Plaidoyer pour les RMC
Lise Malrieu fait partie depuis deux ans des tout nouveaux RMC.
De quoi s’agit-il ?
C’est une modalité de formation en mathématiques des enseignants du 1er degré, issue du rapport Torossian-Villani. Une occasion splendide et unique de former autrement, en collant au plus près aux besoins et en défendant un enseignement des mathématiques explicite et tourné vers les compétences.
L’institution saura-t-elle s’en saisir sans la dévoyer ?
Lise Malrieu
© APMEP Juin 2020
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Un RMC, qu’est-ce que c’est ?
Cet élégant acronyme aux relents sportifs désigne en fait un type de poste (ou plutôt de mission) tout nouvellement créé : celui de Référent Mathématique de Circonscription. Il doit son existence au rapport Villani-Torossian [1], qui a proposé dans sa mesure 14 de : « développer la formation continue en mathématiques des professeurs des écoles (PE). Dans chaque circonscription, [de] favoriser le développement professionnel entre pairs et en équipe, et [de] nommer un troisième conseiller pédagogique, “référent mathématique” ». La mission du RMC consiste en effet à accompagner en mathématiques des professeurs des écoles enseignant en élémentaire (du CP au CM2) pour les former sur les aspects notionnel et didactique, durant une période donnée, en général une année scolaire. Un vadémécum [2] a été établi lors de l’été 2018, qui donne des pistes et qui est de fait le seul texte de référence actuellement. Il propose un cadre et fixe des objectifs, même s’il n’a pas force de décret.
Des objectifs ambitieux
Le vadémécum donne des indications assez précises sur ce qui est attendu d’un RMC :
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travailler les contenus mathématiques comme indiqué en introduction, développer une culture mathématique afin de redonner confiance aux enseignants et améliorer la réussite collective des élèves : travailler les notions mathématiques (par exemple : principes de la numération, la multiplication pour les entiers et les décimaux, les algorithmes de la multiplication ou de la division des entiers, la proportionnalité, les propriétés des opérations, les angles, les aires, …), mais aussi travailler des méthodes pédagogiques efficaces tant d’un point de vue théorique que pratique (par exemple le triptyque manipuler/verbaliser/abstraire) ;
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réfléchir à la place de l’écrit et à son utilisation ;
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observer des séances en classe (2 à 3 par professeur des écoles) ;
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analyser des séances individuellement et collectivement dans une optique de développement professionnel (analyse centrée sur l’enseignant) ;
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concevoir collectivement et mettre en œuvre des séances de classe dans une optique Lessons Studies ;
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conseiller ou proposer des ressources et/ou du matériel pour la classe, accompagnées d’une analyse de leur intérêt didactique.
Il donne aussi des orientations, en terme d’esprit de la formation et en terme d’organisation : il s’agit d’un accompagnement bienveillant, destiné en priorité à « développer les connaissances en mathématiques » de chaque PE. Il comporte une partie individuelle (plusieurs venues du RMC dans la classe), couplée à une partie collective consistant en un travail de groupe de six à huit PE dans lequel le RMC se positionne comme un pair, à raison de sept demi-journées dans l’année. L’important, c’est que chaque PE s’empare de cette nouvelle modalité de formation et s’y sente suffisamment en confiance pour « formuler des besoins mais aussi des difficultés personnelles relatives à certaines notions mathématiques ».
Un rapide calcul permet de voir que le RMC n’a pas le temps de s’ennuyer, et qu’il ne s’agit absolument pas d’un emploi fictif.
C’est réjouissant, c’est motivant, ça donne envie. Bref, on veut vraiment y croire, c’est presque « trop beau pour être vrai », en tout cas c’est ce que je me suis dit quand j’ai lu le vadémécum la première fois. Enfin du temps, enfin une possibilité d’adéquation (à créer certes) entre la formation rêvée et la formation réelle, enfin une place pour la formation entre pairs sur le temps long, enfin de la liberté dans les contenus, enfin une possibilité de créer de la formation « à la carte » pour coller au plus près des besoins des collègues.
