Différencier en début de cycle 2
Le fil rouge de ce numéro est l’occasion pour Serge Petit de nous livrer sa réflexion sur la différenciation. En s’appuyant sur la numération en cycle 2, il décortique le mot et le concept, et propose un cheminement transposable à tous niveaux, qui nous évitera de tomber dans les pièges d’une pseudo-différenciation qui pourrait s’avérer discriminante.
Serge Petit
© APMEP Septembre 2018
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Différenciez ! Différenciez ! Différenciez ! Un leitmotiv que l’on entend très souvent dans le monde de la formation des enseignants, dans la sphère des inspecteurs et que les professeurs doivent mettre en œuvre.
Cette préoccupation constante, cet axe d’analyse des pratiques par les inspecteurs découle sans doute d’une intention louable, celle de faire réussir tous les élèves. Le problème est particulièrement crucial au tout début du cycle 2. Des objectifs affichés tels que « 100 % de réussite en CP » risquent de pousser à l’extrême cette différenciation. Quel sens donner à cette notion de différenciation ? Que signifie le verbe différencier, comment différencier ?
Interrogeons le mot
Le verbe différencier est construit sur le radical -fèr- qui signifie porter, sur le suffixe nominal -enc(e) auquel est ajouté le suffixe -ier dont le sens est faire. Le préfixe est ici déterminant puisqu’il donne l’idée d’un écart, de deux. Différencier serait donc enseigner d’une manière pour les uns, d’une autre pour les autres.
Ainsi, différencier revient très fréquemment à proposer des exercices faciles ou peu nombreux aux élèves dits fragiles, ou en difficulté ; des exercices plus difficiles ou plus nombreux aux élèves dits forts ou bons. Une telle manière de procéder est-elle pertinente au début des apprentissages fondamentaux ?
Interrogeons les évaluations
Un constat majeur s’impose : la numération de position n’est pas comprise par tous les élèves de cycle 3. Ce constat est réalisé par de nombreux enseignants de ce cycle. Le rapport du CNESCO1, citant une recherche de Constance Kamii, précise que des enfants interrogés sur le sens du 6 et du 1 dans l’écriture 16 renvoient les réponses exactes chez 12 % des enfants de 7 ans, 42 % des 9 ans et 78 % des élèves de lycées. Or, il s’agit là du principal concept à enseigner en cycle 2 car il conditionne tous les enseignements ultérieurs (le calcul posé, la compréhension des nombres décimaux, etc.).
Interrogeons les pratiques pédagogiques
Une très grande hétérogénéité des élèves en début de CP
L’hétérogénéité des élèves en début de CP est impressionnante et tient à de nombreux facteurs : des différences d’âges, de maturité, des différences sociales, culturelles, etc. Il convient de ne pas l’ignorer et d’en tenir réellement compte dans la progression2 et dans la programmation3 des enseignements.
Tous les élèves (ou presque) entrent en CP avec une certaine connaissance des nombres, mais l’empan numérique maîtrisé par les uns et les autres peut être très différent. Certains élèves restent enfermés dans une pratique de comptage-numérotage, récitent la comptine des noms de nombres plus ou moins loin, mais leurs connaissances ne sont qu’un vernis. Certains d’entre eux ne savent pas énoncer le cardinal d’une collection d’objets, tout en connaissant la comptine numérique et en mettant en œuvre le perfide comptage-numérotage. D’autres ont déjà une connaissance plus affirmée du nombre et de ses désignations, maîtrisant les décompositions additives des petits nombres et sachant résoudre des problèmes variés.
Certains élèves ont ainsi réalisé leur entrée dans les mathématiques, d’autres non.
Prendre en compte ces différences importantes impose donc de différencier en enseignant. La véritable question est celle du « comment ? ».
