur les ardoises.

Le premier spectateur calcule \((b+c+d)\), le deuxième \((a+c+d)\), le troisième \((a+b+d)\), le quatrième \((a+b+c)\).

Le magicien ajoute de tête (les yeux bandés) les quatre nombres, dont le total fait \((3a+3b+3c+3d)\) donc 3 fois \((a+b+c+d)\). Il divise ensuite ce total par 3 et trouve le total \(a+b+c+d = T\) des quatre nombres inventés par les spectateurs. Quand il fait répéter au premier spectateur le total calculé par celui-ci, il le soustrait du total \(T\) pour trouver le nombre de ce premier spectateur. En effet \(T- (b+c+d) = a\).

Quand il fait répéter au deuxième spectateur le total calculé par celui-ci, il le soustrait du total \(T\) pour trouver le nombre de ce deuxième spectateur. En effet \(T- (a+c+d) = b\).

Quand il fait répéter au troisième spectateur le total calculé par celui-ci, il le soustrait du total \(T\) pour trouver le nombre de ce troisième spectateur. En effet \(T- (a+b+d) = c\).

Quand il fait répéter au quatrième spectateur le total calculé par celui-ci, il le soustrait du total \(T\) pour trouver le nombre de ce quatrième spectateur. En effet \(T- (a+b+c) = d\).

Pour réussir son tour le magicien doit donc être capable de faire de tête :

  • une addition de quatre nombres (de trois ou quatre chiffres) ;

  • une division par 3 ;

  • quatre soustractions.

Avec un peu d’entraînement ce n’est pas si difficile !

Vous pouvez commencer pour vous entraîner à jouer avec des nombres à deux chiffres au lieu de trois.

Le jeu de l’anneau

Voici un deuxième tour convivial, qui permet de faire participer neuf spectateurs chaque fois. Moins exigeant à mettre en œuvre que le précédent, l’explication permet de travailler la numération et le calcul littéral.

Déroulement

On convient, avec une société de neuf personnes maximum, qu’à notre insu chacune d’elles s’attribuera un numéro d’ordre et que l’une d’elles prendra un anneau et le mettra à une phalange déterminée d’un de ses doigts. Une personne de la société notera le numéro du doigt et celui de la phalange. Par exemple, le petit doigt de la main gauche aura le n° \(1\), l’annulaire le n° \(2\), etc., le pouce gauche le n° \(5\), le pouce de la main droite le n° \(6\), etc. jusqu’au petit doigt de la main droite qui sera le n° \(10\).

La phalange de l’extrémité d’un doigt aura le n° \(1\), la suivante le n° \(2\) et la dernière le n° \(3\).

Il s’agit pour le magicien de découvrir quelle personne porte l’anneau, à quel doigt et à quelle phalange. Il demande à la personne de la société de se charger des calculs suivants :

  • multiplie par \(2\) le numéro d’ordre du doigt ;

  • ajoute \(7\) ;

  • multiplie par \(5\) ;

  • ajoute \(10\) ;

  • ajoute le numéro de la phalange ;

  • multiplie par \(10\) ;

  • ajoute le numéro de la personne ;

  • combien trouves-tu ?

Le magicien peut alors annoncer quelle est la personne qui a l’anneau, à quel doigt et à quelle phalange.

Explication :

Soit \(a\) le numéro du doigt, \(b\) le numéro de la phalange, et \(c\) le numéro de la personne (\(1\leq a \leq 10\) ; \(1\leq b \leq 3\), \(1\leq c \leq 9\)).

Les calculs évoluent ainsi :

\(a\) ; \(2a\) ; \(2a + 7\) ; \(5(2a + 7)\) = \(10a + 35\) ; \(10a + 35 +10 = 10a + 45\) ; \(10a + 45 + b\) ; \(10(10a + 45 + b) = 100a +450 +10b\) ; \(100a + 450 +10b + c =
100a + 10b +c + 450\)
.

Il suffit au magicien d’enlever \(450\) au résultat donné pour trouver \(100a +
10b + c\)
qui correspond à l’écriture des trois numéros à trouver.

Exemple : pour le doigt \(4\), la phalange \(2\), et la personne \(6\), les calculs évoluent ainsi : \(4\), \(8\), \(15\), \(75\), \(85\), \(87\), \(870\), \(876\).

Le magicien calcule : \(876 – 450 = 426\) donc il s’agit du doigt \(4\) et de la phalange \(2\) de la personne \(6\).

Remarques :
  • Le résultat peut avoir quatre chiffres et non trois.

    Exemple pour le \(10\)e doigt, la phalange \(1\) et la personne \(7\) : on obtient successivement \(10\) ; \(20\) ; \(27\) ; \(135\) ; \(145\) ; \(146\) ; \(1460\) ; \(1467\).

    Le magicien calcule \(1467- 450 = 1017\). Au lieu du chiffre des centaines il faut considérer le nombre de centaines qui est \(10\) ce qui correspond au \(10\)e doigt, ensuite c’est la phalange \(1\), et c’est la personne \(7\).

  • Pourquoi neuf personnes maximum ? En fait, on pourrait en prendre dix, mais à partir de onze, si le chiffre des unités est \(1\), le magicien ne peut pas déterminer de façon unique le numéro de la personne.

