1.4 Le barycentre en géométrie euclidienne

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2.2 Moyennes en probabilités/statistique

Barycentres (suite 5)

© APMEP Juin 2020

2.1 La dimension 1

C’est une dimension plus fondamentale qu’il n’y paraît — explorable très tôt — avec au moins deux modèles à faire coexister : d’une part l’ensemble des réels \(\mathbb{R}\) avec ses multiples structures — en particulier affine17 — et d’autre part « la » droite affine, objet sans doute un peu trop abstrait, qu’il vaut mieux imaginer plongée dans le plan du tableau (ou de l’écran). La graduation est l’outil qui fait le lien entre les deux. Une difficulté majeure est bien sûr la manipulation du symbole \(\displaystyle\sum\) et des indices muets. Fixer un \(n\) raisonnable, ou utiliser une écriture avec des points de suspension est toujours possible.

Le milieu \(\mu=\dfrac{x+y}{2}\), la moyenne arithmétique \(\displaystyle\mu=\frac{1}{n}\sum\limits_{k=1}^nx_k\) et plus généralement la moyenne pondérée \(\displaystyle\mu=\sum\limits_{k=1}^n w_k\,x_k\) (avec \(\displaystyle\sum_k w_k =1\)) sont des objets familiers comme nombres ; mais quand on dessine une droite de points au tableau, pour y voir des réels, on a besoin d’une graduation et la chose importante est que ce que l’on veut illustrer est indépendant de la graduation choisie ; or, dans l’univers affine de la droite, les changements de graduations sont de la forme \(x’=ax+b\), \(a
\neq 0\)
18.

Ainsi l’égalité simple à vérifier \[a\mu+b=\sum_k w_k\,(a\,x_k+b)\] peut être vue comme l’invariance des moyennes pondérées sous l’action d’une application affine \(x \longmapsto ax+b\) qui agit sur les points en agissant sur leur abscisse — l’image de la moyenne est la moyenne des images — mais aussi comme une invariance par changement de graduation donc comme l’invariance de la relation linéaire existant entre les points d’abscisse \(\mu,\,x_1,\,\dots,\,x_n\), soit \(\displaystyle\mathsf{M}=\sum_k w_k\,X_k\) qui mérite alors le caractère de relation affine. On a là une dualité d’interprétation classique des formules de changement de repère que les mathématiciens américains Mac Lane et Birkhoff appelaient version alibi pour la première et version alias pour la seconde.

La version alibi peut être utilisée sous la forme \[\mu=\sum_k w_k\,(x_k-b)+b\] pour calculer mentalement une moyenne en l’estimant à vue (à la valeur \(b\)).

La relation \(\displaystyle\sum_k w_k\,(x_k-\mu)=0\) est alors évidente.

Il semble naturel de se demander si les applications affines sont les seules à posséder cette propriété d’invariance, ce qui amène à étudier, sur un cas très simple, la problématique des équations fonctionnelles : trouver toutes les applications \(f\) de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{R}\) telles que, pour tout \(x\), \(y\), \(\lambda\) réels, \[f((1-\lambda)x+\lambda y)=(1-\lambda)f(x)+\lambda f(y).\] Les moyennes arithmétiques possèdent bien sûr toutes les propriétés du barycentre, en particulier l’associativité ce qui permet au lycéen astucieux de mettre à jour sa moyenne \(\displaystyle\mu_n=\frac{1}{n}\sum_{k=1}^nx_k\) sans tout recalculer via l’égalité barycentrique \[\mu_{n+1}=\frac{n\mu_n+x_{n+1}}{n+1}\] peut-être plus utile sous la forme vectorielle \[\mu_{n+1}-\mu_n=\frac{1}{n+1}(x_{n+1}-\mu_n).\] Un sujet très classique autour de l’associativité est celui du paradoxe de Simpson. On considère deux populations \(P_1\) et \(P_2\) d’effectifs \(n_1\) et \(n_2\), deux sous-populations \(H\) et \(F\) avec des sous-effectifs respectifs \(n_1^H,\,n_2^H\) et \(n_1^F,\,n_2^F\) et un caractère numérique \(S\). Soit enfin \[\overline{S}_i=\frac{n_i^H \overline{S}_i^H+n_i^F\overline{S}_i^F}{n_i^H+n_i^F}
\text{ pour }i=1,\,2\]
les moyennes du caractère \(S\) calculées pour les deux populations comme barycentres des moyennes sur les sous-populations. Le paradoxe est le suivant : on peut avoir \(\overline{S}_1^H<\overline{S}_2^H\) et \(\overline{S}_1^F < \overline{S}_2^F\) et pourtant \(\overline{S}_1>
\overline{S}_2\)
.

La lourdeur des notations brouillent le problème ; acceptons de perdre un peu d’information en posant \(a = n_1^H\overline{S}_1^H\) \(b=n_1^H\), \(a’ =
n_2^H\overline{S}_2^H\)
\(b’=n_2^H\), \(c=n_1^F\overline{S}_1^F\), \(d=n_1^F\), \(c’=n_2^F\overline{S}_2^F\), \(d’=n_2^F\).

Le problème devient : trouver \(a\), \(b\), \(c\), \(a’\), \(b’\), \(c’\), \(d’\) strictement positifs tels que \[\frac{a}{b}<\frac{a’}{b’}\text{ et }\frac{c}{d}<\frac{c’}{d’}
\text{ et }\frac{a+c}{b+d}>\frac{a’+c’}{b’+d’}.\]
Apparaît ainsi le rôle de l’addition des cancres, ainsi dénommée par notre collègue Ferréol , qui n’est pas compatible avec l’ordre. En interprétant les rapports comme des pentes, la figure ci-dessous illustre clairement la possibilité du paradoxe.

