Hommage à Paul-Louis Hennequin

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la disparition de Paul-Louis Hennequin le 18 mai dernier. Christiane Zehren, présidente d’honneur de l’APMEP, lui rend hommage.

Photographie de Paul-Louis Hennequin
Crédit photographique : Bernard Hennequin

Christiane Zehren

© APMEP Septembre 2022
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Halte au pilotage à vue dans le recrutement des professeurs de mathématiques

L’APMEP, soucieuse d’un enseignement de qualité et donc d’un recrutement opéré sur des bases saines, claires et équitables, aimerait connaître les moyens qu’envisage le Ministère pour compenser ces départs à la retraite prévisibles : une augmentation massive des recrutements au coup par coup, comme ce fut hélas déjà le cas par le passé ? un nouveau recours à des personnels à statut précaire ?
Un tel type de gestion à flux tendu est non seulement indigne d’un service public, mais aussi profondément injuste vis-à-vis d’étudiants de valeur, motivés par le métier d’enseignant, qui ne seront pas recrutés parce que nés trois ou quatre ans trop tôt, alors que d’autres, de moindre qualité scientifique et pédagogique mais arrivés au bon moment, auront plus de chances de réussite.
L’APMEP ne cesse de réclamer depuis vingt ans la mise en place d’une gestion plus saine des flux de professeurs, pourtant aisément prévisibles à partir des données statistiques dont dispose le Ministère. Nous demandons la publication de plans pluriannuels de recrutement.

Ce texte, adopté le 12 décembre 1999 par le Bureau national sur la base d’une analyse de Paul-Louis Hennequin et Bernard Parzysz, n’est-il pas toujours d’actualité ? On peut, à tout le moins, le penser !

C’est dans cet esprit que Paul-Louis Hennequin, professeur à l’université de Clermont-Ferrand, a joué un rôle majeur à l’APMEP et plus globalement dans l’enseignement des mathématiques.

Président de l’APMEP de 1976 à 1977, responsable du Bulletin, ancêtre d’Au fil des maths, de juin 1978 à septembre 1990 (61 bulletins !), puis largement impliqué dans la rubrique Matériaux pour une documentation et dans la conception des brochures Olympiades, il a beaucoup œuvré pour introduire et développer l’enseignement des probabilités et des statistiques dans les programmes scolaires et dans la formation des enseignants. Son ouvrage, Initiation aux probabilités. Pour apprendre à conjecturer, écrit en 1970 avec Louis Guerber, a exercé une influence considérable. Dès 1973, Paul-Louis milite pour un enseignement de la statistique au collège, grande nouveauté à l’époque et dont on sait la place qu’elle a prise par la suite (voir l’article du BV n°290).

Fondateur de l’École d’été de probabilités de Saint-Flour en 1971 et d’Animath, il a été également directeur de l’IREM de Clermont-Ferrand et président de l’ADIREM.

Dans tous ces domaines, on a en mémoire sa culture, son érudition (pas seulement dans le domaine mathématique), son ouverture d’esprit, sa clarté dans la rédaction, la pertinence de ses opinions, ainsi que sa gentillesse, sa disponibilité, sa tolérance, sa rapidité de réaction…

Pour cet hommage, j’ai choisi des textes qui, même si le contexte diffère, sont en phase avec nos préoccupations : rapports avec le ministère et les réformes, accent mis sur le recrutement et la formation des enseignants, conception du rôle de l’association et de ses publications.

Éditorial du Bulletin , décembre 1976

[…] Outre notre opposition sur la forme même de la mise en place de la réforme, nos inquiétudes sont vives quant au fond et quant à l’orientation nouvelle qu’on veut imposer à l’enseignement des mathématiques.
Une vaste campagne de presse, manifestement orchestrée, sur le thème «Math. Modernes : le reflux, Enfin !» mêle depuis quelques mois dans un large secteur de l’opinion publique, la modernisation de l’enseignement de la mathématique, que notre association a voulue et pour laquelle elle a, en liaison avec les I.R.E.M., effectué un travail considérable de réflexion et d’approfondissement depuis dix ans, avec le caractère sélectif qu’ont de plus en plus les mathématiques, prenant le relais du latin, et que notre association a toujours fermement récusé.
Faut-il rappeler, encore une fois, que ce caractère sélectif résulte de certaines exigences de recrutement imposées par des filières où finalement les mathématiques jouent un rôle très secondaire (grandes écoles, facultés de médecine et bientôt de pharmacie), mais aussi de la formulation actuelle des programmes avec sa tendance bien connue à la surcharge, amplifiée par la plupart des manuels.

Éditorial du Bulletin , septembre 1979

FAIRE PEAU NEUVE POUR UNE LONGUE MARCHE

Quels sont les objectifs que peut se fixer notre Bulletin ?
Organe d’une association, le Bulletin doit d’abord refléter la vie de celle-ci et pour cela être vivant ; il doit faire une large place à l’actualité, à nos préoccupations et à nos luttes, et le cas échéant servir à nous mobiliser. Il doit aussi prendre du recul par rapport à l’évènement pour mieux agir à longue échéance, ouvrir un débat, faire une large place tant à la vie de la mathématique contemporaine qu’à celle de la didactique…
Organe d’une association qui souhaite regrouper ceux qui enseignent de la maternelle à l’université, il doit être lisible par chacun d’entre eux. Il importe donc que chacun y trouve aliment comestible à son goût, éveil à sa curiosité et aussi information, motif de recherche ou occasion de formation.
Organe de liaison de notre association, il doit être ouvert. Ouvert à tous les adhérents, c’est-à-dire d’abord à tous les groupes où s’élaborent les grands axes de notre action ; ouvert à tous les chercheurs qui font avancer l’analyse de notre enseignement ; ouvert aux mathématiciens, non pour présenter un résultat isolé mais une synthèse d’un problème mathématique contemporain […] ; ouvert à ceux qui souhaitent exprimer un point de vue personnel, ouvrir le dialogue avec d’autres adhérents.
Faut-il beaucoup de présomption ou d’inconscience pour croire possible d’améliorer le Bulletin ? Si j’étais seul à le penser et à vouloir le réaliser, si je ne savais pouvoir compter sur l’aide de nombreux militants, mes amis, je ne m’y hasarderais pas.
Je me contenterai de conclure avec Albert Camus :

«Il faut imaginer Sisyphe heureux».

On le voit, l’esprit de Paul-Louis Hennequin est empreint de militantisme et d’humanisme.

Son action et sa passion vont manquer à l’APMEP mais resteront comme une boussole montrant le chemin à emprunter pour les générations montantes.

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Pour citer cet article : Zehren C., « Hommage à Paul-Louis Hennequin », in APMEP Au fil des maths. N° 545. 14 janvier 2023, https://afdm.apmep.fr/rubriques/opinions/hommage-a-paul-louis-hennequin/.

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