Des pratiques d’enseignement très proches
Comment se déroulent les apprentissages numériques en CP ? En CP et CE1, plus de la moitié des pages des ouvrages est consacrée à l’enseignement du nombre et du système de numération. Une analyse portant sur quatre manuels4 très utilisés, montre que les écritures chiffrées (« à deux chiffres ») des nombres sont fréquentées parallèlement à leurs désignations en langue naturelle, sans que soit explicité le sens des chiffres en fonction de leur position. Cette fréquentation des écritures « à deux chiffres » occupe presque la moitié de l’année dans les manuels étudiés, sans que ces écritures aient été construites, sans qu’aient été construits le sens du 1 et celui du 0 dans l’écriture chiffrée du nombre par ailleurs appelé dix. Le rapport du CNESCO5 précise de plus qu’« Aucune [des situations d’enseignement du système de numération de position, ndlr] n’est réellement une situation problème. »
Non seulement ce concept n’est pas enseigné en réponse à un problème, en tenant compte du caractère pour partie conventionnel de la désignation chiffrée des nombres, mais, de plus, le concept de nombre est bien souvent confondu avec la désignation des nombres. On étudie par exemple les nombres « \(0\) à \(9\) », ou de « \(1\) à \(10\) », puis ceux de « \(10\) à \(16\) » ou de « \(10\) à \(19\) » puis on continue bien souvent en considérant les nombres de \(20\) à \(29\), puis de \(30\) à \(39\), etc.. Ce faisant, on confond « nombre » et « désignation chiffrée des nombres ». Un retour aux définitions des nombres entiers naturels (axiomatique de Peano ou de von Neumann) éclaire pourtant l’approche des nombres d’une toute autre lumière, celle affirmée par les programmes de 2015. Les nombres se définissent indépendamment du système de numération qui permet de les représenter, de manière récurrente à partir d’un premier nombre noté \(0\) et appelé zéro, par l’ajout d’un autre nombre, noté \(1\) et appelé un.
C’est à partir de cette propriété fondamentale (tout nombre a un suivant immédiat qui s’obtient par l’ajout de \(1\)) que se construisent toutes les relations entre les nombres entiers naturels.
Il est indispensable de construire en classe ces relations qui s’expriment sous la forme des décompositions additives des nombres, du produit de deux nombres, d’une écriture de type division euclidienne, etc. D’où l’importance fondamentale des décompositions additives qui découlent de l’axiomatique de Peano.
Ce tronçonnage est le fait de la majorité des ouvrages scolaires et conduit à un symbolisme introduit trop tôt et non construit des désignations des nombres, symbolisme auquel s’ajoute celui des signes \(+\), \(-\) et surtout du signe de l’égalité (\(=\)), généralement non construit et non compris par les élèves. Cette approche très précoce dans le cycle 2 de concepts aussi fondamentaux en première année des apprentissages fondamentaux place nécessairement les élèves les plus fragiles en situation d’échec dès le début de la scolarité obligatoire. Il est donc nécessaire d’adopter une attitude visant la réussite de tous, ce que ne permet pas cette précipitation. Il convient dans un premier temps de placer tous les élèves (ou une très grande majorité d’entre eux) en situation de réussite scolaire. Comment faire ? Différencier dès le début en demandant moins aux uns, en proposant plus aux autres ?
Interrogeons les mathématiques
L’activité mathématique, comme le précisent les programmes, est une activité intellectuelle qui se développe autour de la résolution de problèmes en mettant en œuvre les six verbes qui gouvernent les programmes : chercher, modéliser, représenter, raisonner, calculer, communiquer. Avant de se poser la question d’une éventuelle différenciation, il est essentiel de se poser la question des savoirs que l’on veut enseigner, des attitudes que l’on veut développer chez les élèves, des compétences que l’on veut voir s’affiner au cours du temps. Il est non moins important de se poser la question de la motivation des élèves, du plaisir qu’ils éprouvent à faire des mathématiques. Toute réussite est en effet un élément majeur qui permet de développer une appétence des élèves pour les mathématiques.
Enseigner, c’est donc d’abord motiver les élèves, leur donner le goût d’apprendre, le plaisir de faire des maths.
