WIMS, une réponse à PISA et à Mission maths
WIMS, acronyme de Web Interactive Multipurpose Server, est un serveur éducatif, une plateforme d’apprentissage en ligne (cf. encart). Si de nombreux enseignants connaissent déjà cette ressource gratuite d’exercices qui existe depuis 1997, ce n’est pas le cas de tous. Partant de son expérience décennale avec WIMS, Jean-Pierre Gerbal nous propose un tour d’horizon des questions que pose un tel outil et présente son intégration dans son enseignement.
Jean-Pierre Gerbal
© APMEP Septembre 2018
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WIMS, kesako ?
J’ai découvert WIMS dans un atelier aux Journées APMEP : c’est un groupe de sites universitaires en miroir (chacun est une copie de l’autre) abritant une grande quantité d’exercices en ligne, du primaire à l’université en mathématiques et d’autres disciplines.
C’est un bel outil pour la classe, en particulier pour toutes celles et ceux qui ont fait le constat des difficultés de nos élèves en calcul numérique et algébrique.
C’est aussi un élément de réponse sur les remarques des rapports PISA sur le manque d’entraînement des élèves français mais aussi du rapport Villani-Torossian (page 59) sur « L’individualisation des parcours d’apprentissage » et sur « ces outils [qui] permettent de développer les automatismes en faisant travailler la répétition avec diagnostic non stigmatisant tout au long de l’entraînement.»
Le principe est simple, le professeur crée une classe virtuelle puis y inscrit ses élèves. Ensuite, il fabrique ses feuilles d’exercices à partir des nombreux exercices existant dans la base de données. Pour cela, il peut faire une recherche par mots-clefs et par niveau ou partir de feuilles d’exercices préexistantes sur le chapitre désiré. Il peut alors ajouter ou retirer des exercices en fonction de ses objectifs personnels. Pour conclure il active ses feuilles aux dates souhaitées.
À partir de ce moment-là, les élèves vont pouvoir travailler sur toutes les feuilles d’exercices activées dans leur classe virtuelle avec l’assistance du professeur ou en autonomie. Dans ce dernier cas, il est souhaitable de mettre au point un principe d’interrogation du professeur par courriel (ou autre), la copie d’écran de l’exercice en question me paraissant incontournable pour que l’échange soit fructueux.
Chaque exercice a été programmé par un enseignant de mathématiques : le contenu, évidemment, mais aussi les variables aléatoires présentes dans l’exercice (numériques, géométriques, textuelles), ce qui fait qu’un élève ne travaille jamais deux fois de suite avec les mêmes données. Un élève peut donc s’entraîner à volonté sur une même compétence et deux élèves voisins ne disposeront pas des mêmes énoncés. L’auteur-rédacteur-programmeur peut avoir prévu une aide au travail sur l’exercice et la rédaction d’un corrigé plus ou moins détaillé. Il est à ce titre facile d’intégrer comme aide un lien vers un autre exercice plus basique.
Précisons que les exercices ne sont pas uniquement calculatoires, même si cela représente la plus grande partie. Il y a aussi des exercices de lecture de graphique, d’analyse d’énoncés, de mise en ordre d’éléments de démonstration ou d’algorithmes, de vocabulaire, etc.
Le travail de l’élève est automatiquement évalué par une note à plusieurs composantes (un tableau de réglage permet au professeur de choisir l’équilibre entre ces composantes), libre à chacun, professeur ou élève, d’en utiliser le résultat.
Pour ma part, je ne relevais pas ces notes… alors que pour beaucoup de mes élèves, elles devenaient un enjeu de progrès ! Toutefois, il me semble que cette note, qui tient compte des succès et de la persévérance, peut aider l’élève en phase formative.
Ma pratique avec WIMS
L’essentiel du travail sur WIMS dans mes classes se faisait en groupe, mon établissement ne disposant pas d’une salle informatique équipée de 35 postes. J’ai toujours demandé à avoir mes élèves au moins une fois par semaine en groupe en salle informatique avec un poste par élève, ce qui n’exclut pas l’entraide entre pairs.
Peut-on imaginer une séance WIMS en classe entière avec 35 ordinateurs ou tablettes ? Dans l’absolu, rien ne s’y oppose mais l’assistance du professeur aux élèves est très prenante : c’est un peu comme une partie d’échecs en simultané, en aidant tour à tour les élèves à la résolution d’un problème mathématique ou à la gestion de l’interface. Et plus on a d’élèves à gérer, plus c’est prenant, au risque de ne pas pouvoir consacrer suffisamment de temps à chacun.
