Trois formes d’analogie guidant
la résolution de problèmes
La résolution de problèmes est au cœur de l’activité mathématique dès l’école. Les auteurs partagent quelques éléments de leurs recherches et proposent un outil pour faciliter l’élaboration de progressions pédagogiques et d’évaluations pour les enseignants du premier degré dans le domaine de la résolution de problèmes arithmétiques.
Catherine Rivier & Emmanuel Sander
© APMEP Décembre 2021
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Dans cet article, nous présentons un cadre d’analyse des problèmes arithmétiques à énoncés verbaux. Ce cadre a pour objectif de mettre à disposition des enseignants, en particulier ceux du premier degré, un outil pour identifier différentes variables didactiques d’un énoncé aidant à repérer précisément quels sont les facteurs facilitateurs ou obstructifs pour sa résolution. Cet outil permet ainsi de catégoriser les énoncés en fonction de la nature de leurs difficultés. En cela, il permet à l’enseignant de s’assurer que les notions mathématiques (les quatre opérations arithmétiques) sont bien travaillées par les élèves dans toutes leurs dimensions et vient ainsi faciliter l’élaboration de progressions pédagogiques.
Des difficultés liées aux connaissances extra-mathématiques des élèves
Dans la résolution d’un problème à énoncé verbal, la mise en œuvre d’un ou plusieurs calculs dérive de la construction d’une représentation mentale de la situation décrite par l’énoncé. Les données du problème doivent être mises en relation au sein de cette représentation. En d’autres termes, l’élève construit une représentation mentale de la situation présentée par l’énoncé et s’appuie sur celle-ci pour résoudre le problème. Il est connu depuis plusieurs décennies [1], que la difficulté d’un énoncé est modulée par des facteurs non mathématiques, liés aux aspects langagiers et représentationnels de la tâche. Pour cette raison, des problèmes qui se résolvent par une même opération arithmétique peuvent être de difficultés très variables.
Nos travaux récents [2, 3] ont conduit à distinguer trois facteurs caractérisant les énoncés qui influent sur la résolution des problèmes et sont porteurs d’enjeux en termes d’apprentissage. Il s’agit de trois formes d’analogie avec des connaissances acquises dans des contextes tant scolaires qu’extra-scolaires qu’il est nécessaire – parce qu’elles vont interférer avec les apprentissages nouveaux – que l’enseignant prenne en compte pour élaborer des séquences d’apprentissage et pour comprendre les difficultés rencontrées par les élèves. À la lecture de l’énoncé, l’élève élabore une représentation de la situation en établissant des analogies reposant sur ses connaissances préalables. Ce processus est utilisé de manière privilégiée dans les raisonnements mathématiques car il est peu coûteux et rend disponible des stratégies calculatoires.
Ces analogies sont facilitantes pour la résolution lorsque les connaissances préalables et la notion scolaire concordent. On se situe alors à l’intérieur du domaine de validité de l’analogie. En revanche, dans de nombreuses situations, cette fois hors du domaine de validité de l’analogie, les connaissances quotidiennes font obstacle à la résolution et conduisent à des solutions erronées.
Les trois formes d’analogie
L’analogie de substitution
« Additionner » n’est pas (seulement) « Ajouter », « Soustraire » pas seulement « enlever ».
Énoncé verbal soustractif | Réussite à 6 ans |
Joe avait 8 billes. Puis il a donné 5 billes à Tom. Combien de billes a maintenant Joe ? | 100 % |
Joe a 8 billes. Tom a 5 billes. Combien Tom a-t-il de billes de moins que Joe ? | 22 % |
Tableau 1. Taux de réussite à 6 ans pour deux énoncés soustractifs (d’après [4]).
Le tableau 1 montre l’écart de performance pour des élèves de 6 ans entre deux énoncés se résolvant pourtant par la même opération de soustraction « \(8-5=3\) ». Ils présentent de manière évidente des niveaux de difficulté très différents alors qu’ils partagent la même structure arithmétique. Ces exemples permettent de décrire une première forme d’analogie : l’analogie de substitution.