Pour ce faire, il est donc nécessaire non pas de conditionner les élèves pour qu’ils s’adaptent à une pratique courante, mais de développer une stratégie d’enseignement qui puisse motiver tous les élèves, qui puisse donner à tous ce goût, ce plaisir de faire des mathématiques. Il est fondamental de permettre à tous les élèves en début de cycle de vivre profondément leur acculturation6 mathématique.
Cette acculturation peut s’effectuer avec les moyens dont disposent quasiment tous les élèves entrant en cycle 2 : les seuls neuf premiers nombres (hors zéro).
Cette nécessaire acculturation mathématique impose de s’interroger davantage sur ce que doivent être les véritables apprentissages fondamentaux en ce début de cycle 2.
Quels apprentissages mettre en place ?
Donnons un exemple de proposition concernant l’enseignement de la numération au cycle 2.
Il s’agit, au cycle 2, de construire à la fois le sens du nombre et des désignations (chiffrées, orales et écrites en langue française) des nombres dont le système conventionnel de position. La construction du nombre passe nécessairement par la notion de quantité qu’il convient de consolider, s’assurer que tous les élèves considèrent les objets comme des entités et qu’ils aient conscience de la permanence de cette quantité quand les objets sont déplacés, dégroupés, regroupés, etc. Cela impose l’enseignement d’un vocabulaire spécifique au travail sur les quantités (il y a moins de … que de …, il y a plus de … que de …, moins que, plus que, \(x\) de moins que …, \(x\) de plus que …, autant, etc.). Ces expressions, entre autres, permettent d’exprimer des comparaisons de quantités : « Il y a trois lapins de moins que de poules ». Nécessaires puisque c’est à partir d’elles que se construit le concept de nombre, elles sont difficiles à mettre en place et nécessitent un travail spécifique s’inscrivant dans la durée, travail qui coordonne fortement les enseignements de la langue française et des mathématiques. Or, elles sont souvent peu ou trop rapidement traitées en début de CP, ce qui constitue un facteur d’échec.
Ce travail nécessaire doit conduire à la construction du concept de nombre entier naturel (à distinguer de ses désignations). La notion de cardinal est alors la clé d’entrée dans le nombre, à condition qu’elle ne soit pas confondue avec l’affectation d’étiquettes comme cela se pratique dans le comptage-numérotage. Si nous considérons, qu’à l’instar de la longueur, de la durée, etc., le cardinal est une grandeur, celle qui permet de mesurer les collections finies d’entités, il convient d’enseigner cette grandeur (la première explicitement travaillée par les élèves) à partir de ses propriétés fondamentales et surtout à partir de l’additivité (le cardinal de la réunion de deux collections disjointes et égal à la somme des cardinaux de ces deux collections). Cette propriété fondamentale sur laquelle repose la construction du nombre entier naturel doit alors être vécue par tous les élèves de la classe dans des situations motivantes, spécialement conçues à cette fin. Ces situations ne peuvent se résumer à « aller chercher autant de … que de … », situations dans lesquelles on ne peut savoir si l’élève a numéroté les objets ou s’il a mis en œuvre une procédure fondée sur l’additivité du cardinal. Ces situations doivent alors être contraintes afin d’obliger les élèves à pratiquer des opérations fondamentales que l’on peut effectuer sur les nombres : décomposer, recomposer (ce que les programmes mettent fortement en valeur), comparer, etc. Cette dernière activité permet d’introduire un autre bagage langagier, adapté aux nombres et plus aux quantités (… est plus petit que …, … est plus grand que …, … est égal à …, etc.).
Dès la grande section, les élèves auxquels l’activité a été proposée, sont capables de résoudre des problèmes de décomposition-recomposition sous contraintes. Cette capacité des élèves est encore plus grande en CP. Elle relève de l’acculturation mathématique et construit petit à petit le sens du nombre. Elle peut se pratiquer en désignant des grands nombres (par exemple seize) à partir des dix premiers nombres. L’élève qui doit désigner, dans une situation motivante pour lui, de tels nombres cherche, modélise, représente, raisonne, calcule et communique. Il fait son entrée en mathématiques. Il accède à la culture mathématique.