J’ai aussi fait des évaluations, des examens WIMS, que j’appelais « DS-WIMS ». Très régulièrement avec mes élèves de seconde ou de 1re STMG, très rarement avec ceux de 1re S ou Tle ES. Pour ces derniers, les DS-WIMS servaient de relance du travail après un DS désastreux.
L’immense avantage de ces examens WIMS, c’est qu’ils collent parfaitement au contrat de confiance : les exercices posés sont connus des élèves puisqu’ils figurent obligatoirement dans des feuilles d’exercices déjà travaillées. Les élèves peuvent s’entraîner en mode simulation ouvert un peu avant, souvent le vendredi soir afin de donner la possibilité de travailler pendant le week-end.
Dans ce mode, les exercices sont les mêmes que ceux de l’examen (mais les valeurs sont aléatoires), et la note ne compte pas. Avec ces DS, la note est objective : la machine ignore la très médiatique constante macabre.
Et ça marche… enfin pour les élèves qui souhaitent s’y investir. À titre d’exemple, j’avais quelques élèves de 1re STMG assez rebelles et peu participatifs en cours qui préparaient pourtant soigneusement ces DS et obtenaient de bonnes notes.
Pour précision, en classe de seconde, je complétais le DS-WIMS d’une courte partie écrite, de façon à élargir les compétences évaluées, partie que les élèves abordaient une fois leur travail sur ordinateur achevé (certains inversant parfois l’ordre à leur guise).
Il faut noter que WIMS est très bavard… je m’explique : on peut connaître l’heure de connexion, le temps passé sur les exercices, les réussites ou échecs… Chacun sa déontologie, mais pour ma part, je n’utilisais ces renseignements que pour valoriser les élèves lors des discussions entre collègues ou en conseil de classe. J’ai en mémoire le cas d’une élève doublante ayant cumulé 1280 exercices dans l’année et accompli de considérables progrès !
Évidemment, lors de ces examens, j’ai eu quelques réclamations d’élèves qui butaient sur un souci technique, tantôt extérieur (panne de réseau…), tantôt lié à leur compréhension de l’interface. Dans ce dernier cas, assez courant, je les renvoyais systématiquement au temps de simulation qui aurait dû leur permettre de constater les difficultés et de m’en faire part avant le DS, en classe ou par courriel.
Si je regarde mon usage pédagogique de WIMS sur sa durée, je suis persuadé que cela m’a permis de faire beaucoup plus travailler mes élèves qu’avec les traditionnelles séances d’exercices.
Une feuille WIMS, c’est entre une et deux dizaines d’exercices proposés que les élèves devaient, en théorie, maîtriser, en sus du cours et des exercices que nous faisions en classe. Avec la certitude que la plupart faisaient activement ces exercices, au contraire des travaux de classe en groupes ou binômes, sans parler des travaux donnés à faire hors la classe.
Permettre un travail différencié
Si faire « travailler plus » les élèves, et y parvenir, est en soi un succès, reste à examiner comment WIMS aide à un travail différencié.
Une anecdote pour commencer. Une élève de Tle ES avait jeté l’éponge mathématique depuis longtemps mais préparait un concours avec une petite épreuve de mathématiques. Consciente de son niveau, incapable de lire et comprendre une ligne d’algèbre, elle avait acheté un livre parascolaire niveau 5e. Je lui ai donc proposé une feuille d’exercices WIMS autour de ses besoins pour son concours. C’est évidemment un cas extrême mais qui illustre bien comment le professeur, pour peu qu’il suive les progrès et les difficultés de ses élèves, peut adapter son offre d’exercices aux nécessités pédagogiques.
Comparons un seul instant le travail nécessaire pour confectionner une feuille d’exercices individuelle (je travaillais avec \({\LaTeX}\) ) et celui pour préparer une feuille WIMS. Dans un cas, une recherche « manuelle » d’exercices partagés ou non (dans les livres, sur internet…), suivie d’une saisie avec mise en page puis d’une impression, dans l’autre une recherche par mots-clefs (ou chapitres) suivie d’un clic pour inclure ou exclure l’exercice trouvé dans la nouvelle feuille. Le gain de rapidité est considérable et libère ainsi du temps pour réfléchir : quel est l’apport pédagogique de cet exercice pour le chapitre étudié ? Faut-il le placer avant ou après ?