Une modalité de formation vraiment différente
Malgré d’inévitables et importantes contraintes d’organisation, cette première année vécue aux côtés des collègues PE m’a permis d’arriver à une certitude : comme je l’espérais à la lecture du vadémécum, il s’agit d’un « bon » dispositif de formation, que dis-je, un « excellent » dispositif de formation. J’entends par là : efficace, adapté aux besoins et pas trop cher.
Cela tient à cette double modalité d’accompagnement individuel et collectif, et aussi, et c’est à souligner, au fait qu’il ne s’agit que d’accompagnement : le RMC se met au service des collègues pour une durée fixée à l’avance. Le temps long permet à la confiance de s’installer, au rôle d’« ami critique » de prendre toute sa dimension ; les contenus se construisent ensemble, les modalités de l’accompagnement aussi. À aucun moment, ni pendant, ni après, il n’y a de sa part une évaluation des collègues suivis qui est transmise à l’institution.
Mais peut-être suis-je un peu naïve, ou angélique : il paraît probable que les IEN1 auront des attentes croissantes en ce qui concerne les séances de mathématiques dispensées en école élémentaire. Leurs observations serviront probablement d’évaluation du dispositif en lui-même et de sa pertinence sur le long terme.
Ma vie de RMC : un maître-mot, souplesse !
C’est sûrement le moment de vous raconter ce en quoi consiste mon quotidien de RMC, entre les trajets en voiture aux quatre coins de mon département d’Indre-et-Loire et les sandwiches avalés à la va-vite vers 15 h (pas eu le temps de déjeuner avant).
Pour l’instant, nous sommes deux RMC sur le département, toutes les deux référentes mathématique à mi-temps, et cette quotité nous paraît tout à fait pertinente. Un temps plein serait trop lourd et routinier (un enchaînement ininterrompu de visites, à raison de deux par demi-journées, et sans pause, car les entretiens se déroulent sur les temps de midi et après la classe), et nous cantonnerait à cette seule mission, alors qu’il est important à notre sens de garder un pied en classe ou sur d’autres terrains de l’Éducation nationale.
Cette année 2019-2020, chacune de nous accompagne vingt PE volontaires, dix de cycle 2 et dix de cycle 3, issus d’une petite dizaine d’écoles (on s’arrange pour suivre au moins deux PE dans une même école, sinon les déplacements sont ingérables). Nous n’avons eu aucun mal à recruter car le « bouche à oreille » des collègues suivis l’an dernier a très bien fonctionné et a été efficacement accompagné par l’IEN chargée de la mission math.
Je me rends dans chaque école sept fois dans l’année pour travailler de façon individuelle avec chacun, et nous nous voyons en collectif (un groupe de cycle 2 et un groupe de cycle 3, joliment appelés « constellations ») pour huit temps de travail de trois heures.
Lors de mes venues dans les écoles, je peux assister à une séance de mathématiques conçue et mise en œuvre par mon collègue PE puis, selon une modalité classique, nous « débriefons » ensuite en entretien. Comme cet accompagnement permet aussi, pour le plus grand bénéfice de tous, de laisser libre cours à son imagination, nous ne nous privons pas de sortir des sentiers battus : animer une séance à la place du collègue, alors placé en position d’observateur ; prendre la classe en charge pendant que le collègue va observer la séance de mathématiques d’un autre enseignant de l’école ; co-animer une séance…
Il arrive souvent qu’on prépare ensemble, avant ma venue, par échanges de courriels, une séance / une séquence sur laquelle l’enseignant ne se sent pas à l’aise ou souhaite réfléchir. Le fait de devoir formuler à l’écrit, argumenter pour convaincre, envisager différentes options, chercher des activités, exercices en dehors de sa méthode ou de ses manuels de prédilection, tout cela contribue à approfondir la notion et donc à la formation en elle-même.
À l’issue de chacune de mes venues, j’envoie des ressources choisies, en lien avec nos sujets de travail (articles de didactique, activités de référence ou innovantes…), qui nous servent de base de discussion lors de ma venue suivante dans l’école ou lors des temps collectifs.
