La résolution de problèmes
au cœur des apprentissages
Des figures en évolution : les carpettes carrées est paru en 2018 dans la revue Losanges n° 40 [1]. Nos collègues du CREM1 se sont emparées d’un problème du Rallye Mathématique Transalpin [2] et nous proposent différentes pistes d’exploitation que nous pouvons réinvestir chez nous dès le cycle 4. Chercher, modéliser, représenter, raisonner, calculer, communiquer… sont travaillés tour à tour. De plus, l’activité permet d’établir des liens entre les cadres géométrique et numérique.
Marie-France Guissard, Valérie Henry, Pauline Lambrecht,
Marie-Françoise Van Troeye & Isabelle Wettendorff (CREM)
© APMEP Décembre 2022
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Les objectifs de la séquence
Face à la réticence de certains enseignants à consacrer du temps en classe à la résolution de problèmes, une petite équipe du CREM s’est donné pour objectif de sélectionner quelques problèmes susceptibles de servir de base à un parcours d’apprentissage. Il s’agit tout à la fois d’aider les enseignants à améliorer les performances de leurs élèves en résolution de problèmes et de les convaincre que cette méthodologie favorise les apprentissages des élèves et qu’elle peut être utilisée dans leur classe sans négliger l’enseignement des savoirs. Notre proposition repose fondamentalement sur la confrontation des stratégies que proposeront les élèves et se veut donc très à l’écoute de l’apprenant. L’activité présentée ici constitue un exemple de la mise en œuvre d’une telle démarche.
Problème de la carpette carrée
Voici le problème, tel qu’il est proposé aux élèves.
Dans un premier temps, l’enseignant reste en retrait pendant que les élèves résolvent le problème. On attend d’eux qu’ils comparent le nombre de carrés gris et le nombre de carrés blancs de chacune des carpettes respectant les conditions, et qu’ils constatent qu’il n’existe aucune carpette qui réponde à la question.
L’enseignant laisse aux enfants un temps de réflexion individuelle, puis il les répartit en groupes pour poursuivre la phase de résolution.
Les démarches
Nous décrivons ci-après quelques démarches qui peuvent être mobilisées par les élèves pour résoudre ce problème. Nous nous appuyons sur le vécu dans les classes où le problème a été proposé. C’est sur la base de cette expérience que nous avons tenté d’anticiper la plupart des situations qui pourraient se présenter dans une classe confrontée à ce problème, certains comportements d’élèves étant extrêmement fréquents, d’autres plus anecdotiques.
Les premières démarches relèvent de l’exhaustion. Les élèves recensent toutes les carpettes possibles en les représentant par des schémas ou en plaçant des résultats dans un tableau. Les démarches aboutissent à la solution par comparaison des nombres de carrés gris et blancs de toutes les carpettes à considérer (voir paragraphe 1).
Les suivantes sont incomplètes en ce sens que tous les cas n’y sont pas envisagés, mais peuvent néanmoins aboutir à la solution (voir paragraphe 2).
Les dernières se basent sur des raisonnements erronés, qui empêchent d’arriver à la solution (voir paragraphe 3). Comme le problème est de nature géométrique au départ, mais qu’il débouche sur une question numérique, nous avons relevé des erreurs de deux types :
- erreurs dans la lecture ou l’interprétation géométrique de l’énoncé ;
- erreurs liées aux relations entre les nombres qui apparaissent dans les tableaux.
1. Démarches correctes qui aboutissent à la solution
Les élèves commenceront probablement par dessiner quelques carpettes pour en dresser ensuite un inventaire plus ou moins organisé. Ils peuvent dessiner tout ou partie de l’ensemble des carpettes possibles et dénombrer les carrés gris et blancs de chacune. Il est très probable que dans un premier temps, les élèves réalisent des dessins ou des tableaux désordonnés, l’enseignant pourra par la suite les inciter à organiser leur production pour y voir plus clair. Idéalement, ces nombres de carrés gris et blancs sont notés, soit près du dessin correspondant comme dans la figure 1, soit dans un tableau tel que le tableau 1. Le fait que la carpette de l’exemple se retrouve dans les dessins et dans le tableau conforte les élèves dans cette démarche. La carpette composée de 64 carrés blancs et de 36 carrés gris est bien la plus grande qui doit être examinée, elle compte 10 carrés gris sur chaque côté.