L’analogie de substitution fait appel au fait que chaque opération arithmétique est associée à une connaissance extra-mathématique, issue de la vie quotidienne, qui vient se substituer à la notion scolaire [5]. Chaque opération arithmétique se voit ainsi attachée à une analogie de substitution, directement applicable en termes d’actions parce que fruit d’expériences concrètes répétées issues de la vie de tous les jours. De cette manière, la notion de recherche du résultat d’un ajout se substitue à celle d’addition, celle de recherche du résultat d’une perte se substitue à la notion de soustraction, l’ajout répété d’une quantité donnée se substitue à la notion de multiplication, la recherche de la taille d’une part lors d’un partage équitable se substitue à la notion de division.
Une caractéristique des analogies de substitution est de rester influentes y compris auprès d’une population adulte, par exemple d’enseignants en formation [6]. Ce phénomène explique qu’en cherchant à associer un verbe à « additionner », le verbe « ajouter » vient en premier à l’esprit, de même que ce sont plutôt les verbes « enlever », « perdre », « ôter », « retirer » qui surviennent en premier lieu lorsqu’il s’agit de « soustraire ». Dans la même ligne, un énoncé d’addition se résolvant par l’opération « \(5+3=8\) » qui vient facilement à l’esprit est « J’ai 5 billes. J’en gagne 3. Combien ai-je de billes ? » ou encore « Marie a 5 billes. Jeanne a 3 billes. Combien ont-elles de billes ensemble ? ». Pourtant, l’énoncé « Marie a des billes. Elle en perd 5 à la récréation. Maintenant, elle a 3 billes. Combien de billes avait-elle avant la récréation ? » se résout tout aussi bien par cette même addition. Cependant il est plus difficile de le percevoir au premier abord comme un problème d’addition car il s’agit d’un problème qui décrit une situation de perte, et dont la notion d’ajout paraît bien éloignée. Autrement dit, l’analogie de substitution « Additionner c’est ajouter » va contraindre la conception de la notion d’addition. De même, pour la soustraction, l’énoncé typique qui vient à l’esprit est « J’ai 8 billes. J’en perds 3. Combien me reste-t-il de billes ? », et non « J’ai 3 billes. J’en gagne. Maintenant j’en ai 8. Combien de billes est-ce que j’ai gagnées ? ».
Il est important de noter que les analogies de substitution sont opérantes dans un ensemble considérable de situations, ensemble dans lequel elles concordent avec la notion mathématique. Les énoncés sont alors qualifiés de concordants. À l’extérieur, ils sont qualifiés de discordants, l’analogie de substitution étant obstructive pour la résolution.
Le tableau 2 présente quatre exemples d’énoncés concordants et discordants sur le plan de la substitution et les taux de réussite correspondants pour des élèves de 6 ans.
Énoncé verbal | Réussite à 6 ans |
Analogie de substitution |
Joe avait 3 billes. Puis Tom lui a donné 5 billes. Combien de billes a maintenant Joe ? [\(3+5=8\)] |
100 % | Concordant |
Joe avait des billes. Il a donné 5 billes à Tom. Maintenant Joe a 3 billes. Combien Joe avait-il de billes au début ? [\(3+5=8\)] |
39% | Discordant |
Joe avait 8 billes. Puis il a donné 5 billes à Tom. Combien de billes a maintenant Joe ? [\(8-5=3\)] |
100 % | Concordant |
Joe avait des billes. Tom lui a donné 5 billes. Maintenant Joe a 8 billes. Combien Joe avait-il de billes au début ? [\(8-5=3\)] |
28 % | Discordant |
Tableau 2. Taux de réussite (d’après [4]) et caractéristique d’énoncés additifs et soustractifs sur le plan de l’analogie de substitution.
L’analogie de scénario
Outre l’analogie de substitution, une autre forme influe sur le processus de résolution : l’analogie de scénario. Les éléments situationnels présents dans un énoncé (les objets présents, les relations qui existent entre eux, la thématique de l’énoncé, etc.) évoquent des scénarios de la vie quotidienne, par exemple un scénario de distribution d’objets entre des individus. Le tableau 3 présente l’analyse d’énoncés créés par des étudiants américains de premier cycle, montrant ainsi l’influence robuste du type de relation entre les entités de l’énoncé et la structure mathématique associée.