C’est donc l’occasion pour un enseignant motivé d’expérimenter tout au long de l’année scolaire des activités mathématiques et des dispositifs avec sa classe, avec la garantie qu’il sera soutenu, voire épaulé si besoin, par le RMC, soit avant, soit pendant, soit après la séance. Je sais maintenant repérer les regards lancés durant les séances auxquelles j’assiste, qui m’appellent au secours ou me demandent d’intervenir, là tout de suite, maintenant. Souvent pour mener une synthèse, compléter une explication « qui ne passe pas » ou encore organiser une trace écrite, au tableau ou sur une affiche.
En conclusion c’est une formation très individualisée, négociée, en grande partie à la carte. Avec une immense force : loin d’éventuelles injonctions ou d’obligations de résultat, elle respecte la liberté pédagogique de l’enseignant, au sens où la définit Gérard Sensevy2 et elle met la recherche en didactique à portée de l’enseignant via le RMC. Et (de ce fait ?), elle est très appréciée des collègues suivis ; je tiens à votre disposition tout un tas de messages dithyrambiques qui me font toujours chaud au cœur quand je les relis, et je dois dire que je suis tout aussi dithyrambique sur l’investissement des collègues qui ont choisi d’entrer de plain-pied dans cette formation exigeante3.
Les thématiques abordées sont très variées, il me faut être réactive, « avoir des billes » et des connaissances pointues, dans tous les domaines mathématiques et sur les méthodes mathématiques les plus utilisées, voire les plus « à la mode », des cycles 2 et 3.
Et que dire des temps collectifs ? Là encore, place à l’imagination et à l’innovation !
Personnellement, j’ai pris le parti de me mettre à la disposition du groupe et de fonctionner à la manière d’un groupe IREM. Je suis l’experte certes, mais pas « la chef ». Je ne décide pas des thématiques (sauf si j’ai une orientation fixée par l’IEN chargée de la mission math), ni des réalisations. Mon rôle est à la fois de maintenir le cadre fixé collectivement au départ, par souci d’efficacité et pour éviter la dispersion ; d’apporter les connaissances mathématiques et didactiques dont le groupe a besoin pour trancher et franchir les obstacles ; de fournir une bibliographie adaptée ; de chercher des ressources utiles pour faire avancer la réflexion du groupe (y compris des parcours d’auto-formation comme sur M@gistère). Si le groupe patauge, je propose. Si le groupe avance, j’accompagne avec vigilance. Je me pose en garante de la qualité du travail fourni, ce qui m’amène régulièrement à poser des questions « qui dérangent ». Notamment, quand tout le groupe est d’accord sur un choix ou sur un exercice, je me fais un devoir, face à l’évidence, de demander : « Et pourquoi ? ».
Mon objectif, certes très très ambitieux mais aussi très très motivant, c’est que plus aucun des collègues formés n’ait besoin du guide du maître à la fin de l’année, parce qu’il est capable de comprendre les choix opérés dans les fichiers et les manuels et de se positionner par rapport à ces choix, avec des arguments didactiques solides.
À titre d’exemple, en cinq regroupements de trois heures l’an dernier, mon groupe « cycle 3 » de REP-REP+ a construit une progression à l’année sur la résolution de problèmes et une séance de remédiation sur la soustraction posée « par cassage ».
Cette année, toujours en cycle 3, nous travaillons sur « grandeurs et mesures » et après avoir déblayé le terrain en partant des difficultés rencontrées par les collègues en classe et réfléchi aux notions en elles-mêmes (l’importance de bien travailler les grandeurs avant les mesures, notamment), nous nous sommes lancés, via un dispositif de Lesson Study4, sur le problème suivant, extrait de M@ths-en-vie5 et proposé par l’une des PE du groupe :
On comprendra que le RMC doit donc être à la fois un expert en mathématiques (notionnel et didactique) et un expert en accompagnement. J’avais de bonnes bases dans ces deux domaines de par mon parcours professionnel, mais les vingt-quatre journées de formation dispensées entre décembre 2018 et juin 2020 m’ont largement fait gagner en compétence.
