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2.1 La dimension 1

Barycentres (suite 4)

© APMEP Juin 2020

1.4 Le barycentre en géométrie euclidienne

On se place en contexte euclidien en dimension deux ou trois. Une question assez naturelle est de savoir s’il est possible d’étudier les propriétés euclidiennes à l’aide du calcul barycentrique; dit autrement, peut-on définir un produit scalaire sur les points massifs qui ait quelque chose à voir avec le produit scalaire usuel ? Une réponse partielle sera fournie plus loin.

La fonction scalaire de Leibniz

On associe à un système de points massifs \((\lambda_k,\,\mathsf{A}_k)_{1 \leqslant
k \leqslant n}\)
le champ scalaire \[\Psi\colon \mathsf{M}\longmapsto\sum_{k=1}^n \lambda_k \mathsf{MA}_k^2.\]

On peut toujours supposer que la masse \(\lambda\) du système est positive. Physiquement, si les \(\lambda_k\) sont des masses, \(\Psi(\mathsf{M})\) est de dimension « \(M\cdot L^2\) » et est un moment d’inertie, c’est-à-dire une grandeur qui mesure la résistance du système matériel à sa mise en rotation autour du point \(\mathsf{M}\). On peut aussi observer qu’en dimension \(1\), \(\Psi(x)=\displaystyle\sum_{k=1}^n \lambda_k\,(x-a_k)^2\) mesure la dispersion des \((\lambda_k,\,a_k)\) par rapport à \(x\), et c’est également une inertie.

L’étude de ce champ repose sur la réécriture \(\mathsf{MA}^2=\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut\mathsf{MA}\mkern2mu}^2\). Si \(\Phi\) est le champ vectoriel de Leibniz associé, un calcul simple donne :

\[\tag{7}\Psi(\mathsf{N})-\Psi(\mathsf{M})=2\,\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
\mathsf{NM}\mkern2mu}\cdot \Phi(\mathsf{M})+\left(\sum_k\lambda_k\right)
\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut\mathsf{NM}\mkern2mu}^2.
\label{equa6}\]

Faisons un aparté : en posant \(\mathsf{N}=\mathsf{M}+\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut h\mkern2mu}\), on a : \[\Psi(\mathsf{M}+\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
h\mkern2mu})-\Psi(\mathsf{M})=-2\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut h\mkern2mu}\cdot
\Phi(\mathsf{M})+ \left(\sum_k \lambda_k\right)\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
h\mkern2mu}^2\]
qui est un développement limité à l’ordre \(1\) de \(\Psi\) qui prouve que \(\Psi'(\mathsf{M})= \overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut h\mkern2mu} \longmapsto
-2\,\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut h\mkern2mu}\cdot\Phi(\mathsf{M})\)
. Un physicien dirait que le gradient de \(\Psi\) en \(\mathsf{M}\) est \(-2\Phi(\mathsf{M})\). Le champ \(\Phi\) étant central ou constant, ses lignes de champ sont des droites concourantes ou parallèles; les trajectoires orthogonales sont alors des cercles (ou sphères) centrés sur le centre du champ ou des droites (ou plans) orthogonaux à la direction du champ.

On obtient la détermination des courbes (ou surfaces) de niveau de \(\Psi\) de façon élémentaire ce qui constitue un objectif standard dans l’étude des champs scalaires. En effet, on a :

  • si \(\displaystyle\lambda=\sum_k \lambda_k \neq 0\) alors (formule de Leibniz) \[\Psi(\mathsf{M})=\lambda\mathsf{MG}^2+\Psi(\mathsf{G})\]

    \(\mathsf{G}\) est le barycentre des \((\lambda_k,\,\mathsf{A}_k)\); on en déduit que les courbes de niveau (non vides) de \(\Psi\) sont des cercles (sphères) centrés en \(\mathsf{G}\) et que \(\Psi\) présente un minimum strict au barycentre du système. On retrouve en dimension \(1\) la propriété de minimalité de la dispersion qui sert à définir la variance d’une série statistique. En mécanique, la formule est la formule de Huygens sur les moments d’inertie14.

    Au besoin \(\Psi(\mathsf{G})\) peut être exprimé en fonction des seuls \((\lambda_k,\,\mathsf{A}_k)\). Par exemple, pour \(n=3\), on a : \[\Psi(\mathsf{G})=\frac{\lambda_1\lambda_2\mathsf{A}_1\mathsf{A}_2^{2}+
    \lambda_2\lambda_3\mathsf{A}_2\mathsf{A}_3^{2}+
    \lambda_3\lambda_1\mathsf{A}_3\mathsf{A}_1^{2}}
    {\lambda_1+\lambda_2+\lambda_3}\cdotp\]

  • si \(\lambda =0\) alors \(\Phi\) est constante et \[\Psi(\mathsf{M})=\Psi(\mathsf{N})+
    2\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut\mathsf{MN}\mkern2mu}\cdot\Phi(\mathsf{N})\]
    ce qui montre que \(\Psi\) est une forme affine.

    En particulier si la fonction vectorielle \(\Phi\) est identiquement nulle, \(\Psi\) est constante.

    Si on pose \(\Phi(\mathsf{N})=\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut V\mkern2mu}\neq
    \overrightarrow{\mkern0.1mu 0\mkern1mu}\)
    , les courbes de niveau sont alors des droites (plans) orthogonales à \(\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
    V\mkern2mu}\)
    .