Les seize mathématiciens

Une façon de jouer ensemble est d’associer deux mathémagiciens pour surprendre le public. Les deux magiciens peuvent être un professeur et un élève, ou deux élèves sur la même longueur d’onde. Dans tous les cas, il va falloir bien s’entendre…

Avant de découvrir le tour en lui-même, commençons par un détour culturel, qui servira d’introduction au tour :

Myr et Myroska était un couple français de vedettes internationales du music-hall qui donna sa première représentation à Bordeaux en 1944 et fit ses adieux au théâtre Princesse Grace de Monte-Carlo en 1984. Ils durent leur popularité en France à leur amitié avec Jean Nohain qui programmait régulièrement leur numéro dans ses émissions de variétés, dont Trente-six chandelles, première grande émission de variétés de la télévision française naissante. Praticiens du mentalisme, stars de la télépathie de music-hall, ils se sont produits avec un grand succès un peu partout dans le monde durant plusieurs décennies. Ils ne revendiquaient ni pouvoirs extra-sensoriels, ni trucages. Leur numéro inspira à Pierre Dac son sketch Madame Arnica, devenu avec Francis Blanche le fameux sketch Le Sâr Rabindranath Duval (1957). Myr et Myroska terminaient toujours leur spectacle par : «S’il n’y a pas de truc c’est formidable, mais s’il y a un truc, reconnaissez que c’est encore plus formidable.»

Voici donc le tour, qui se veut un clin d’œil nostalgique à Myr et Myroska… Même si notre but ici n’est pas de faire admirer des magiciens ayant des pouvoirs supranormaux, mais de mettre en valeur les mathématiques.

Déroulement

Au départ le magicien numéro 2 (que l’on notera M2) se tient en retrait de façon à ne pas pouvoir voir ou entendre ce qui se passe entre le magicien numéro 1 (qu’on notera M1) et le public. Quand M2 revient, c’est pour révéler le choix du spectateur qui a été fait selon les instructions de M1.

M1 introduit le tour en évoquant Myr et Myroska, qui communiquaient oralement plus que visuellement, comme cela va se dérouler entre les deux mathémagiciens.

Ensuite, M1 présente un tableau contenant les portraits de seize mathématiciens célèbres. Un spectateur, prétendument choisi pour ses qualités de médium, désigne l’un d’eux du doigt. M2 peut entendre, il est assis à dix mètres et ne voit rien, mais il a une copie de ce tableau sur une table sous ses yeux (voir le tableau des seize mathématiciens ci-dessous et ici : ).


ABEL Niels Henrik
1802-1829

BÉZOUT Étienne
1730-1783

CAUCHY Augustin-Louis
1789-1857

CANTOR Georg
1845-1918

KOWALEVSKI Sophie
1850-1891


EULER Leonhard
1707-1783

FERMAT Pierre (de)
1601-1665

NOETHER Amalie Emmy
1882-1935

FOURIER Joseph
1768-1830

GALOIS Évariste
1811-1832

GAUSS Carl Friedrich
1777-1855

GÖDEL Kurt
1906-1978

HILBERT David
1862-1943

KHAYYAM Omar
1048-1131

GERMAIN Sophie
1776-1831

MONGE Gaspard
1746-1818

C’est M2 qui interroge M1, sur la base de questions apparemment anodines et visant à laisser planer une ambiance pleine de mystère. Par exemple : «Selon vous, le spectateur a-t-il un signe zodiacal lié au feu ?», «Dispose-t-il de capacités paranormales hors du commun ?», «Selon vous, dans son choix, est-ce principalement son hémisphère droit (plus créatif) qui a été sollicité ?», «Selon vous, le spectateur a-t-il des ascendances berrichonnes (pays de sorciers) ?», etc.

M1 répond de façon tout aussi insignifiante au premier abord («Oui, le spectateur semble avoir un signe zodiacal lié au feu», «Non, il ne paraît pas avoir des capacités paranormales hors du commun» etc.).

Explication

Aucune explication ne sera bien évidemment donnée au public, mais seules les réponses «oui» ou «non» de M1 permettent à M2 de s’y retrouver ; le premier «oui» ou «non» correspond à 1 ou 0, le deuxième «oui» ou «non» correspond à 2 ou 0, le troisième à 4 ou 0, le quatrième à 8 ou 0. M2 ajoute les points ce qui donne un nombre entre 0 et 15 : pour les nombres de 1 à 15, ce nombre est la position du mathématicien parmi les 15 dans le tableau ci-dessous ; pour 0, on convient que c’est la position marquée 16 sur le tableau…

1 2 3 4
5 6 7 8
9 10 11 12
13 14 15 16

Cela demande donc à M1 d’avoir décomposé en base \(2\) le nombre correspondant au mathématicien choisi par le spectateur, et à M2 de le à partir des «oui» et «non» de M1. Bluffant, non ?

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Dominique Souder, enseignant retraité, est depuis longtemps un créateur et diffuseur reconnu de mathémagie. Il a édité de nombreux livres à ce sujet. Les deux derniers, « Tours de magie pour devenir un as en calcul mental » et « Tours de magie expliqués par des bienfaits du calcul littéral » sont parus en format numérique ePub.

Pour citer cet article : Souder D., « Mathémagie au collège », in APMEP Au fil des maths. N° 535. 22 mai 2020, https://afdm.apmep.fr/rubriques/recreations/mathemagie-au-college/.
Pour citer cet article : Souder D., « Mathémagie au collège », in APMEP Au fil des maths. N° 535. 22 mai 2020, https://afdm.apmep.fr/rubriques/recreations/mathemagie-au-college/.

Une réflexion sur « Mathémagie au collège »

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