Je retire de cette expérience en cours une autre certitude : il me paraît indispensable que le RMC ait les coudées les plus franches possibles pour organiser sa mission, dans la mesure où cela sert les objectifs de formation des collègues PE, et dans la mesure des contraintes de fonctionnement bien évidemment. Cela ne peut pas se faire sans la confiance de l’institution, en particulier les gens avec qui le RMC doit savoir travailler « en synergie » (citation du vadémécum), à savoir l’IEN chargé de la mission math, les IEN des circonscriptions où il intervient, et l’IEN adjoint au DASEN6 de son département.
Gros sous ou efficacité ?
Ce titre provocateur pourrait laisser croire que j’oppose les deux termes. Mais nous sommes entre matheux spécialistes du « ou » inclusif, et nous savons bien qu’il n’en est rien ; comme je l’ai dit plus haut, je pense que la mise en place de postes de RMC ne nécessite que peu de moyens. Encore faut-il accepter de les y mettre…
Dire qu’il y a à l’heure actuelle autant de quotidiens de RMC que de RMC serait exagéré, mais à peine, tant les fonctionnements sont variables d’une académie à l’autre, voire d’un département à l’autre, quand ce n’est pas d’une circonscription à l’autre. C’est sûrement une bonne chose s’il s’agit simplement d’adapter la mission aux spécificités locales. C’est sûrement une mauvaise chose s’il s’agit de s’éloigner des préconisations du vadémécum, notamment en volume d’accompagnement :
Ce rapport pointe également la nécessité d’accompagner les professeurs en exercice vers une meilleure expertise disciplinaire pour rendre la didactique et la pédagogie plus efficaces auprès des élèves. Par ailleurs, sachant que le rendement de la formation continue n’est pas proportionnel au volume horaire consacré, il faut dépasser un certain seuil volumétrique pour voir un effet majeur de transformation ; ce seuil est estimé dans ce vadémécum à neuf demi-journées sur une année. Enfin, la modalité la plus efficace étant le travail en petits groupes sur ce temps long, nous préconisons dans ce vadémécum d’organiser la formation continue autour degroupes de six à huit professeurs des écoles .
Selon mes informations, il n’existe pas à l’heure actuelle de RMC à temps complet, et c’est une excellente idée de garder un bon pied sur le terrain. Il s’agit donc de mi-temps ou de quart-temps, peut-être moins à certains endroits.
Comme souvent, les belles idées sur le papier se sont heurtées, et se heurtent encore, aux contingences. La mise en place de ce dispositif nouveau de formation de proximité a été faite dans l’urgence, au cours de l’année scolaire 2018-2019. Certaines académies comme Rouen ont fait des tests en missionnant une seule personne pour préparer un cadrage académique pour l’année suivante ; la plupart ont souhaité démarrer très rapidement et ont recruté des RMC dans le courant de l’année scolaire. Le dispositif s’est accompagné de six jours de formations nationales et de dix-huit jours de formations académiques, réparties sur les deux années scolaires 2018-2019 et 2019-2020.
Chaque département a ensuite organisé les choses à sa manière, selon les arbitrages du DASEN, et c’est peu dire que les modalités de mise en œuvre sont variées.
Les deux questions cruciales ont donc été : à qui affecter cette mission de RMC et comment l’organiser sur le terrain ?
Raisonnablement et dans l’idéal, on l’a vu plus haut, il faudrait des gens qui ont une solide formation mathématique de base, motivés pour se former sur leurs lacunes, qu’elles soient notionnelles, didactiques ou professionnelles (sur l’accompagnement par exemple), en un temps assez court (vingt-quatre jours de formation en deux ans), qui connaissent bien l’Éducation nationale, qui sont autonomes. Bref, selon moi, des profils de formateurs plutôt aguerris.