Paire d’entités | Type de lien entre les entités |
Problèmes additifs |
Problèmes multiplicatifs |
Tulipes / jonquilles | Collatéralité | 67 % | 20 % |
Tulipes / vases | Fonctionnalité | 13 % | 69 % |
Tableau 3 : Taux d’énoncés additifs ou multiplicatifs créés selon deux paires d’entités reliées collatéralement ou fonctionnellement ((d’après [7]).
Les scénarios peuvent être plus ou moins en concordance avec les opérations mathématiques appropriées pour la résolution : par exemple, un scénario impliquant des contenants et des contenus, comme des vases et des fleurs, évoque une multiplication ou une division. Chaque énoncé possède ainsi une structure sémantique, non mathématique, qui est induite à partir des éléments situationnels de cet énoncé. On parle fréquemment « d’habillage » pour désigner ces éléments situationnels ; ce qui présuppose – à tort – que ceux-ci n’interfèrent pas avec la notion mathématique en jeu.
Bassok, Chase et Martin [7] ont en effet montré que si l’on demande à des participants d’inventer des énoncés avec des entités ayant un lien de collatéralité (par exemple, des pommes et des oranges qui appartiennent à la catégorie « fruits »), ce sont très majoritairement des problèmes à structure additive qui seront proposés avec une question du type « Combien y a-t-il de fruits en tout ? ». De la même manière, si les entités ont un lien de fonctionnalité (par exemple, des oranges et des paniers), les énoncés proposés seront essentiellement à structure multiplicative avec une question du type « Quel est le nombre d’oranges par panier ? ». Lorsque la structure mathématique du problème est concordante avec la nature des liens entre les entités (collatéralité pour le champ additif, relation fonctionnelle pour le champ multiplicatif), la résolution est facilitée. En revanche, en cas de discordance, comme ce serait le cas avec une question telle que « Combien y a-t-il de fois plus d’oranges que de pommes ? » (collatéralité des éléments et champ multiplicatif pour la résolution), la difficulté de résolution du problème s’en trouve accrue.
L’analogie de scénario est donc également un facteur d’influence sur les processus de résolution. Lorsque scénario et structure mathématique concordent, on ne peut déterminer ce qui a présidé à la réussite. A contrario, en l’absence de cette concordance, la réussite est un indicateur de la maîtrise conceptuelle de la notion par l’élève.
L’analogie de scénario est dissociable de l’analogie de substitution. Par exemple, l’énoncé « J’ai 3 pommes. J’échange chaque pomme contre 4 oranges. Combien est-ce que je reçois d’oranges ? » est concordant sur le plan de l’analogie de substitution (addition répétée 3 fois de la valeur 4) mais discordant sur le plan de l’analogie de scénario car les pommes et les oranges ne sont pas dans une relation fonctionnelle comme celle qui existe entre des oranges et des paniers. Comme pour l’analogie de substitution, un élève qui résout des problèmes discordants sur le plan du scénario, tels que l’énoncé précédent d’échange entre pommes et oranges, montre sa capacité à identifier que ce problème relève du champ multiplicatif, alors même que la situation le conduit intuitivement à mobiliser plutôt le champ additif du fait de la relation de collatéralité entre des pommes et des oranges.
Les résultats d’une étude que nous avons menée sur des énoncés proposés par les manuels scolaires de cycle 2 met en évidence une très forte proportion d’énoncés concordants pour le scénario ; ce qui laisse supposer que ces ressources pédagogiques n’exploitent ce levier de conceptualisation que de manière marginale.
L’analogie de simulation
Les énoncés peuvent également être analysés selon une troisième dimension, celle de l’analogie dite de simulation.