Tous les élèves de CP (ou presque tous) sont, si on leur en offre l’occasion, capables de travailler de la sorte, capables de résoudre des types de problèmes qui construisent le sens du nombre, capables d’éprouver du plaisir à faire des maths et développent une appétence pour cette matière.
Les décompositions-recompositions additives ainsi vécues ouvrent la porte au sens des désignations sémiotiques des décompositions, utilisant le signe \(+\), et nécessitent un enseignement explicite du sens de l’égalité7. La porte, déjà entrouverte, à la résolution de problèmes relevant de la multiplication et de ceux relevant de la division euclidienne s’ouvre alors en grand. Les problèmes portent désormais sur des nombres bien plus grands désignés additivement à partir des dix premiers nombres.
La mise en place du système conventionnel de désignation des nombres viendra plus tard, vers la fin d’année. Les élèves sont alors motivés, ont résolu de très nombreux problèmes, ils assimilent alors très rapidement ce système délicat ainsi que l’association des désignations des nombres en langue française et chiffrée. Leur acculturation mathématique d’une durée d’environ huit mois, à partir d’outils légers (les seuls dix premiers nombres car le nombre appelé zéro aura été construit) leur a alors conféré une maturité mathématique, une appétence pour les mathématiques au point que ces désignations sont alors demandées par les élèves plutôt que d’être subies en début d’année scolaire. De plus, ce décalage d’environ huit mois rapproche alors les élèves français de ceux de pays européens dans lesquels la scolarité obligatoire commence un an plus tard, pays dans lesquels les élèves semblent mieux réussir que les élèves français aux évaluations comme TIMMS.
Des propos qui précèdent, on pourrait penser qu’il n’y a pas lieu de différencier au sens classique du terme, c’est-à-dire de donner des tâches différentes aux uns et aux autres en fonction de leurs capacités de l’instant.
C’est exact sur le fond car repenser l’enseignement en fonction des élèves, en fonction des mathématiques elles-mêmes, adapter l’enseignement aux élèves et ne pas contraindre les élèves dans un enseignement désuet et inadapté constitue déjà un élément déterminant d’une réussite plus massive. Il reste toutefois des élèves qui ne suivent pas tout à fait le rythme de la classe, même si celui-ci est mieux adapté. Il est donc nécessaire d’effectuer un travail spécifique pour eux.
Il convient de préciser ce que l’on peut entendre par différenciation. Il ne s’agit pas de constituer des groupes de niveaux, pratique qui a tendance à fixer les élèves dans un groupe, à laisser penser que certains sont faibles, d’autres forts. Différencier peut consister à donner à tous la même tâche mathématique en l’adaptant aux uns et aux autres.
Donnons quelques exemples.
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Premier exemple : constituer une collection équipotente à une collection donnée (aller commander autant de petites cuillères qu’il y a de pots de yaourts). Il est entendu que cette tâche est à résoudre en mettant en œuvre des décompositions additives. Cela peut se faire en utilisant des cartes portant des valeurs indiquées (de \(1\) à \(9\)). Certains élèves, déjà à l’aise avec les plus grands nombres pourront se voir proposer une collection de plus grande taille à décomposer en excluant par exemple les cartes de \(1\) à \(4\). D’autres se verront proposer exactement la même tâche avec une collection plus petite, en excluant les cartes de \(6\) à \(9\). Mais il est alors nécessaire d’observer les élèves en train d’agir et petit à petit, en fonction des capacités des uns et des autres, d’augmenter soit le cardinal de la collection, soit de faire varier les cartes disponibles. La différenciation dans ce cas consiste alors à proposer exactement la même tâche mathématique à tous les élèves tout en jouant sur certains paramètres. Les observations attentives des enseignants permettent d’ajuster petit à petit les problèmes afin que tous parviennent en fin de cycle aux objectifs attendus (et pas nécessairement en fin de CP, ce qui serait contraire à l’esprit de la loi et des programmes).