Si la différenciation est facilitée au niveau du contenu, elle l’est aussi pour le rythme de travail : une séquence en présentiel WIMS, comme je l’ai indiqué plus haut, consiste côté prof à répondre individuellement aux demandes des élèves qui, de leur côté, abordent les exercices dans l’ordre de leur choix et peuvent les répéter autant de fois qu’ils le jugent nécessaire (ils ne s’en privent pas) pour parvenir à une bonne maîtrise procédurale.
Je précise que ce travail individuel devant l’ordinateur ne consiste pas en une succession de clics : les élèves ont un cahier devant eux, souvent leur livre ouvert, et écrivent essentiellement leurs calculs.
Certains exercices sont complexes et l’interface sert de validation au résultat fourni par l’élève. En cas d’erreur, la plupart du temps, une solution rédigée est fournie par WIMS.
Comme beaucoup d’élèves avancent en autonomie, comprenant les solutions proposées par WIMS, le professeur peut se consacrer à une réelle aide individuelle pour les moins dégourdis, avec papier et crayon.
Comparons l’efficacité du temps de travail selon ses modalités. Le travail en groupe, en « îlots », est à mon sens plus efficace que les binômes par la pression sociale au travail qu’il exerce : un seul élève travailleur sur quatre peut suffire à entraîner le groupe alors qu’il en faut au minimum un sur deux en binôme ! Toutefois, si la possibilité d’une aide entre pairs est grandement facilitée en groupe, il faut reconnaître qu’il est plus aisé pour certains élèves de ne pas vraiment chercher les exercices et de se reposer sur leurs camarades.
Mais du côté du travail avec WIMS, la quantité de questions précises posées par des élèves seuls devant leur écran, bien supérieure à celles posées lors d’un travail en îlots, témoigne d’une plus grande efficacité du dispositif sur le type d’exercices proposés, sans pour autant exclure l’aide entre pairs. Et cerise sur la souris, ces très nombreuses questions des élèves, parfois très répétitives, nous aident à mieux cerner les zones d’incompréhension d’une leçon ainsi que certains blocages, ce qui permet une rétroaction pédagogique en classe entière.
La différenciation avec WIMS permet aux élèves de construire leur autonomie responsable, gage de réussite future tant dans leurs études qu’en dehors : ils peuvent faire le choix du travail, pendant les séances collectives ou en dehors, et apprendre à gérer leur temps de travail, solliciter l’aide des pairs ou du professeur à tout moment, ou bien aider ceux qui en ont besoin.
Et si l’on y joint des DS avec contrat de confiance, que ce soient des DS-WIMS ou des DS écrits avec des exercices pris dans la feuille d’exercices, la responsabilité s’étend jusqu’aux évaluations : l’élève peut accepter de consacrer du temps pour mieux réussir son DS ou au contraire le refuser.
De plus, avec des feuilles disponibles toute l’année, l’élève peut reprendre à tout moment un point du programme oublié ou qu’il constate mal acquis au regard des nouvelles connaissances abordées. Et au moment des révisions du bac, toutes les notions abordées dans l’année peuvent être de nouveau évaluées.
Si je n’ai pas utilisé WIMS pour faire des validations de compétences « à la demande » (laisser l’élève choisir le moment de son évaluation prévue par un plan de travail), cela me semble tout à fait possible sous réserve de bien s’organiser (et de bien maîtriser l’outil)1. Notons un avantage non négligeable en comparaison avec les copies : la correction est instantanée.
J’en profite pour revenir sur un élément souligné par PISA : en France, les professeurs accordent une grande importance à la correction de copies. Mes élèves ne se privaient pas de souligner que la correction d’un DS-WIMS ne me coûtait pas beaucoup de temps. Mais l’essentiel de notre travail n’est-il pas dans la construction du travail des élèves et dans l’analyse de ce qui semble bien ou mal compris plutôt que sur des copies ? Ne vaut-il pas mieux réserver les travaux écrits aux compétences qui passent nécessairement par l’écriture et s’alléger pour le reste par l’usage du numérique ?
Et côté inconvénients
La première question de collègues, lorsque j’ai eu l’occasion d’exposer ma pratique, concerne les élèves qui n’ont pas d’accès à l’internet. Mais les enquêtes semblent affirmer que 95 % de nos élèves ont désormais cet accès. Et chaque établissement se doit de mettre en place un dispositif permettant à tout élève ne pouvant travailler en ligne chez lui dans des conditions satisfaisantes de pouvoir le faire sur le temps scolaire (ordinateur au CDI, en permanence, etc).
Le second point susceptible d’être soulevé, c’est le temps devant écran : si tous les enseignants font travailler leurs élèves sur écran, les élèves y passeront un temps que certains jugent déraisonnable. Pour l’heure, nous en sommes encore assez loin.