Les cas de base sont \(\Psi(\mathsf{M})=\mathsf{MA}^2+ \lambda^2\mathsf{MB}^2\), dont \(\lambda=1\), \(\Psi(\mathsf{M})=\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2\) et \(\Psi(\mathsf{M})=\mathsf{MA}^2-
\lambda^2\mathsf{MB}^2\)
en supposant \(\mathsf{A}\neq\mathsf{B}\) et \(\lambda>0\).

Ce dernier champ apparaît lorsqu’on étudie l’ensemble des points \(\mathsf{M}\) vérifiant \(\dfrac{\mathsf{MA}}{\mathsf{MB}}=\lambda\) (\(\lambda>0\)). Outre la médiatrice de \([\mathsf{A}\mathsf{B}]\) (\(\lambda=1\)), on trouve une famille de cercles (ou de sphères) dont les diamètres sont les deux points de \((\mathsf{AB})\) barycentres de \((1,\,\mathsf{A})\) et \((\pm \lambda,\,\mathsf{B})\); on appelle cette famille un faisceau de cercles à points limites et son étude a fait la joie de ceux qui ont passé le baccalauréat C avant 1971. On rencontre ce genre de lieu lorsque l’on cherche la surface de potentiel nul du champ créé par deux charges de signes opposés : \(V=\mathsf{C}\left(\dfrac{q_\mathsf{A}}{r_\mathsf{A}}-\dfrac{q_\mathsf{B}}{r_\mathsf{B}}\right)\cdotp\)

Le fait que leurs courbes de niveau sont des droites (ou plans) ou des cercles (ou sphères) permet de réinvestir ces fonctions scalaires dans divers problèmes, par exemple d’alignement ou de concours. En effet, \(\Psi(\mathsf{M})=\Psi(\mathsf{M}_0)\) est l’équation de la courbe (ou surface) de niveau passant par \(\mathsf{M}_0\), équation qui code intrinsèquement et parfois de façon plus perceptible que ne le fait une équation analytique l’information relative à la configuration.

Donnons un exemple simple : dans le plan, la forme \(\mathsf{M}\longmapsto\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2\) admet pour courbe de niveau les droites perpendiculaires à \((\mathsf{AB})\) (toutes les droites). Par exemple, la courbe de niveau \(0\) est la médiatrice du segment \([\mathsf{A}\mathsf{B}]\). L’équation de cette médiatrice est donc \(\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2=0\); de même, les équations des deux autres médiatrices sont \(\mathsf{MB}^2-\mathsf{MC}^2=0\) et \(\mathsf{MC}^2-\mathsf{MA}^2=0\); or on a, pour tout \(\mathsf{M}\), \((\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2)+(\mathsf{MB}^2-\mathsf{MC}^2)+(\mathsf{MC}^2-\mathsf{MA}^2)=0\), c’est-à-dire que les équations des trois médiatrices sont linéairement liées, donc ces droites sont concourantes (en excluant le cas parallèles). Cette méthode n’a rien d’extraordinaire certes par rapport à la méthode utilisant \(\mathsf{MA}=\mathsf{MB}\)… mais elle s’applique aussi facilement au concours des hauteurs : la hauteur issue de \(\mathsf{C}\) est perpendiculaire à \((\mathsf{AB})\) donc est courbe de niveau de \(\mathsf{M}\longmapsto\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2\) et comme elle passe par \(\mathsf{C}\), son équation est \(\mathsf{MA}^2-\mathsf{MB}^2=\mathsf{CA}^2-\mathsf{CB}^2\). On procède ensuite comme avec les médiatrices. On en déduit aussi que \(\mathsf{HA}^2+\mathsf{BC}^2=\mathsf{HB}^2+\mathsf{CA}^2=\mathsf{HC}^2+\mathsf{AB}^2\); on verra dans la deuxième partie comment ceci peut être généralisé à l’étude du tétraèdre orthocentrique.

Un cas important où \(\Psi\) est constant conduit à une relation célèbre : soit \(\mathsf{A}\), \(\mathsf{B}\), \(\mathsf{C}\) trois points alignés; le système \((\overline{\mathsf{BC}},\,\mathsf{A})\), \((\overline{\mathsf{CA}},\,\mathsf{B})\), \((\overline{\mathsf{AB}},\,\mathsf{C})\) est en équilibre, donc le champ scalaire \(\Psi\) est constant et un calcul simple donne, pour tout point \(\mathsf{M}\) (du plan ou de l’espace) : \[\overline{\mathsf{BC}}\cdot\mathsf{MA}^2+\overline{\mathsf{CA}}
\cdot\mathsf{MB}^2+\overline{\mathsf{AB}}\cdot
\mathsf{MC}^2+\overline{\mathsf{AB}}\cdot\overline{\mathsf{BC}}\cdot
\overline{\mathsf{CA}}=0\]
qui constitue la relation de Stewart15. On peut envisager bien d’autres démonstrations, en particulier analytique. Cette relation est un véritable couteau suisse pour obtenir des relations métriques dans les configurations planes. Par exemple, on peut déterminer l’expression de la longueur des médianes, ou des bissectrices tant intérieures qu’extérieures en fonction des côtés du triangle. Euler donna une solution du problème de Castillon s’appuyant sur cette relation.


  1. Le moment d’inertie d’un système par rapport à un axe est plus utile que celui par rapport à un point; il possède des propriétés totalement similaires, en particulier avec un équivalent du théorème de Huygens.

  2. Mathieu Stewart (1717-1785) est un mathématicien écossais.

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2.1 La dimension 1

Pour citer cet article : Beck V., Boucher F. et Gauthier G., « 1.4 Le barycentre en géométrie euclidienne », in APMEP Au fil des maths. N° 536. 2 juillet 2020, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/1-4-le-barycentre-en-geometrie-euclidienne/.

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