La question de l’exhaustion devrait se poser à ceux qui n’auraient pas organisé leurs recherches de manière systématique. L’enseignant peut les inciter à réorganiser les carpettes examinées par ordre de taille, comme à la figure 1. La question de la plus petite carpette devrait surgir. Comme l’intérieur doit être composé de carrés blancs, il vient que la plus petite doit contenir un seul carré blanc à l’intérieur et donc 8 carrés gris. Même si, pour certains, il est évident que cette carpette n’est pas solution, le cas doit être envisagé si on dresse un inventaire complet. Une fois identifiées la plus petite et la plus grande carpette à prendre en compte, les élèves doivent encore comprendre que tous les cas ont été examinés dès que le nombre de carrés blancs sur un côté du carré intérieur — ou le nombre de carrés gris sur un côté du carré extérieur — augmente de 1 chaque fois qu’on passe d’une carpette à la suivante.
Nombre de carrés blancs sur un côté | Nombre de carrés blancs (à l’intérieur) | Nombre de carrés gris (de la bordure) |
---|---|---|
1 | 1 | 8 |
2 | 4 | 12 |
3 | 9 | 16 |
4 | 16 | 20 |
5 | 25 | 24 |
6 | 36 | 28 |
7 | 49 | 32 |
8 | 64 | 36 |
Tableau 1. |
Si les élèves ont organisé leurs dessins et/ou leur tableau en allant de la carpette la plus petite à la plus grande, il leur sera plus facile de repérer les liens entre les nombres de carrés blancs ou gris d’une carpette et ceux de la carpette de dimension immédiatement supérieure. Pour les carrés blancs de l’intérieur, il s’agit de la suite des nombres carrés, pour les carrés gris de la bordure, c’est une progression arithmétique de raison 4. Les élèves qui auraient observé ces liens sur les premières carpettes de la suite pourraient éviter de faire tous les dessins.
En observant ces suites de nombres, certains élèves remarqueront peut-être que :
- pour les quatre premières carpettes, le nombre de carrés blancs est inférieur au nombre de carrés gris ;
- à la cinquième carpette, ces nombres sont presque égaux, mais le nombre de carrés blancs surpasse de 1 le nombre de carrés gris ;
- à partir de là, non seulement le nombre de carrés blancs reste toujours supérieur au nombre de carrés gris, mais l’écart entre les nombres ne cesse d’augmenter.
Les élèves devraient alors être en mesure de conclure qu’il n’y a aucune carpette carrée qui réponde à la question. Arriver à une telle conclusion en déroutera plus d’un, car les élèves ne sont pas souvent confrontés à des problèmes qui n’ont pas de solution. Ils peuvent avoir l’impression que cette réponse n’est pas valide, croire qu’ils ont mal compté, ou qu’ils n’ont pas examiné tous les cas.
Le tableau 2 reprend l’ensemble des valeurs que les élèves pourraient calculer.
Une des démarches possibles pour calculer le nombre de carrés gris sur les bords sans les dénombrer est de calculer le nombre de carrés total de chaque carpette et d’en soustraire le nombre de carrés blancs à l’intérieur. C’est la raison d’être de la troisième colonne.
Les tableaux des élèves ne comporteront sans doute que quelques-unes des colonnes du tableau 2 et seront probablement différents d’un groupe à l’autre. Il se peut que certains examinent plus de cas que l’énoncé ne le prévoit, faisant varier le nombre de carrés blancs sur un côté de 1 à 10, ou encore envisageant une carpette comportant un seul carré gris, ou quatre carrés gris.
La plupart des élèves arriveront à la conclusion qu’il n’y a pas de solution par comparaison entre les colonnes qui reprennent le nombre de carrés blancs à l’intérieur et le nombre de carrés gris sur la bordure. D’autres se focaliseront uniquement sur l’écart entre les nombres de carrés gris et blancs pour aboutir au même résultat.