Il s’agit cette fois de repérer la mise en œuvre de la simulation mentale de la situation décrite par l’énoncé, et donc d’interroger plus en profondeur les valeurs numériques de l’énoncé, variables didactiques pourtant usuellement utilisées par les enseignants pour moduler la difficulté des problèmes qu’ils proposent à leurs élèves.
Énoncés concordants sur le plan des |
Taux de réussite | Analogie | ||
Substitution | Scénario | Simulation | ||
Quel est le prix de 3 objets à 50 cruzeiros ? | 75 % | Concordant | Concordant | Concordant |
Quel est le prix de 50 objets à 3 cruzeiros ? | 0 % | Concordant | Concordant | Discordant |
Tableau 4. Taux de réussite (d’après [8]) chez les adolescents brésiliens non scolarisés et analyse de deux énoncés multiplicatifs.
Le tableau 4 montre que ces deux énoncés, bien que concordants sur le plan des analogies de substitution (addition réitérée) et de scénario (recherche du prix d’un achat groupé) sont de difficulté très inégale. Dans le premier cas, la simulation mentale (50 additionné 3 fois) conduit assez aisément à la solution, sans même qu’il soit nécessaire de faire appel à la multiplication ou à des propriétés de cette opération, alors que dans le second cas, la simulation (cette fois, 3 additionné 50 fois) mène à une impasse puisqu’il est nécessaire pour aboutir au résultat de s’appuyer sur la multiplication, ou du moins sa propriété de commutativité. Lorsque la simulation mentale mène à la solution sans coût calculatoire excessif, l’analogie de simulation est facilitatrice pour la résolution. Lorsque l’élève ne peut se représenter mentalement les valeurs numériques et leur relation mathématique, la simulation est trop coûteuse, il doit alors faire appel aux propriétés des opérations arithmétiques.
Simulation mentale et réussite des élèves : l’étude de Brissiaud et Sander
Les résultats de cette étude [9] à propos de quatre énoncés de problèmes de type soustractif proposés à des élèves de 7 ans (CE1) illustrent clairement l’influence de la simulation mentale sur la performance (tableau 5).
Énoncés concordants sur le plan des analogies de scénario (entités identiques / triplet 42-39-3) |
Taux de réussite | Analogie | ||||
Substitution | Scénario | Simulation | ||||
« Nicolas va en récréation avec 39 billes. Pendant la récréation, il gagne des billes et maintenant il en a 42. Combien de billes Nicolas a-t-il gagnées ? » [\(39\,+\,?\,=\,42\)] | 49 % | Discordant | Concordant | Concordant | ||
« Nicolas va en récréation avec 42 billes. Pendant la récréation, il perd 39 billes. Combien de billes reste-t-il à Nicolas ? » [\(42\,-\,39\,=\,?\)] | 27 % | Concordant | Concordant | Discordant | ||
« Nicolas va en récréation avec 3 billes. Pendant la récréation, il gagne des billes et maintenant il en a 42. Combien de billes Nicolas a-t-il gagnées ? » [\(3\,+\,?\,=\,42\)] | 22 % | Discordant | Concordant | Discordant | ||
« Nicolas va en récréation avec 42 billes. Pendant la récréation, il perd 3 billes. Combien de billes reste-t-il à Nicolas ? » [\(42\,-\,3\,=\,?\)] | 66,5 % | Concordant | Concordant | Concordant |
Tableau 5. Tableau représentant l’analyse selon les trois analogies intuitives de quatre énoncés de type soustractif et taux de réussite d’élèves de CE1 de début d’année [9].
Ces résultats montrent que la difficulté du problème est dépendante non seulement de la concordance de l’analogie de substitution mais aussi de l’efficience de la simulation mentale. L’étude citée étend ces résultats également aux problèmes à structure multiplicative. Les auteurs ont aussi montré que même pour des élèves de 8 ans (CE2), la concordance sur le plan de la simulation mentale reste un facteur déterminant de réussite.
