Mathématiques et esprit critique

Les mathématiques participent à développer l’esprit critique des élèves. L’autrice partage avec nous ses réflexions sur l’apport de l’apprentissage de la géométrie pour développer l’esprit critique des jeunes générations. Elle propose un objectif à l’École : que chaque élève intègre l’idée « qu’une démonstration n’est valable que dans le cadre d’une théorie ».

Éliane Vandembroucq

© APMEP Mars 2022
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Il est généralement admis que l’apprentissage des mathématiques permet d’acquérir la logique (du moins, de la travailler) et que celle-ci est indispensable à l’exercice de l’esprit critique dans tous les aspects de la vie.

Les mathématiques peuvent (et donc doivent) apporter plus dans ce domaine car, être capable de faire ou de comprendre quelques séquences déductives ne suffit pas, il faut aussi savoir déceler et analyser le cadre théorique sous-jacent à ces raisonnements.

Les mathématiques, par l’exemple de la géométrie euclidienne, peuvent donner l’occasion de faire vivre, dès le collège, l’élaboration d’une théorie.

Dans ce but, il s’agit de bien souligner:

  • que les objets sur lesquels elle travaille, quoique inspirés du monde sensible sont imaginaires : il n’existe pas de représentants concrets du «point» qui n’a aucune épaisseur;
  • qu’elle se base sur des propriétés premières (les axiomes) tirées de l’observation de la réalité mais extrapolées et finalement admises après avoir été choisies presque arbitrairement : le choix aurait pu être différent, voire contraire ;
  • que ces choix étant faits et consentis, il est possible, à partir d’eux, de démontrer d’autres propriétés ;
  • que ces nouvelles propriétés peuvent être « vérifiées » lorsque les conditions réelles sont proches de celles de la théorie : il s’agit des figures dites « exactes » (ou « en vraie grandeur ») mais qu’on devrait qualifier d’être « les plus exactes possible » ;
  • mais que ces propriétés peuvent ne pas s’appliquer à des configurations de la réalité se rapprochant des conditions de la théorie de façon illusoire ou approximative. Par exemple, trois îles peuvent former un triangle rectangle sur une carte, cependant le théorème de Pythagore ne s’appliquera pas du fait de la rotondité de la Terre.

De cette expérience de re-création de la géométrie euclidienne se dégageront les caractéristiques d’une théorie : des objets et des axiomes peut-être tirés de l’expérience sensible mais schématisés pour les uns, discutables pour les autres, et des déductions logiques.

Se dégagera aussi la conviction profonde « qu’une démonstration n’est valable que dans le cadre d’une théorie », ce qui à mon sens, doit être l’un des objectifs de l’École. Bien sûr, presque toutes les autres matières étudiées à l’école contribuent à cet objectif mais l’exemple de la géométrie euclidienne vécue dans sa construction et ses applications, pourra rester une référence.

Il me semble important que cette conviction qui s’applique dans tous les domaines: économie, consommation, santé, nutrition, politique et même vie personnelle, soit acquise de manière rigoureuse et équilibrée à l’école. Si ce n’est pas le cas, nos élèves, futurs adultes, risquent de tout mettre en doute après s’être heurtés, sans comprendre, à certains discours apparemment « logiques » qui ne sont en fait que des « pièges ». C’est peut-être ce qui se passe actuellement dans le fleurissement des théories complotistes.

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Éliane Vandembroucq, retraitée depuis 2007, était auparavant enseignante en collège dans les académies de Lille puis de Rouen.

Pour citer cet article : Vandembroucq É., « Mathématiques et esprit critique », in APMEP Au fil des maths. N° 543. 11 novembre 2022, https://afdm.apmep.fr/rubriques/opinions/mathematiques-et-esprit-critique/.

Une réflexion sur « Mathématiques et esprit critique »

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