Le respect des possibilités des uns et des autres (le « principe d’éducabilité ») impose donc de ne pas définir a priori des connaissances ou des compétences exigibles en fin de CP car de telles injonctions ne pourraient conduire qu’à augmenter les échecs en CP alors que sur la durée du cycle, pratiquement tous les élèves pourraient réussir. -
Deuxième exemple : on demande aux élèves de CP de montrer l’égalité \[9 + 5 + 7 + 4 = 6 + 4 + 3 + 7 + 5\] À ce stade, les élèves, dans leur grande majorité, ne peuvent pas effectuer le calcul puisque les écritures chiffrées des nombres supérieurs ou égaux à dix n’ont pas été travaillées. Certains élèves procèdent directement par les décompositions-recompositions, ce qui est la stratégie attendue. D’autres élèves se saisissent du matériel (petits cubes, cailloux, etc.) disponible dans la classe et manipulent. Ils prennent \(9\) objets et \(5\) objets et \(7\) objets et \(4\) objets. Ce tas obtenu, ils forment un paquet de \(6\) objets et un de \(4\), etc. Ils constatent que la transformation du premier tas conduit au deuxième sous la forme des cinq paquets demandés et concluent qu’il y a bien égalité entre les deux écritures.
La différenciation passe alors par le fait d’utiliser ou non du matériel et par le fait de demander aux élèves qui savent calculer chacun des deux membres de l’égalité de ne pas le faire. Cet aspect de la différenciation ne doit cependant par leurrer le professeur car l’élève qui manipule les objets doit franchir un pas supplémentaire pour se passer des objets, donc abstraire. Il appartient à l’enseignant de savoir quand un élève est capable de se passer du matériel et de l’accompagner pour franchir ce pas déterminant. Cette observation-évaluation de l’enseignant fait aussi partie intégrante du dispositif de différenciation. Elle en est le guide. -
Troisième exemple
Bien souvent, en situation de résoudre des problèmes, l’enseignant se contente d’une réponse uniquement numérique fournie par les élèves par exemple : \(7\). Or, ce \(7\) tout seul ne veut absolument rien dire. Une certaine bienveillance de l’enseignant consiste à accepter une telle réponse des élèves qu’il juge en difficulté et à exiger des autres une phrase réponse complète. Une telle attitude ne constitue pas à nos yeux une différenciation pédagogique, mais une négation du principe d’éducabilité. Ce n’est pas, en effet, en considérant — sauf cas extrêmes — que certains élèves ne sont pas capables d’écrire une phrase que ceux-ci progresseront. La démission de l’enseignant est alors un facteur d’augmentation de la différence entre les élèves. Différencier, dans ce cas, consiste à travailler explicitement en classe la rédaction de phrases réponses pour tous les élèves. Ce qui atténue les différences culturelles entre eux. La différenciation porte alors sur les outils ou les supports d’écriture proposés aux élèves : dictée à l’adulte, étiquettes-mots pour former une phrase, modèles à imiter, vrai-faux, etc. L’objectif étant que l’élève, au terme du cycle soit capable d’écrire une phrase réponse mathématiquement, syntaxiquement, grammaticalement et orthographiquement correcte.
La différenciation ne passe pas par des exigences moindres pour certains élèves, ce qui ne conduirait qu’à une plus grande hétérogénéité ultérieurement et amorcerait une dangereuse spirale descendante. La différenciation dans ce cas consiste à avoir les mêmes exigences pour tous les élèves afin de ne pas laisser les différences socio-culturelles prendre le pas sur l’enseignement. Il appartient à l’enseignant de fournir à chaque élève les outils intermédiaires pour sa réussite.
Il est important de savoir que l’objectif, dans ce cas, est aussi un objectif de fin de cycle 2.