Nombre de carrés sur un côté de l’intérieur blanc |
Nombre de carrés sur un côté de la carpette | Nombre total de carrés de la carpette | Nombre total de carrés blancs de la carpette |
Nombre total de carrés gris de la carpette |
Écart | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | 3 | 9 | 1 | 8 | 7 | ||
2 | 4 | 16 | 4 | 12 | 8 | ||
3 | 5 | 25 | 9 | 16 | 7 | ||
4 | 6 | 36 | 16 | 20 | 4 | ||
5 | 7 | 49 | 25 | 24 | 1 | ||
6 | 8 | 64 | 36 | 28 | 8 | ||
7 | 9 | 81 | 49 | 32 | 17 | ||
8 | 10 | 100 | 64 | 36 | 28 | ||
Tableau 2. |
2. Démarches incomplètes
Les élèves peuvent arriver à la conclusion attendue, mais par une démarche qui ne prend pas en compte l’ensemble des cas.
Certains élèves négligeront d’examiner la carpette la plus petite qui ne comporte qu’un seul carré blanc au centre, et commenceront leur inventaire à partir de la carpette de l’énoncé.
D’autres voudront économiser des figures en dessinant des carrés « emboîtés » comme dans la figure 2. Chaque carpette est, à chaque étape, considérée comme le centre de la suivante. Le tableau 3 rend compte de la situation.
L’idée est séduisante mais, en voulant rationaliser le travail, on omet la moitié des cas, ceux avec un nombre impair de carrés sur un bord de la carpette.
Nombre de carrés du centre |
Nombre de carrés de la bordure |
---|---|
\(4\) | \(12\) |
\(4+12=16\) | \(20\) |
\(16+20=36\) | \(28\) |
\(36+28=64\) | \(36\) |
Tableau 3. |
En procédant de la sorte, on augmente de deux à chaque étape le nombre de carrés sur un côté du carré intérieur, ou de la bordure. Comme on ne trouve pas de solution, il faut s’assurer que toutes les carpettes ont été examinées pour pouvoir conclure. C’est l’absence de solution qui doit faire prendre conscience de la nécessité de l’exhaustion. Si un groupe passe complètement à côté des carpettes avec un nombre impair de carrés sur un bord, la question de leur existence devrait surgir lors de la mise en commun.
Remarquons que la démarche similaire avec comme carpette de départ celle qui a un carré blanc au centre et trois carrés gris sur un bord ne ferait apparaître ni la carpette de l’énoncé ni la carpette la plus grande avec 10 carrés gris par côté.
3. Démarches inadaptées ou incorrectes
Le problème proposé peut confronter les élèves à certaines difficultés, normales à ce stade de l’apprentissage. Voici quelques-unes des démarches dans lesquelles les élèves pourraient s’engager et qui ne les mèneront pas à la conclusion attendue.
Dans le cadre géométrique
Une lecture trop rapide de l’énoncé, ou le fait de ne pas trouver de solution, peut amener certains élèves à dessiner des carpettes rectangulaires, en oubliant la contrainte de s’en tenir à des carpettes carrées, passant par exemple de la carpette avec un carré blanc à l’intérieur (figure 3) à une carpette rectangulaire qui en contient deux (figure 4).
Certains autres font suivre la carpette de l’énoncé qui compte quatre carrés blancs à l’intérieur (figure 5), d’une autre qui en compte six (figure 6).
Les élèves qui proposent des carpettes rectangulaires s’imaginent avoir trouvé une solution en exhibant par exemple la carpette de la figure 7, qui compte \(24\) carrés gris et \(24\) blancs.
On peut espérer que le travail en groupe donnera lieu à une discussion sur la lecture correcte de l’énoncé, et sur la formulation de la question. Il n’est pas exclu que le fait de ne pas trouver de carpette qui remplisse les conditions déstabilise certains élèves au point de les inciter à envisager une version « généralisée » de l’énoncé qui débouche sur une solution.
Dans le cadre numérique
Dans la carpette de l’énoncé, il y a 4 carrés gris sur le bord et 12 carrés gris sur la bordure. Certains élèves établissent un lien entre ces deux nombres et s’imaginent qu’on obtient le nombre de carrés gris de la carpette en multipliant par 3 le nombre de carrés gris sur un bord. Refaire le lien avec la situation et tester la « règle de calcul » sur une autre carpette suffit à montrer qu’elle est incorrecte. C’est une généralisation abusive à partir d’un exemple qui est à mettre en évidence si cette procédure apparaît.