Voici d’ailleurs les profils conseillés dans le vadémécum :
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maitre formateur spécialisé en mathématiques déjà en poste ;
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conseiller pédagogique qui souhaite augmenter sa valence mathématique ;
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professeur des écoles de profil scientifique, repéré par exemple lors du plan cycle 3 l’an passé et qui ferait le choix de s’investir dans la formation adulte ;
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professeur certifié ou agrégé (parfois anciennement professeur des écoles), qui s’est investi dans la liaison écoles-collèges ou qui aurait déjà bénéficié d’une formation spécifique sur l’enseignement primaire ;
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membre de l’Espé de valence mathématique ayant une bonne connaissance du terrain.
Selon les académies, les choix opérés montrent en filigrane des priorités différentes ; deux modèles se dégagent essentiellement. Alors que certaines, minoritaires, ont recruté les RMC sur des compétences, en acceptant de financer quelques demi-postes d’enseignants du 1er ou du 2nd degré (c’est le modèle 1), d’autres, majoritaires, ont pris le parti de fonctionner à moyens constants (c’est le modèle 2). Cela n’est pas sans conséquences sur la mission elle-même.
Voyons cela d’un peu plus près.
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Dans le modèle 1 (La Réunion, Ardèche, Territoire de Belfort…), les RMC sont recrutés spécialement pour la mission, sur des mi-temps. Ils sont donc déchargés d’une partie de la moitié de leur temps de classe. Ce sont majoritairement des enseignants du 1er degré ou des PEMF7. Dans quelques rares cas leur sont associés des enseignants du 2nd degré (académie d’Orléans-Tours essentiellement), pour un fonctionnement en binôme : l’enseignant du 2nd degré apporte l’expertise mathématique et sa connaissance de l’« après »-primaire, l’enseignant du 1er degré apporte sa connaissance du terrain, côté élèves et côté PE, ainsi que sa connaissance des outils, matériels et méthodes fréquemment utilisées.
Ils interviennent généralement sur une zone plus large qu’une circonscription, car ils sont peu nombreux par département (quatre au maximum).
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Dans le modèle 2 (Bouches du Rhône, Loire, Oise, Charente Maritime, Vaucluse, Alpes Maritimes, Var, tous les départements bretons, …), les DASEN ont cherché parmi leurs personnels ceux qui seraient le plus à même de remplir cette nouvelle mission, si possible sans recruter. Leur choix s’est alors porté vers les CPC8, déjà fort sollicités, auxquels ils ont demandé d’ajouter cette nouvelle mission à ce qu’ils faisaient déjà, sans rémunération supplémentaire. Même si je reconnais et salue l’investissement de mes collègues CPC, parfois au bord du burn-out, ce n’est évidemment pas le modèle que je souhaite défendre ici. Et ce pour deux raisons essentielles :
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la première, c’est qu’il place le CPC-RMC face à deux dilemmes professionnels essentiels et inévitables :
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la mission de RMC ne consiste pas en un accompagnement pédagogique, même si on peut espérer que la formation mathématique et didactique dispensée aura une influence sur les choix pédagogiques effectués en mathématiques par l’enseignant. Le CPC avance donc sur deux terrains à la fois avec les mêmes collègues enseignants, selon qu’il se déplace en tant que CPC ou en tant que RMC. Double-casquette…
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Par ailleurs, le CPC est en position hiérarchique avec l’enseignant, en lien avec l’IEN de circonscription, pour lequel il travaille. Ce statut, qui existe depuis longtemps, est bien connu de tous les PE, et contradictoire avec celui de RMC, où justement il n’est pas question de se placer sur le terrain du jugement ni de l’évaluation, sinon diagnostique et destinée à ajuster ses propositions de formation au plus près des besoins repérés.
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la seconde, c’est qu’il existe des collègues CPC qui se retrouvent aussi RMC pour de mauvaises raisons, et qui n’ont pas une forte appétence pour les mathématiques (certains le déclarent ouvertement), ni même une formation suffisante pour être très compétents dans ce vaste domaine.
J’en ai rencontré. Pour eux, je doute que les vingt-quatre jours de formation, même très bien conçus (et ils l’ont globalement été), suffisent à être capables de former des collègues eux-mêmes parfois très en délicatesse avec les mathématiques.