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Quatrième exemple
On sait que les rythmes d’acquisition des connaissances, des compétences sont très variables d’un élève à l’autre. On sait par ailleurs que les trois années dévolues au cycle 2 suffisent, sauf cas particuliers, à acquérir les connaissances et compétences définies en fin de cycle par la loi. On sait aussi que certaines acquisitions restent fragiles en fin de première année de cycle. Aussi est-il nécessaire d’appliquer la loi et, en début de CE1, de consacrer un temps conséquent à « la reprise de l’étude des nombres jusqu’à \(100\), notamment pour leur désignation orale et pour les stratégies de calcul mental ou écrit. »8. Ce qui impose de reprendre aussi le concept de désignation chiffrée des nombres, donc le système de numération de position décimale.
La différenciation consiste alors à donner, dans le cadre légal, à chacun le temps de réussir.
Il s’agit alors d’enseigner de manière macro-spiralaire, c’est-à-dire reprendre et consolider d’une année sur l’autre les enseignements précédents (puisque les enseignements sont encore fortement marqués par les strates horizontales que sont le CP, le CE1 et le CE2), mais aussi de manière micro-spiralaire, c’est-à-dire de reprendre très régulièrement au cours d’une même année ce qui a déjà été vu précédemment.Il y a bien d’autres manières de différencier, au cas par cas, en fonction des besoins des élèves repérés par l’enseignant. Pour ce faire, l’enseignant doit pouvoir disposer d’une boite à outils bien remplie, assimilée, et être capable de la faire évoluer.
Conclusion
L’action de différencier, qui vise la réussite de tous les élèves, consiste dans un premier temps en début de cycle 2, à donner aux élèves le temps d’apprendre, ce temps qui est inscrit dans la refonte des cycles en intégrant le CE2 au cycle 2. Elle consiste à ne pas précipiter les enseignements formels relevant de conventions comme le système de numération de position, mais à donner à tous les élèves le temps de faire véritablement des mathématiques avec des outils élémentaires, pour la réussite et le plaisir de tous.
L’action de différencier consiste avant tout à adapter l’enseignement aux élèves et pas les élèves à un enseignement.
Les méthodes proposant plus de 130 séances devant être traitées selon une programmation fixée indépendamment des élèves sur une année scolaire sont certainement très loin de laisser de la place à une différenciation et de respecter le rythme de chacun.
L’action de différencier consiste aussi à enseigner tous les concepts mathématiques de manière explicite comme, par exemple, l’égalité ou le système de numération de position.
L’action de différencier ne consiste surtout à pas proposer moins ou moins difficile à certains, plus ou plus difficile à d’autres, ce qui ne ferait qu’accroître de manière irréversible les différences. L’action de différencier impose d’avoir un même niveau d’exigence pour tous les élèves en proposant à tous des activités difficiles dont la réussite ne peut que renforcer l’appétence pour les mathématiques.
L’action de différencier impose à chaque enseignant de ne pas se laisser contraindre par des exigences de milieu ou de fin d’année imposées de l’extérieur par des autorités ne connaissant pas la classe.
L’action de différencier est extrêmement délicate puisqu’elle nécessite de l’enseignant une bonne analyse des programmes, des mathématiques, de la didactique et une observation fine des élèves. Elle est multiforme et nécessite, par sa complexité, une formation initiale et continue de qualité pour les professeurs des écoles.
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Serge Petit est formateur honoraire en mathématiques à l’IUFM d’Alsace et à l’Université de Strasbourg.
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Conférence de consensus, nombres et opérations, premiers apprentissages à l’école primaire, p. 17.↩
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Progression : ordre dans lequel sont abordés les concepts mathématiques, développées les compétences.↩
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Programmation : progression ancrée temporellement.↩
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Conférence de consensus, nombres et opérations, premiers apprentissages à l’école primaire, Les manuels scolaires de mathématiques à l’école primaire – De l’analyse descriptive de l’offre éditoriale à son utilisation en classe élémentaire.↩
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Ibid.↩
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Il s’agit ici du préfixe ad- sous sa forme a- et qui signifie vers et pas du a- privatif.↩
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Pas comme déclencheur de l’effectuation d’un calcul, mais comme relation entre deux désignations différentes ou identiques d’un même nombre référent (cf. Le calcul en ligne au cycle 2, Eduscol).↩
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Programmes de 2015.↩