Un autre écueil, très perturbant pour les élèves, risque de se présenter si certains d’entre eux veulent utiliser la formule du périmètre d’une figure pour calculer le nombre de carrés gris de la bordure de la carpette. Cette formule les incite à croire que le nombre de carrés gris de la bordure est égal à quatre fois le nombre de carrés gris sur le bord. La carpette de l’énoncé fournit un contre-exemple, puisque pour un côté de 4 carrés, la bordure en compte 12. C’est à nouveau un retour à la situation concrète qui leur fait prendre conscience du fait que cette démarche les conduit à compter deux fois les carrés des coins. L’enseignant devra faire face à ce problème s’il surgit, mais si aucun élève ne s’engage dans cette voie, il vaut mieux ne pas attirer l’attention sur cette difficulté.
Les deux exemples traités ci-dessus montrent que c’est le recours au cadre géométrique qui permet de corriger des erreurs apparues dans le cadre numérique.
Exploitation
Les élèves sont tout d’abord invités à remplir un tableau similaire au tableau 2 qui leur est proposé sur une fiche de travail. Comme les intitulés des colonnes ne correspondent pas forcément à ce qui figure dans les tableaux des élèves, la première démarche est de bien interpréter ce qui est demandé dans chaque colonne. Les élèves doivent repérer dans leur propre tableau les nombres à reporter dans le tableau de la fiche et les recopier dans la colonne adéquate. Pour remplir les colonnes manquantes, ils sont encouragés à s’adresser aux autres groupes. À la fin de cette phase de mise en commun, tous disposent du tableau 2.
Sur la fiche, des questions sont posées pour faire émerger certains liens entre les colonnes et faciliter la compréhension. Voici quelques exemples des formulations attendues.
- Le nombre de carrés sur un côté de la carpette (deuxième colonne) surpasse de 2 le nombre de carrés sur un côté de l’intérieur blanc (première colonne).
- Le nombre total de carrés de la carpette (troisième colonne) est le carré du nombre de carrés sur un côté de la carpette (deuxième colonne).
- Le nombre de carrés blancs à l’intérieur de la carpette (quatrième colonne) est le carré du nombre de carrés sur un côté de l’intérieur blanc (première colonne).
- Le nombre total de carrés gris (cinquième colonne) est la différence entre le nombre total de carrés de la carpette (troisième colonne) et le nombre total de carrés blancs à l’intérieur de la carpette (quatrième colonne).
Les liens au sein d’une colonne sont également porteurs d’enseignements.
- Le nombre de carrés sur un côté de l’intérieur blanc de la carpette (première colonne) augmente de 1 à chaque étape, ce qui garantit que tous les cas ont été examinés du moment que la première et la dernière ligne correspondent respectivement à la plus petite et à la plus grande carpette.
- Le nombre de carrés sur un bord de la carpette (deuxième colonne) augmente également de 1 à chaque étape.
- Les suites de nombres carrés (troisième et quatrième colonnes) qui correspondent respectivement à la suite des aires des carpettes et à la suite des aires des zones blanches intérieures, peuvent servir à introduire la notion de puissance.
- Le nombre de carrés gris de la bordure (cinquième colonne) augmente de 4 à chaque étape.
- Le fait que l’écart qui apparaît dans la sixième colonne ne s’annule jamais est à mettre en relation avec le fait qu’aucune carpette ne répond à la question.
La régularité dans la suite des nombres de carrés gris de la bordure peut donner lieu à une discussion intéressante. L’enseignant revient sur l’observation qu’on ajoute chaque fois 4 pour obtenir le nombre de carrés gris de la carpette qui a un carré de plus sur le bord, et demande si on peut en déduire que cette propriété est toujours vérifiée. Les élèves peuvent apporter à cette question des réponses de différents niveaux.
- Certains enfants dessinent quelques cas, ne trouvent pas de contre-exemple et généralisent, ils conjecturent qu’elle est toujours vraie.