On trouvera dans l’article de Jean-Paul Delahaye [11] des exemples réels très troublants et un essai d’analyse logique pour se sortir du paradoxe.

Tout réel \(x\) est barycentre de deux réels \(a\) et \(b\) (\(a\neq b\)) ; il est utile de savoir écrire cela en toute généralité sous la forme \((1-\lambda)a+\lambda b\) \[x=\frac{x-b}{a-b}a+\frac{x-a}{b-a}b\] avec vérification en prenant \(x=a\) puis \(x=b\) (condition nécessaire et suffisante d’égalité de deux fonctions affines).

Une autre écriture avec des combinaisons linéaires de points est \[\mathsf{M}=\frac{\overline{\mathsf{BM}}}{\overline{\mathsf{BA}}}\mathsf{A}+
\frac{\overline{\mathsf{AM}}}{\overline{\mathsf{AB}}}\mathsf{B}\]
ou sous forme d’équilibre \[\overline{\mathsf{AB}}\cdot\mathsf{M}+\overline{\mathsf{BM}}\cdot\mathsf{A}+
\overline{\mathsf{MA}}\cdot\mathsf{B}=0.\]
Notons que la connaissance du rapport des coefficients \(-\dfrac{\overline{\mathsf{BM}}}{\overline{\mathsf{AM}}}\) permet d’écrire mécaniquement la combinaison linéaire précédente.

Un graphique des plus utiles.

Compléter un tableau de proportionnalité, ou de correspondance affine est presque un jeu d’enfant ; par exemple, la recherche d’une « ordonnée à l’origine » \[\begin{array}{|c|c|c|}
\hline
\strut -1 & 4 & 0 \\ \hline
\strut {2,5} & -3 & ? \\ \hline
\end{array}\]
Il suffit19 d’écrire \(0\) comme barycentre de \(-1\) et \(4\) : \[\begin{array}{|c|c|c|}
\hline
-1 & 4 & 0=\dfrac{4\mathstrut}{5\mathstrut}\times(-1)+\dfrac{1\mathstrut}{5\mathstrut}\times 4 \\
\hline
{2,5} & -3 & ?=\dfrac{4\mathstrut}{5\mathstrut}\times{2,5}+\dfrac{1\mathstrut}{5\mathstrut}\times(-3)={1,4}\\
\hline
\end{array}\]

Tout aussi bien cela permet d’écrire l’équation d’une droite passant par deux points en utilisant la conservation de la barycentration \[\begin{array}{|c|c|c|}
\hline
-1&4&x=\dfrac{x-4\mathstrut}{-5\mathstrut}\times(-1)+
\dfrac{x+1\mathstrut}{5\mathstrut}\times 4\\
\hline
{2,5}&-3&y=\dfrac{x-4\mathstrut}{-5\mathstrut}\times({2,5})+
\dfrac{x+1\mathstrut}{5\mathstrut}\times(-3)=-{1,1}x+{1,4}\\
\hline
\end{array}\]
technique dans laquelle le lecteur reconnaîtra l’interpolation de Lagrange ; les équations paramétriques barycentriques des droites ne sont pas loin.

On peut s’intéresser aux fonctions polynômes \[x\longmapsto\sum_{k=1}^n\lambda_k(x-a_k)^2\] dans lesquelles on reconnaît les fonctions scalaires de Leibniz en dimension \(1\). La fameuse « forme canonique » de ces fonctions est ici fournie, en toute généralité, par la formule de Leibniz, mais peut faire l’objet d’un travail préalable selon ce que l’on souhaite faire travailler. Le cas « masse nulle » est d’ailleurs intéressant à étudier. Ici encore les LGD permettent de voir l’influence des différentes variables sur les propriétés de la fonction.

Pour clore ces quelques pistes d’étude en dimension \(1\), on peut s’intéresser, à titre de comparaison, à d’autres moyennes : géométrique, quadratique, harmonique et plus généralement une \(f\)-moyenne ; ce thème est aujourd’hui très bien documenté. L’utilité spécifique de ces diverses moyennes mérite le détour et leur comparaison (en tant que nombres réels) est classique ; en particulier \[\frac{1}{n}\sum_{k=1}^n |x_k| \leqslant
\sqrt{\frac{1}{n}\sum_{k=1}^nx_k^2}\]
dont on peut donner de nombreuses démonstrations, par exemple l’étude du signe de la fonction de Leibniz ci-dessus.


  1. Définie par \(\overrightarrow{\mkern0.5mu\mathstrut
    xy\mkern2mu}=y-x\)
    .

  2. Les collègues en exercice en 4 dans les seventies penseront avec nostalgie (ou effroi) à la définition de la droite affine.

  3. Il n’est pas sûr que ceci soit plus facile pour l’élève standard que l’utilisation de la constance du rapport \(\dfrac{\Delta
    y}{\Delta x}\cdotp\)

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2.2 Moyennes en probabilités/statistique

Pour citer cet article : Beck V., Boucher F. et Gauthier G., « 2.1 La dimension 1 », in APMEP Au fil des maths. N° 536. 2 juillet 2020, https://afdm.apmep.fr/rubriques/ouvertures/2-1-la-dimension-1/.

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