Recoder plutôt que simuler : le dispositif « ACE-ArithmÉcole »
Le dispositif « ACE-ArithmÉcole » [10] () est un dispositif d’enseignement des mathématiques à l’école primaire qui s’appuie sur les apports de la psychologie du développement et de la didactique des mathématiques. Il comporte notamment une suite de séquences d’enseignement qui couvre le programme pour l’arithmétique en CP, et une proposition de mise en œuvre de cette suite de séquences en classe.
Dans le cadre de ce dispositif, Gvozdic et Sander [11] ont montré auprès d’élèves de 6-7 ans (CP), les effets bénéfiques d’une intervention expérimentale destinée à favoriser l’usage de principes arithmétiques pour résoudre des problèmes de soustraction et d’addition. Dans cette intervention, les enseignants orientent les élèves vers une activité dite de recodage, de manière à ce que lorsqu’ils cherchent à résoudre un problème qu’ils ne peuvent pas simuler, comme par exemple « Luc a 22 billes, il en perd 18. Combien lui reste-t-il de billes ? », ils envisagent une stratégie alternative plus économique sur le plan calculatoire et qui permet de faire apparaître l’équivalence entre « soustraire en reculant » (ici, ôter 18 de 22) et « soustraire en avançant » (ici, aller de 18 à 22). De cette manière les élèves sont amenés à construire l’équivalence entre la soustraction directe et l’addition lacunaire et aller au-delà de la conception que la soustraction consiste toujours dans la recherche d’un reste après une perte, pour être en mesure de la voir aussi comme le calcul d’un écart.
Ainsi le travail sur des problèmes discordants selon une certaine forme d’analogie (ici, de simulation) peut avoir une influence sur les progrès concernant d’autres formes d’analogie (ici, de substitution).
Les résultats montrent que les élèves ayant appris à résoudre des problèmes mathématiques avec le dispositif « ACE-ArithmÉcole » ont des performances supérieures à celles des élèves du cursus standard, pour les problèmes simulables comme pour les problèmes non simulables. Les auteurs expliquent cette différence par le recours plus fréquent aux principes mathématiques qu’aux simulations mentales, de la part des élèves ayant participé à ce dispositif.
Ces résultats montrent qu’une telle approche permet aux élèves de se détacher des simples simulations mentales et favorise l’abstraction de principes mathématiques. Intégrer dans une progression des énoncés concordants et discordants sur le plan de l’analogie de simulation bénéficie donc aux apprentissages arithmétiques et aux compétences de résolution de problèmes.
Perspectives pour l’enseignant
Pour pouvoir considérer que la notion mathématique est acquise au-delà des seuls contextes conformes à l’intuition, il sera important pour l’enseignant de s’assurer que l’élève est en mesure de résoudre non seulement des problèmes concordants mais aussi des problèmes discordants avec la conception intuitive de la notion. Pour cela, les séances d’apprentissage devront s’articuler autour de progressions pédagogiques intégrant des énoncés présentant différentes formes de discordances :
-
de substitution (en contexte de transformation, combinaison et comparaison pour le champ additif) ;
-
de scénario ;
-
de simulation.
Intégrer des activités de classe impliquant des énoncés discordants dans les progressions pédagogiques et par conséquent dans les évaluations, est une voie pour favoriser une meilleure maîtrise des notions et offre à l’enseignant la possibilité de distinguer chez l’élève une maîtrise apparente d’une expertise plus profonde.
Le cadre A-S31 : un cadre pour l’enseignement à la résolution de problèmes
Nous avons exposé ici qu’un lien existe entre les connaissances quotidiennes et les notions mathématiques. Les trois formes d’analogie décrites constituent des facteurs d’influence dans le processus cognitif de résolution de problèmes arithmétiques à énoncés verbaux. Elles sont dissociables les unes des autres et analyser un énoncé à travers le cadre A-S3 permet de caractériser chaque énoncé selon qu’il s’inscrit dans ou hors du champ de validité de chaque forme d’analogie et d’identifier ainsi la nature des difficultés que cet énoncé présente pour les élèves.
La combinaison entre ces trois analogies fait apparaître huit types de problèmes (figure 1), les énoncés « ccc » étant les plus simples, les « ddd » les plus complexes.