- D’autres, qui ont dessiné tous les cas, constatent que la propriété est toujours vraie. Cette attitude est correcte lorsque le nombre de cas est fini.
- D’autres encore, après examen de quelques cas, se convainquent par un raisonnement que la propriété est toujours vraie.
L’enseignant essaiera d’amener les élèves à valoriser progressivement la troisième attitude et à rechercher des arguments pour valider la conjecture. Les élèves pourraient produire des raisonnements tels que : comme la carpette « qui suit » a un carré gris de plus sur un côté du bord et qu’il y a 4 côtés, on a 4 carrés gris supplémentaires à chaque étape.
Synthèse
Après la confrontation des différentes propositions des élèves, l’enseignant met en évidence les procédés qui ont aidé à dégager la solution et qui pourront être réexploités dans la résolution d’autres problèmes :
- dessiner pour comprendre la situation ;
- organiser ses recherches surtout si les cas examinés deviennent nombreux, si on se partage le travail ou si on veut s’assurer de les avoir envisagés tous ;
- faire des liens entre différents éléments ;
- recourir au cadre géométrique pour valider des observations effectuées dans le cadre numérique, ou inversement ;
- une fois le problème résolu, présenter les résultats de recherche dans un tableau clair avec des intitulés explicites comme titres des colonnes pour décrire les nombres qu’on y introduit.
La synthèse doit mettre en évidence l’intérêt de travailler simultanément dans plusieurs cadres de représentations, dans plusieurs contextes. C’est le va-et-vient entre le cadre géométrique et le numérique qui est souvent porteur de sens, chacun des deux cadres éclairant ou validant l’autre.
Nous insistons sur le fait que distribuer trop tôt la fiche de synthèse risque de court-circuiter toute démarche originale que les élèves pourraient imaginer et vider le débat de son contenu. Remarquons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir complété toutes les colonnes du tableau pour conclure.
Vers l’algébrisation
La situation peut servir de point de départ pour introduire des expressions algébriques et en tester l’équivalence.
On abandonne la contrainte de 10 carrés gris maximum sur un bord, et on pose la question suivante, ou une du même type.
Comment pourrait-on faire pour calculer le nombre de carrés gris de la bordure si on sait que la carpette a 15 carrés blancs sur le côté de la partie centrale ? |
À ce stade, les élèves peuvent encore faire le dessin et expliquer leur méthode de calcul. Après avoir développé un exemple et observé que différents calculs donnent la même réponse, on augmente de manière significative la taille des carpettes pour provoquer le recours à la généralisation. On repose donc la même question en donnant comme seule indication que le nombre de carrés blancs sur un bord du grand carré intérieur est 150, ou 243, ou n’importe quel nombre assez grand pour que les élèves soient découragés de dessiner tous les carrés.
On demande en fait aux élèves d’élaborer des « programmes de calcul » qui permettent d’obtenir directement le nombre de carrés gris de la bordure. À partir de leurs programmes, souvent expliqués en langage naturel, les élèves seront amenés à écrire une expression algébrique qui fournira le nombre demandé à l’aide d’un seul calcul.
Nous présentons ici quelques programmes de calcul que pourraient proposer les élèves ; on insiste bien sur le fait que le but est de pouvoir calculer le nombre de carrés gris de la bordure quel que soit le nombre de carrés blancs sur un côté de la partie centrale. Les dessins qui illustrent les différentes méthodes de calcul peuvent donc être réalisés pour des carpettes de petite taille (figures 8 à 11).
- À l’aide de la figure 8, le nombre de carrés gris de la carpette est calculé à partir de la juxtaposition de quatre bandes ayant chacune la longueur du côté du carré blanc.