Se pose aussi la question de la réflexion mathématique que les exerciseurs semblent ne pas renforcer. Nous revenons ici au propos déclencheur : quelle réflexion mathématique pouvons nous structurer si les bases méthodiques minimales nécessaires ne sont pas consolidées ? Et rien n’interdit, bien au contraire, de gérer le temps mathématique de façon bien répartie : exerciseurs sur écran, travail écrit en îlots ou individuel (par exemple avec usage du tétra’aide2) pour aller plus loin ou pour la réflexion. De ce point de vue, il est intéressant de savoir que WIMS a été conçu par un enseignant du supérieur pour ses étudiants de licence et qu’une enquête souligne que les universitaires bornent clairement son usage à la fin de la licence : WIMS est donc bien considéré par les universitaires comme contribuant positivement à la formation mathématique, aucune raison que cet outil ne le soit pas en cycle terminal.
Côté prof, c’est vrai qu’il faut un peu de temps pour apprivoiser l’outil qui peut paraître complexe au premier abord. Il ne faut pas négliger cette difficulté et un accompagnement, en formation par exemple, peut être utile même si la documentation est très complète. Sans oublier le forum de WIMS-edu3.
Autre question : la protection des données et l’usage de celles des élèves. Je ne suis pas spécialiste de ces questions mais l’intégration de WIMS dans l’ENT de l’établissement semble la réponse la plus simple. C’est techniquement possible et réalisé dans certaines académies. Cela ne peut que faciliter le contrôle de l’usage des données personnelles mais aussi l’inscription des professeurs et des élèves (gestion des listes, des identifiants et mots de passe).
En guise de conclusion
Le travail en classe avec WIMS a été au cœur de mon évolution vers une action beaucoup plus efficiente et concrétisant mon principe éducatif : je prends les élèves tels qu’ils sont (avec leurs lacunes… que j’espère les plus rares possible) et je tente de les mener le plus loin possible. Si je n’avais lu sur mon écran le temps de travail WIMS de certains de mes élèves, le nombre d’exercices faits, j’aurais pu accepter le doute sur l’utilité d’un exerciseur facilitant la différenciation en cours de maths.
Mais avec un constat pluriannuel positif, je lancerais volontiers un défi : pour que nos élèves réussissent mieux les exercices de base, essentiels, hors les lamentations sur leur manque de travail, donnez-moi une méthode qui soit aussi imparable !
Et d’ajouter que cela m’a amené à construire, pour ma dernière année d’exercice, une pédagogie de classe inversée4 reposant sur les capsules (vidéos courtes) d’Yvan Monka5 montrant les méthodes pour le cours, sur des séances WIMS de mise en pratique de ces méthodes, en présence et avec l’assistance du prof ou en entraînement personnel avec assistance à distance, et sur un parcours mathématique progressif, avec feuille distribuée pour le travail en îlots en classe entière. Et cette année m’a paru la plus agréable de ma carrière… avec la certitude que j’avais vraiment fait travailler mes élèves, dans un climat de classe plus serein que jamais.
Références
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Une enquête sociologique auprès d’utilisateurs enseignants de WIMS sur usages et pratiques effectives. .
-
Utilisation de l’environnement WIMS dans l’enseignement
des mathématiques au secondaire. .
WIMS, une plateforme de ressources interactives pour l’enseignant. WIMS signifiait initialement Web Interactive Mathematics Server mais le M représente maintenant Multipurpose suite à la diversification des matières représentées. Il s’agit d’une plateforme libre (licence GNU GPL) d’enseignement en ligne et gratuite déployée sur une vingtaine de serveurs et proposant de nombreuses ressources interactives : exercices, une centaine de cours. WIMS a été développé il y a vingt ans par un seul homme, Xiao Gang, professeur de mathématiques à l’université de Nice, décédé en 2014. La plateforme WIMS propose :
Les ressources sont conçues, programmées et publiées par des enseignants. Elles s’appuient sur des logiciels libres de calcul ou graphiques puissants. Chacun peut utiliser les ressources, les adapter pour ses élèves ou en créer de nouvelles. L’enseignant peut organiser le travail de ses élèves dans un espace privé, une classe virtuelle. Il y installe des cours et des listes d’exercices, choisis parmi les ressources publiques ou celles qu’il a programmées par lui-même. Quelques liens : |
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Jean-Pierre Gerbal est désormais retraité, il a enseigné les mathématiques dans l’académie d’Orléans-Tours. Son blog : .