Avec ce modèle, le risque est donc grand de voir mourir très rapidement cette formation innovante et intelligemment prévue. Par surcharge de travail et manque de temps des CPC-RMC, parfois aussi par manque de compétence (en mathématiques ou en accompagnement), mais aussi par défiance des collègues accompagnés… Ou encore parce que le temps politique, tel la girouette, ne manquera pas de désigner bientôt une autre priorité nationale, et que des CPC-RMC sont bien plus facilement recyclables que des RMC non-CPC pour former dans l’urgence les professeurs des écoles à la pêche à la ligne et à la didactique de la truite sauvage.
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Comme on le voit, il est facile, tout en respectant le vadémécum à la lettre, d’en être éloigné dans l’esprit. La frontière est mince entre une mission réussie et une mission dévoyée.
Je crains malheureusement que nous en prenions le chemin quand je lis la récente lettre de cadrage adressée par le DGESCO aux DASEN, datée du 5 mars 2020, qui demande de « confier l’accompagnement des constellations aux conseillers pédagogiques de circonscription (CPC), (…), sous la responsabilité de l’inspecteur de l’éducation nationale de chaque circonscription. »
Alors je plaide pour de vrais postes de RMC. Je plaide pour un recrutement des RMC sur des compétences. Je plaide pour des RMC qui soient indépendants de la hiérarchie et aient de la latitude dans l’organisation de leur mission. Je plaide pour une formation continue pérenne des RMC, par exemple sous forme de groupe d’analyse de pratiques. Je plaide pour que ces postes de RMC ne soient pas des variables d’ajustement. Je plaide enfin pour un investissement de l’institution raisonnable mais réel, qui pourra permettre, sur le moyen et surtout sur le long terme, de faire avancer la cause des mathématiques auprès des professeurs des écoles. Parce qu’un enseignement des mathématiques axé sur l’apprentissage, le plaisir et la recherche est à la portée de tous, si l’on part des besoins (des élèves et des collègues) et non des obligations de résultats.
Références
- [1] C. Torossian et C. Villani ,21 mesures pour l’enseignement des mathématiques, , Ministère de l’Éducation nationale, 12 février 2018. (Visité le 25/01/2020)↩
- [2] C. Torossian et al. Vadémécum du référent. Ministère de l’Éducation nationale. (Visité le 25/01/2020).↩
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En poste au lycée Grandmont de Tours, Lise Malrieu travaille comme formatrice en temps partagé à l’INSPÉ de Tours-Fondettes et est missionnée en tant que RMC (Référente Mathématique de Circonscription) du département d’Indre-et-Loire. Elle travaille également pour la revue .
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IEN : Inspecteur de l’Éducation nationale. Il y en a un par circonscription, qui a en charge toutes les écoles primaires de son secteur.↩
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Voir l’article « La liberté pédagogique est-elle compatible avec le travail en équipe ? », de Gérard Sensevy, paru dans Au fil des maths n° 534 .↩
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J’ai la chance de ne travailler qu’avec des PE volontaires. Néanmoins, je me dois de signaler que, dans certains départements, ce sont les IEN qui choisissent (sur quels critères ?) les PE qui seront ainsi accompagnés.↩
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Voir l’article « Ingénieries de formation en mathématiques : des réalisations inspirées des Lesson Studies », de Frédéric Hartmann et Blandine Masselin, paru dans Au fil des maths n° 534 .↩
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Voir l’article « M@ths-en-vie », de Carole Cortay et Christophe Gilger, paru dans Au fil des maths n° 531 .↩
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DASEN : Directeur Académique des Services de l’Éducation nationale.↩
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PEMF : Professeur des Écoles Maître Formateur. Titulaires d’une certification exigeante, le CAFIPEMF, ce sont les PEMF qui forment sur le terrain les professeurs des écoles stagiaires ; certains d’entre eux participent aussi aux « animations de circonscription », la formation continue obligatoire du 1er degré.↩
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CPC : Conseiller Pédagogique de Circonscription. Sa mission est définie dans la circulaire 2015-114 du 21-7-2015.↩
Une réflexion sur « Plaidoyer pour les RMC »
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