On remarque alors qu’il faut encore ajouter les « coins », ce qui donne : « le nombre de carrés gris est quatre fois le nombre de carrés blancs sur un côté de la partie centrale plus quatre ». On facilite la formulation en notant \(b\) le nombre de carrés blancs sur un côté du carré intérieur de la carpette, et on écrit\[\text{nombre de carrés gris}=4\times b+4.\] - La figure 9 montre une autre vision de la situation, le nombre de carrés gris de la carpette est calculé à partir de la juxtaposition de quatre bandes comportant chacune un carré de plus que le bord du carré intérieur : « le nombre de carrés gris est quatre fois le nombre de carrés blancs sur un côté de la partie centrale plus un ». La formule est alors :\[\text{nombre de carrés gris}=4\times(b+1).\]
La similitude des deux phrases en français montre que la formulation mathématique est ici beaucoup plus précise : la phrase en français ne rend pas compte des parenthèses. - On peut aussi compter deux bandes de même longueur que le côté du carré intérieur blanc et deux bandes qui comptent deux carrés de plus que les précédentes, comme illustré par la figure 10. On obtient alors \[\text{nombre de carrés gris}=2\times b+2\times(b+2).\]
- Une autre façon de calculer le nombre de carrés de la bordure est de retrancher le nombre de carrés du carré intérieur blanc du nombre total de carrés de la carpette, en s’appuyant sur la figure 11, ce qui donne \[\text{nombre de carrés gris}=(b+2)^2-b^2.\]
Cet inventaire de procédés et de formules n’est bien sûr pas exhaustif. Les élèves peuvent observer que différents programmes de calcul donnent le même résultat si on fixe la même valeur pour \(b\). En donnant à \(b\) les valeurs qui figurent dans la première colonne du tableau 2, on retrouve les valeurs de la cinquième colonne du tableau avec l’une ou l’autre de ces formules. De plus, les formules obtenues permettent de calculer les nombres de carrés gris de n’importe quelle carpette du même type, aussi grande que l’on veut.
Le fait d’avoir des programmes de calcul différents qui donnent le même résultat (pour la même situation) indique que les expressions littérales différentes qui en découlent sont équivalentes. Cette observation permet d’introduire certaines règles du calcul algébrique et ensuite de les vérifier.
Notons pour l’enseignant que les formules ainsi obtenues ne pourront pas être mobilisées pour résoudre le problème par le biais d’une mise en équation. Le nombre de carrés blancs étant \(b^2\), l’équation obtenue est du deuxième degré et n’est pas à la portée des élèves du début du secondaire. Il faudra éviter d’induire chez l’élève la conception erronée que le problème n’a pas de solution parce que l’équation est du deuxième degré. D’autres problèmes du même genre, décrits dans la revue Losanges n° 42, débouchent sur une équation du premier degré à la portée des élèves. L’existence d’une solution au problème sera mise en relation avec l’existence d’une solution entière et positive de l’équation.
Un travail similaire peut être fait en faisant varier le nombre de carrés gris sur un côté de la carpette. Cependant ces formules sont un peu plus difficiles à obtenir et à manipuler car les expressions algébriques utilisent la soustraction.
Conclusion
Globalement, l’approche par résolution de problèmes propose d’organiser l’apprentissage en partant des problèmes pour aller vers les concepts plutôt que dans le sens inverse, plus traditionnel. Du point de vue pédagogique, la confrontation des stratégies est organisée pour emmener les élèves vers un véritable débat scientifique où la nécessité d’expliciter sa démarche viendra de la volonté d’être compris par ses pairs plutôt que d’une exigence de l’enseignant.
Nous prenons aussi en compte que la rédaction d’une démarche ou la justification d’une stratégie fait partie des compétences à enseigner.
Dans ce type d’approche, le rôle de l’enseignant est largement modifié, comme le montre cet article qui tente de décrire le déroulement possible de l’activité, au plus près de la réalité du terrain.
Références
- Losanges. Revue de la SBPMef (Société Belge des Professeurs de Mathématique d’expression française).
- Rallye Mathématique Transalpin (RMT). Accès à la banque de problèmes.
Note
Pour tous ceux que cet article a intéressés et qui souhaiteraient poursuivre l’expérience avec leurs élèves, un second article de cette « série » intitulé « Des figures en évolution : les tapis rectangulaires » est paru dans Losanges n° 42. Il est disponible en ligne ici.
Valérie Henry est professeure à l’Université de Namur et à l’Université de Liège. Pauline Lambrecht enseigne à la Haute École Louvain en Hainaut. Marie-France Guissard, Marie-Françoise Van Troeye et Isabelle Wettendorff sont retraitées et chercheuses bénévoles au CREM.
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