Les conceptions intuitives étant prédominantes et très ancrées mais sources d’erreurs, l’objectif est que l’élève réussisse à percevoir les énoncés discordants d’une manière plus pertinente sur le plan mathématique que celle issue de représentation spontanée. L’enjeu est de favoriser le développement chez l’élève d’un codage non limité au domaine de validité de la conception intuitive (par exemple, « Soustraire, c’est chercher le reste. »), qui embrasse l’ensemble des situations concernées par la notion, et permet d’en percevoir l’unité. Ainsi, pour la soustraction par exemple, les situations de recherche de la partie restante, du gain, de l’écart, de la valeur manquante, perçues initialement par l’élève comme ayant pas ou peu de liens les unes avec les autres, pourraient être considérées comme partageant la même structure mathématique, soutenant ainsi le processus de résolution.
À la lumière de ces constats, il paraît pertinent d’inviter les enseignants à considérer le caractère concordant/discordant de chacune de ces trois analogies comme autant de variables didactiques et de veiller à proposer aux élèves des énoncés de chaque type et ce, pour chacune des opérations arithmétiques prévues par les programmes, selon le niveau.
Références
-
[1] G. Vergnaud. « A classification of cognitive tasks and operations of thought involved in addition and substraction problems ». In : Addition and substraction: A cognitive perspective. Hillsdale: Erlbaum (1982). Sous la dir. de T. Carpenter, J. Moser et T. Romberg, pp. 39-59.↩
-
[2] E. Sander. « Une perspective interprétative sur la résolution de problèmes arithmétiques : le cadre A-S3 ». In : Actes du séminaire de didactique des mathématiques de l’ARDM (2-3 février 2018) (2018). .↩
-
[3] E. Sander. « La résolution de problèmes arithmétiques à énoncés verbaux ». In : ANAE (Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant) n° 156 (2018), pp. 611-619.↩
-
[4] M. Riley, J. Greeno et J. Heller. « Development of children’s problem solving ability in arithmetic ». In : The Development of Mathematical Thinking (1983). Sous la dir. de H. Ginsberg, pp. 153-196.↩
-
[5] E. Fischbein. « Tacit models and mathematical reasoning ». In : For the Learning of Mathematics n° 9 (1989), pp. 9-14.↩
-
[6] D. Tirosh et A. Graeber. « The effect of problem type and common misconceptions on preservice elementary teacher’s thinking about division ». In : School Science of Mathematics n° 91 (1991), pp. 157-163.↩
-
[7] M. Bassok, V. Chase et S. Martin. « Adding apples and oranges: Alignment of semantic and formal knowledge ». In : Cognitive Psychology n° 35 (1998), pp. 99-134.↩
-
[8] A. D. Schliemann et al. « Use of multiplicative commutativity by school children and street sellers ». In : Journal of Research in Mathematics Education n° 29 (1998), pp. 422-435.↩
-
[9] R. Brissiaud et E. Sander. « Arithmetic word problem solving: A situation strategy first framework ». In : Developmental Science n° 13 (2010), pp. 92-101.↩
-
[10] B. Villette et al. « Peut-on améliorer l’enseignement et l’apprentissage de l’arithmétique au CP ? Le dispositif ACE ». In : Revue Française de Pédagogie n° 201 (2017). , pp. 105-120.↩
-
[11] K. Gvozdic et E. Sander. « Learning to be an opportunistic word problem solver : going beyond informal solving strategies ». In : ZDM Mathematics Education n° 52 (2020), pp. 111-123.↩
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Emmanuel Sander est professeur ordinaire à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’université de Genève dans le domaine « Apprentissage et développement : intervention en situation scolaire », où il dirige le laboratoire IDEA (Instruction, Développement, Éducation, Apprentissage).Catherine Rivier est professeure des écoles maîtresse formatrice (PEMF) en France. Elle est actuellement doctorante, sous la direction d’Emmanuel Sander et chargée d’enseignement dans le département des sciences de l’éducation à l’université de Genève.
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A-S3 : Analogies de Substitution, de Scénario et de Simulation.↩︎
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